Au Sénégal, l’été sera chaud


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Depuis jeudi, et la forte mobilisation face au très controversé projet de loi d’Abdoulaye Wade qui a rapidement viré à l’émeute dans le centre-ville de Dakar, les violences continuent. Excédées par les coupures de courant, de plus en plus longues et de plus en plus fréquentes, les populations se sont principalement attaquées, lundi, aux locaux de la société publique d’électricité.

De notre correspondant

Dakar et sa banlieue en flammes ! Lundi, des bâtiments publics, des mairies et des locaux de la Senelec, la société publique d’électricité, ont été saccagés et incendiés par des jeunes en colère. Ce nouvel embrasement du pays intervient seulement quatre jours après une précédente journée de violences, jeudi. Face au projet de réforme constitutionnelle d’Abdoulaye Wade visant à se faire réélire l’année prochaine en compagnie d’un vice-président pouvant lui succéder avec seulement 25% des voix, des milliers de Sénégalais avaient fait le siège de l’Assemblée nationale pour réclamer le retrait du projet. La contestation avait rapidement tourné à l’émeute, faisant une centaine de blessés dont 13 policiers.

Malgré l’abandon du projet de loi par le président Wade, la température ne retombe pas. Et la contestation à caractère politique légitime a laissé place au vandalisme et au pillage. En proie à des coupures régulières d’électricité depuis des mois, qui se sont aggravées ces dernières semaines, durant parfois jusqu’à 24 heures d’affilée dans certains quartiers, les Sénégalais sont à cran. Il n’en fallait pas plus que de longs délestages ce lundi pour rallumer la mèche. Les barrages de fortune faits de pierres ou de pneus enflammés se sont répandus dans la ville comme une traînée de poudre. Une éruption brutale à la mesure de la frustration des Sénégalais.

Des agences de la Senelec et des bâtiments publics incendiés

Lundi soir à Dakar, les agences de la Senelec étaient en feu dans le quartier de la Patte d’Oie ainsi qu’à Ouakam. Des locaux de la société d’électricité ont également été incendiés dans la banlieue à Yeumbeul, à Daroukhane et aux Parcelles assainies. La mairie des Parcelles a également fait les frais du ras-le-bol des Sénégalais. Dans la banlieue de Guédiawaye, c’est le siège des services fiscaux qui a été totalement saccagé et incendié. D’après la police, les pillards n’auraient évidemment rien laissé sur place et surtout pas le coffre-fort. Un déferlement de violences qui a eu lieu un peu partout dans la capitale et sa banlieue obligeant en plusieurs endroits, les forces de l’ordre à intervenir et à disperser les manifestants à coup de gaz lacrymogènes.

Plus tôt dans la journée, une violente manifestation avait éclaté à Mbour, à 80 km au sud de la capitale, plongée dans le noir depuis deux jours. Des forces de l’ordre sont intervenues pour les disperser à coups de grenades lacrymogènes. Les protestataires se sont alors disséminés dans différents quartiers de la ville, bloquant des voies, brûlant des pneus, et saccageant les locaux de la Sénelec.

L’armée en renfort

Dans le quartier de Yoff à Dakar, c’est carrément le domicile d’Oumou Khairy Guèye Seck, ministre de l’élevage, qui a été attaqué par les manifestants lundi soir. Même chose dans le quartier des Maristes où la maison de Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a été incendiée. Les forces de police n’étant plus en mesure de contenir la situation, les autorités ont eu recours à l’armée pour protéger des sites stratégiques et les domiciles de certaines personnalités de l’Etat face à cette flambée de violence. Des jeunes étaient alors en route vers le monument de la Renaissance africaine et vers le siège du parti au pouvoir.

Ce n’est certes pas la première fois que les Sénégalais descendent dans la rue et saccagent des agences de la compagnie publique d’électricité pour protester contre les coupures de courant, un problème qui empire d’année en année. Mais, jamais autant de foyers de contestation se sont allumés en même temps. Dans la ligne de mire, le ministre de l’Energie, qui n’est autre que Karim Wade, a du souci à se faire. Depuis plusieurs jours, les appels à Abdoulaye Wade se multiplient afin qu’il renonce à se présenter à la prochaine élection présidentielle, prévue en février. De son côté, le président, qui ne s’est toujours pas exprimé depuis les évènements de jeudi poursuit ses consultations. Il a ainsi convié au Palais de la République ses proches collaborateurs vendredi, ses alliés de la coalition « Sopi pour toujours » samedi, et le comité directeur de son parti dimanche. Dans un communiqué, ce dernier estime que « l’intention de certains des organisateurs de ces manifestations de jeudi dernier était de déstabiliser le pays et de l’installer dans la violence ». Le comité directeur du Parti démocratique sénégalais prévient qu’il « veillera au strict respect du calendrier républicain qui sera poursuivi jusqu’à son terme ». Le bras de fer engagé entre le régime et une partie de la population risque de durer, les violences aussi.

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