Au coeur des patrouilles de la Monuc qui sécurisent Kinshasa


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Les soldats de la Mission des Nations Unies en RDC (Monuc) patrouillent quotidiennement dans la ville de Kinshasa. Leurs objectifs: assurer une présence dissuasive, recueillir les informations sur le plan sécuritaire et s’informer du vécu quotidien de la population. Le correspondant d’Afrik.com à Kinshasa a passé une journée parmi eux. Reportage.

Il est 11h15 lorsque nous franchissons la grille d’entrée de la brigade de l’Ouest, sur l’avenue des Poids Lourds, dans la commune de Limeté. Nous sommes accueilli par le lieutenant colonel Mensah, officier ghanéen de l’équipe de l’information militaire. Il nous pose une question en anglais et dans notre réponse, on se rend compte qu’on ne se comprend pas très bien. Alors, nous lui demandons de parler « slowly » (très lentement). Il nous explique qu’il doit nous conduire dans la base militaire uruguayenne (Banda oriental) où nous trouverons l’équipe chargée de la patrouille. Quelques cinq minutes plus tard, nous y arrivons. Ici, la barrière est protégée par deux militaires bien armés : kalachnikov à l’épaule, casque bleu sur la tête, mais également portant un gilet pare-balles. soldatsMonucRDClarge.jpg Derrière eux, une « bonne réserve » d’une dizaine d’hommes armés et plus loin, un imposant décor militaire : blindés, dépôt de munitions, jeeps 4×4 immatriculées UN, mais également des terrains de sport et une mess des officiers. Personne ne portant l’uniforme de l’armée uruguayenne ne peut accéder au camp ; pas même un autre casque bleu de nationalité différente, ni un personnel civil de la Monuc moins encore un visiteur. Il faut absolument être accompagné d’un uruguayen.

C’est à ce moment qu’arrive le lieutenant Umpierrez Gonzalo qui me pose la question en espagnol: « reportero ? ». Je comprends qu’il voulait savoir si j’étais le journaliste qu’il attendait. Evidemment je réponds par l’affirmative. Il poursuit, curieusement en lingala, « sango nini ? » (NDLR, comment ça va ?), avant de poursuivre « zela moke traduttore » (NDLR, attend l’interprète qui arrive). Et deux minutes plus tard, arrive le lieutenant Luis Alcarraz qui parle couramment anglais, bien évidemment avec son accent espagnol. Après un bref briefing, nous embarquons dans la jeep. L’officier interprète devant, un autre officier russe de l’information public militaire est assis à côté de moi, en 2è position, puis un soldat armé derrière nous. Il garde aussi pour nous nos casques et gilets pare-balles « au cas où ». Un grand camion nous précède avec 10 soldats, bien armés, à bord et le « patrol leader » (commandant de la patrouille) est assis devant, à côté du conducteur du grand camion. La patrouille reste en contact permanent avec la base qui l’appelle toutes les quinze minutes. Les deux véhicules roulent à une vitesse maximum de 30 km/h.

Ne jamais utiliser la force

La patrouille militaire de la Monuc a lieu tous les jours entre 8h et 0h. Elle est assurée par les trois contingents de la brigade de l’ouest (Ghanéen, Tunisien et Uruguayen). « Toutes les deux heures, différents contingents se succèdent pour une triple mission : assurer une présence dissuasive, recueillir les informations sur le plan sécuritaire, mais également s’informer du vécu quotidien de la population », nous confie le lieutenant Alcarraz. La Monuc peut intervenir en vue d’empêcher une action des bandits ou des personnes malveillantes à l’égard de la population voire intervenir militairement, lorsqu’elle est attaquée, en vertu du chapitre VII de son mandat. « Il ne nous est jamais arrivé d’utiliser la force. On arrive toujours à dialoguer avec la population. Même quand on nous jette des pierres, nous n’avons, jusque-là, pas encore réagi en tirant sur la population ou d’autres catégories de personnes », ajoute-t-il. A ce sujet d’ailleurs, le leader patrol est habitué aux situations difficiles. « Je suis intervenu avec mes hommes devant la résidence du sénateur Jean-Pierre Bemba lors des événements de mars dernier ; je parle toujours avec la population et dans leur langue », indique-t-il.

Réactions mitigées

camionMonucRDC.jpg La patrouille dure effectivement 2 heures. Pendant ce temps, elle parcourt 28 Km avec un itinéraire précis, mais qui peut changer du jour au lendemain. Ce mardi 21 août, le trajet prévoyait, avenue des Poids lourds, Boulevard Lumumba, Avenue Luambo Makiadi ex- Bokasa, Av. Kabinda, Blv Triomphal, Pierre Mulele (ex- 24 novembre), Itaga, Huileries, Blv du 30 juin pour finir par Poids Lourds, à partir de la gare centrale jusqu’au quartier général, à Kingabwa. Tout au long de la route, la population apprécie diversement la présence des casques bleus. Pour la plupart, ils estiment que ces patrouilles diminuent la capacité opérationnelle des chefs de bande, ainsi que d’autres personnes armées. Lorsqu’on fait, à ma demande, une petite escale sur l’avenue des Huileries, une vendeuse de pains me dit en lingala « nous voulons que la Monuc reste encore dans notre pays. Ils (les casques bleus) nous aident beaucoup à réduire la criminalité. Quand ils passent, les personnes malintentionnées fuient et sentent qu’il y a de la pression derrière elles ». Même avis partagé par Yannick, un jeune pour qui, « les patrouilles quotidiennes des casques bleus et de la police congolaise ont délocalisé le quartier général des fumeurs de chanvre ».

Cette présence inquiète aussi parfois. Eddy qui était sur l’avenue des Huileries s’avance aussi vers nous pour manifester son étonnement : « qu’y a-t-il ? La guerre a de nouveau repris ? Pourquoi ces gens (casques bleus) circulent à pied dans notre avenue », nous interroge-t-il. Le commandant de la patrouille lui répond en lingala « nous sommes des frères, je viens juste vous visiter, il n’ y a aucun problème ! »

Mais ce n’est pas le cas pour une demoiselle pointée devant le portail de sa maison qui crie au passage de la patrouille : « n’allez-vous plus rentrer chez vous ? A quand prendra fin votre interminable mission ? », s’exclame-t-elle. D’autres réactions sont exprimées par un signe du doigt, soit qu’on est d’accord ou qu’on ne l’est pas. Cependant pour la plupart des enfants c’est le même refrain : «nzala» (du lingala : j’ai faim). Mais à ce sujet, le contingent a déjà reçu la consigne de la hiérarchie. « On ne peut pas donner quoi que ce soit : nourriture, eau argent, … parce qu’on ne peut pas donner à certains et non à d’autres. Et comme on est incapable de donner à tout le monde, on ne donne rien à personne », explique le lieutenant Alcarraz.

Collaboration avec les forces de l’ordre

Pendant la patrouille, les casques bleus bénéficient de la sympathie de la majorité de la population, mais aussi de la collaboration avec les forces de l’ordre, notamment la Police nationale et particulièrement la police de circulation routière (PCR). « Les éléments de la PCR nous facilite le passage dans des carrefours. Ils sont compréhensifs et nous accordent toujours la priorité », indique notre interprète. En outre, lors de la sortie de la patrouille de l’avenue Kabinda pour déboucher sur l’avenue Kasa-vubu, un camion de FARDC a dû s’arrêter et arrêter tous les autres véhicules afin de faciliter le passage des véhicules de la Monuc. « Il arrive aussi que les patrouilles de la Monuc et de la Police nationale se retrouvent et s’arrêtent ; les commandants échangent entre eux, puis chaque équipe poursuit son chemin », affirme un observateur militaire trouvé au quartier général de la Mission onusienne.

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