Barthélemy Boganda par Abel Goumba


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Pr Abel Goumba

La Centrafrique commémore ce samedi le 49e anniversaire de la mort de Barthélemy Boganda, le premier président du pays. Ancien Premier ministre et actuel médiateur de la République centrafricaine, Le Pr. Abel Goumba, compagnon de route de feu l’initiateur du projet des Etats-Unis d’Afrique, nous éclaire sur la dimension de l’homme et sur ce qu’il lui a apporté.

Pr Abel GoumbaBarthélemy Boganda, le premier président de la République centrafricaine, aurait 98 ans ce samedi (4 avril 1910 – 29 mars 1959). Ce pionnier de l’unité africaine est l’une des grandes figures politiques des indépendances. Le Pr Abel Goumba, auteur de l’ouvrage De la Loi Cadre à la mort de Barthélemy Boganda (vol. 1), revient sur celui qui fut l’un de ses mentors politique et panafricaniste. L’ancien Premier ministre et actuel médiateur de la République centrafricaine revient sur ses années Boganda et leur héritage. Celles de l’Afrique équatoriale française (quatre provinces : le Gabon, le Tchad, le Moyen Congo – l’actuel République du Congo – et l’Oubangui-Chari – l’actuel Centrafrique). Celles des indépendances.

Afrik.com : Barthélemy Boganda était le père du concept des Etats-Unis d’Afrique. Comment entendait-il y parvenir ?

Pr Abel Goumba :
Il entendait y parvenir en trois phases. Dans un premier temps, il s’agissait de mettre en place la République centrafricaine, puis les Etats d’Afrique latine et enfin les Etats-Unis d’Afrique. Il faisait partie des fédéralistes emmenés par Senghor (Sénégal, ndlr) opposés aux séparatistes avec comme chef de fil Ouphouet Boigny (Côte d’Ivoire, ndlr). Pour autant, il ne reniait pas les liens historiques avec la France. Raison pour laquelle, pour le drapeau national, il a conservé le bleu blanc rouge du drapeau français, auxquel nous avons ajouté le vert, couleur de la forêt, et le jaune, couleur du sable tchadien.

Afrik.com : Comment avez-vous connu Barthélemy Boganda ?

Pr Abel Goumba :
Il a été mon professeur. Il était alors le tout premier prêtre du pays (ordonné en 1938). Je peux dire que c’est lui qui m’a éveillé à la vie politique. Il avait été élevé par l’église, mais c’est un véritable nationaliste. Mais pas un nationalisme exclusif. Un nationalisme où les minorités avaient leur place. C’était un érudit, il avait notamment une vaste culture grecque et latine. Nous étions sous administration coloniale et on nous apprenait que le Noir ne valait rien, qu’il n’avait inventé aucune merveille, qu’un Noir ne pouvait devenir ni médecin, ni ingénieur. Et l’on nous vantait l’œuvre civilisatrice de l’Eglise venue nous sauver de la malédiction de Cham (voir encadré) qui justifiait l’esclavage. Lui nous parlait de la civilisation égyptienne et rétablissait la dignité de l’Homme noir. Pour reprendre les propos de Félix Eboué : la couleur de la peau est un vêtement adapté au climat, elle n’a rien à voir avec l’intelligence.

Afrik.com : Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec lui ?

Pr Abel Goumba :
Après la guerre (Seconde Guerre Mondiale), le Général De Gaulle avait pris les deux meilleurs élèves du pays pour les envoyer au Sénégal à l’Ecole William Ponty, l’Ecole normale fédérale de l’Afrique Occidentale française. J’étais l’un des deux. Puis je suis rentré à l’école de médecine. J’ai officié quatre ans au Moyen Congo. Et Boganda m’a, un jour, contacté pour dire qu’il avait besoin de moi.

Afrik.com : Près de 50 ans après la mort de Barthélemy Boganda, croyez-vous toujours aux Etats-Unis d’Afrique ?

Pr Abel Goumba :
Je crois toujours aux Etats-Unis d’Afrique, et j’y crois mordicus. Le panafricanisme c’est l’avenir du continent africain. L’union fait la force. Ce sont les élites et surtout la diaspora qui doivent aider l’Afrique à se développer.

Afrik.com : Les « élites » sont souvent montrées du doigt par la société civile, qui dénonce leur incurie…

Pr Abel Goumba :
Le pouvoir est une espèce de paradis. Même les élites éclairées doivent se battre contre ces forces.

 A lire : Abel Goumba, De la Loi-Cadre à la mort de barthelemy Boganda (Vol 1), Editions C-cinia communication, illustrations, documents, 374 pages, 2007. Contact éditeur : ccinia@gmail.com

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La malédiction de Cham ou malédiction de Canaan :

Genèse 9 :18 Les fils de Noé qui sortirent de l’arche étaient Sem, Cham et Japhet. Cham fut le père de Canaan (…) 20. Noé fut le premier cultivateur à planter de la vigne. 21. Il but du vin, s’enivra et se déshabilla entièrement à l’intérieur de sa tente. 22. Cham, père de Canaan, vit son père tout nu et en avertit ses deux frères qui étaient dehors. 23. Alors Sem et Japhet prirent un manteau, le placèrent sur leurs épaules, entrèrent à reculons dans la tente et couvrirent leur père. Ils regardaient dans la direction opposée, pour ne pas voir leur père tout nu. 24. Lorsque Noé fut sorti de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils. 25. Alors il déclara : Maudit soit Canaan ! Qu’il soit pour ses frères le dernier des esclaves !

La tradition judéo-chrétienne considère souvent Cham comme l’ancêtre des peuples noirs.

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