« Au secours le prof est noir ! », un pavé dans le marigot de l’Éducation Nationale


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Dans Au secours le prof est noir ! paru début octobre aux éditions Pascal Galodé, les journalistes Serge Bilé et Mathieu Méranville font état de plusieurs cas de racisme dans l’« Ecole de la République ». Enquête à charge.

Tout a commencé par la réception d’un mail à l’automne dernier. Quelques mots d’une enseignante martiniquaise qui racontait avoir des problèmes avec sa hiérarchie. Elle laissait clairement entendre que sa couleur de peau n’était pas étrangère à ses difficultés professionnelles et mentionnait des cas similaires au sien parmi ses collègues d’origine africaine et caribéenne. Il n’en fallait pas plus pour éveiller l’intérêt polémiste du journaliste Serge Bilé, à qui le mail était adressé. L’auteur de Noirs dans les camps nazis et Et si dieu n’aimait pas les noirs ? s’empare aussitôt de l’info qu’il pressent brûlante. Il passe un coup de fil à son confrère de France 3, Mathieu Méranville, et les voici tous deux sur le terrain.

Au secours le prof est noir ! est le résultat de cette immersion de plusieurs mois dans les méandres de l’institution scolaire française, sa hiérarchie sclérosée, ses moins célèbre relents réactionnaires et racistes. A partir de témoignages recueillis auprès d’une soixantaine d’enseignants originaires d’Afrique, des Antilles, de la Guyane et de la Réunion, Serge Bilé et Mathieu Méranville font la lumière sur les multiples incidents racistes qui ponctuent le quotidien professionnel de certains de nos professeurs. Confrontés à des élèves qui moquent leur accent ou leur couleur de peau, à des parents d’élèves qui doutent de leurs compétences, à des collègues aux sous-entendus lourds de sens, ces enseignants ont tous une anecdote à raconter concernant le racisme dont ils ont au moins une fois été victimes dans l’enceinte de l’école. Certains vont même plus loin, ils imputent à leur couleur de peau et à leurs origines les raisons de leur échec quand il s’agit d’obtenir une titularisation ou une promotion. « On a tous galéré à l’Institut de formation des maîtres (IUFM). C’est là que se fait l’année de titularisation », explique un professeur anonyme cité par les auteurs. « Quand on regarde les statistiques, tous ceux qui ont été recalés, qui n’ont pas eu leur année validée pendant le stage ou qui ont été licenciés, ce sont des Antillais, des Africains ou des Maghrébins, » ajoute la même source.

« On n’imaginait pas que le phénomène pouvait prendre une telle ampleur », confie Serge Bilé. « Le racisme dans l’administration, de la part des inspecteurs d’académie, des proviseurs… Nous avons voulu tout aborder, même le racisme à l’égard des élèves de la part des profs. Nous avons tout mentionné, sans aucun tabou. » Pas de tabou certes, mais à tout vouloir évoquer, on s’expose à la critique facile. Quelques amalgames et raccourcis affaiblissent de part et d’autre la valeur du propos car non, les professeurs de couleur ne sont pas les seuls néo-titulaires à être envoyés en banlieue parisienne pour faire leurs classes. On regrette également que des membres du Ministère de l’Education nationale, les supérieurs hiérarchiques, n’aient pas été entendus. Ont-ils seulement été approchés? L’enquête n’en perd pas pour autant tout son mérite. Serge Bilé et Mathieu Méranville font émerger un réel problème de société : le racisme dans l’école républicaine et laïque. Aux politiques de s’en saisir.

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