Avoir de l’eau et mourir de soif


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Le Cameroun célèbre de concert avec les autres pays du monde la journée mondiale de l’eau ce 22 mars et bien qu’arrosé par de nombreux cours d’eau, avec une forte pluviométrie, obtenir de l’eau reste un parcours du combattant. Avoir de l’eau potable dans les robinets est une véritable gageure. Bien plus, son absence est parfois autant préjudiciable que sa présence du fait de sa qualité qui charrie de nombreuses maladies hydriques.

Le point de distribution d’eau potable offert par la société Sic Cacao au quartier Bassa à Douala ne désemplit jamais. Tôt les matins et jusqu’à 18H30, cet espace aménagé à la sortie sud de cette entreprise grouille de monde. L’image ici est colorée et bucolique. Jeunes, adultes, femmes et hommes se bousculent au rythme infernal des cliquetis et bruits des bidons et ustensiles de transport d’eau. Deux robinets laissent couler le précieux liquide qui est ensuite récupéré par les usagers en fonction de l’ordre d’arrivée. Le premier est réservé aux enfants de moins de quinze ans et le second aux adultes qui l’exploitent sous le contrôle de quelques jeunes qui en ont fait une de leurs activités génératrices de revenus. « On n’a pas besoin d’une quelconque police pour faire respecter cette disposition qui est connue et acceptée tacitement par tous. Cela évite non seulement les bousculades, mais en plus, facilite la tâche aux petits enfants et aux femmes qui ne peuvent jouer des coudes », justifie un de ces jeunes.

Postés dans ce point de collecte d’eau à longueur de journée, la vingtaine de jeunes se relaie à tour de rôle et en fonction des jours précis pour aider de grandes personnes qui y arrivent à bord de voitures ou d’engins à deux roues, transportant de nombreux bidons. Il n’est pas rare de trouver garer en ce lieu cinq véhicules ou encore une dizaine de motos en attente de ces bidons. Parti du rond-point à bord de sa moto, Samuel qui a tout juste été servi embarque une centaine de litres d’eau sur son engin. Deux bidons de 25 litres chacun sont disposés de part et d’autre de l’engin. Deux autres sur le siège arrière et le plus petit des bidons devant le siège du conducteur. « j’effectue ce rituel une fois par semaine pour ravitailler ma famille en eau potable. Cette eau de forage est de bonne qualité comparée à celle qui coule des robinets de la Camwater et pour cela je n’hésite pas à mettre le prix pour l’avoir », justifie-t-il.

La qualité a un coût

En effet, les porteurs de ces gros bidons et propriétaires de véhicules ou d’engins se font généralement aider. Une fois leurs engins ou véhicules garés, ils sont approchés par ces jeunes qui les récupèrent pour les remplir d’eau. Ils les transportent ensuite jusque dans les véhicules ou près de l’engin pour l’embarquement. « Le bénéficiaire de ce service nous gratifie alors en fonction de sa bourse. Nous pouvons alors recevoir entre 500 et 1000 F que nous nous partageons. Il m’arrive parfois de gagner jusqu’à 3000 F par jour les week-ends », explique un jeune. Cette pratique est désormais monnaie courante dans toutes les grandes villes du pays où obtenir de l’eau potable est un parcours de combattant. Les quelques rares propriétaires de robinets qui ont réussi à bénéficier d’un branchement de la Camwater et de la société camerounaise des eaux n’hésitent pas à revendre le précieux sésame à leurs voisins. Des usagers parcourent souvent de nombreux kilomètres pour trouver un point de vente. L’occasion faisant le larron, de nombreux particuliers n’hésitent plus à creuser des forages privés. Ils raccordent alors leurs voisins à l’aide d’un compteur qui leur paient une consommation mensuelle ou encore vendent l’eau directement à partir de leur robinet. Même des usagers pourtant branchés par la Camwater se retrouvent parfois pris au même piège du fait du rançonnement de la fourniture d’eau. Présente ou absente dans les habitations, l’eau potable demeure une denrée rare et coûteuse.

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