Barbès au rythme du ramadan


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Jeûner en pays laïque, le lot commun des musulmans de France. Dans le quartier de Barbès, à Paris, la foule abonde devant les boucheries et les boulangeries pendant le ramadan. Si certains pratiquants regrettent de ne pourvoir célébrer le mois sacré dans leurs pays d’origine, d’autres préfèrent le passer à Paris, où ils le vivent comme ils l’entendent.

« Même mon chien fait carême! », s’exclame tout sourire Rachida, une femme d’origine marocaine. « Il n’a pas mangé ce matin, mais lui il boit », ajoute-elle. Pour cette gérante de hammam à Paris, le mois va être calme. « Les femmes ne boivent pas, elles évitent de venir ici, il fait trop chaud. On fonctionne au ralenti mais les femmes qui ne font pas ramadan viennent toujours, notamment quand elles ont leurs règles : impures, elles ne peuvent pas jeûner. » Devant les bouchers et boulangers par contre, la foule s’amoncelle jusque sur les trottoirs du quartier de Barbès à Paris. Les clients sont impatients, les vendeurs refusent de s’exprimer sur ce mois qui s’annonce fatiguant, d’autant plus qu’eux aussi font ramadan. « Je n’ai pas même un café dans le ventre », rappelle ce boulanger de la Goutte d’or, « et encore plein de gâteaux à faire » souffle-t-il devant la chaleur de l’huile bouillante où il va tremper ses pâtisseries orientales. La pile de sablés, de makrouds et autres zlabias est impressionnante mais « il n’y en a pas assez ».

Dans le quartier, aucun commerçant ne pourrait oublier que le ramadan vient de commencer. Il y a les magasins qui vont connaître la plus forte affluence de l’année, et les autres, à la clientèle clairsemée. Pour Djemila, vendeuse de cosmétiques d’origine algérienne, le mois va être on ne peut plus calme. « Maquillage et parfum sont indésirables, ce n’est pas ce mois-ci qu’elles vont en acheter… » De plus, fatiguées et attentives à leur porte-monnaie, les musulmanes pratiquantes « réduisent leurs courses à l’essentiel, la nourriture ».

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Faire le ramadan en France

S’abstenir de boire et de manger du « lever du soleil » à son « coucher » au cœur du mois d’août, représente 16 heures de privation. Et pourtant les trois quarts des 5 à 6 millions de musulmans de France jeûnent durant le mois sacré. Pour le mauritanien Amadou, en France depuis ses 15 ans, « il est important de se rappeler ses coutumes, le ramadan en fait partie ». Il aurait aimé rentrer au pays pour l’occasion, parce que « là-bas ce n’est pas pareil, tout le monde le fait » mais il n’a pas pu.

La marocaine Samira rappelle quant à elle que la foi est « individuelle. On peut faire ramadan où que l’on soit ». Et pour cette femme qui a adopté « le rythme occidental », la perspective de rentrer au pays « pour manger et dormir » l’ennuie d’avance. Aujourd’hui, elle s’est rendue à la Grande Mosquée de Paris, ce qui n’est pas dans ses habitudes un mercredi. « C’est un jour spécial », glisse cette jeune femme. Djamel va dans son sens « en France, chacun fait le ramadan comme il l’entend. En Algérie, tout le monde te regarde bizarrement si tu fais le moindre truc de travers ». C’est précisément cette attitude que dénonce le malien Mohamed « pendant le ramadan les gens vont à la mosquée, ils sont gentils, ils partagent, ils sont de bons musulmans ». La faim au ventre, il estime que « ça devrait toujours être ainsi. Il faudrait que ce soit toujours ramadan, en France et ailleurs ! »

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