Attentat de Lockerbie : Khadafi blanc comme neige ?


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Un ancien ingénieur suisse, témoin à charge de taille dans l’affaire de Lockerbie affirme avoir menti lors du procès de 2001. Il présente aujourd’hui une toute autre version qui pourrait disculper le gouvernement libyen et Abdel Basset Ali Megrahi, condamné à la prison à perpétuité. De nouveaux éléments qui interviennent au moment où le dialogue entre Tripoli et Londres se renoue…

Nouveau rebondissement dans l’affaire de Lockerbie. Il survient presque 20 ans après que l’attentat contre un Boeing 747 de la Pan Am a eu lieu, le 21 décembre 1988. Il avait fait 270 victimes, parmi lesquels 259 passagers et 11 habitants du village écossais de Lockerbie. L’un des principaux témoins à charge, le suisse Ulrich Lumpert, revient aujourd’hui sur sa déposition. Cet ex-ingénieur en électronique faisait partie des principaux témoins à charge contre la Libye. « J’ai menti dans mon témoignage sur l’attentat de Lockerbie », a-t-il affirmé le 18 juillet, dans une déposition officielle publiée sur le site Internet de la société Mebo qui l’employait à l’époque. Au procès, l’homme avait prétendu reconnaître un fragment de retardateur, qui faisait office de pièce à conviction essentielle. A présent, il certifie avoir « volé » le retardateur dans le laboratoire de l’entreprise et l’avoir remis à un enquêteur écossais.

Un dossier plutôt bancal

De nouveaux éléments qui s’ajoutent à un dossier déjà bien bancal, et à une période où Londres, comme Paris et Washington retissent des relations diplomatiques et commerciales avec Tripoli, le colonel Khadafi étant redevenu un chef d’Etat fréquentable. Il y a 20 ans, lors du déclenchement de l’affaire Lockerbie, le contexte était tout autre.

L’explosion du boeing a d’abord été attribuée à la Syrie, à l’Iran et à des groupes d’opposition palestiniens. Puis, l’enquête avançant, c’est la Libye qui s’est retrouvée dans la position d’accusé numéro 1 s’imposant comme le responsable parfait pour les puissances occidentales. La Grande Bretagne, la France et les Etats-Unis avaient tout intérêt à voir Tripoli déclaré coupable de l’attentat. Aux cotés de l’Iran et de la Syrie, la Libye, en tant qu’ambassadeur d’un Islam fort et puissant, s’opposait clairement à l’Occident. L’attentat de Lockerbie a lieu alors que les relations diplomatiques avec entre la Libye et les puissances occidentales étaient au plus bas. Khadafi qui était à la tête de différentes actions terroristes et multiples rebellions à travers le monde était l’ennemi numéro un du moment.

« L’attentat de Lockerbie n’a pas été commandité par Kadhafi »

Pour Edwin Bollier, co-fondateur de l’entreprise Mebo, le nouveau témoignage d’Ulrich Lumpert, son ex-employé, sur le retardateur qui aurait servi à la bombe qui a fait explosé la boeing de la Pan Am en 1988, est valable. Juste avant le début du procès, M. Bollier avait pu examiner la « fameuse pièce à conviction », concluant dans un rapport, que le « retardateur ne faisait pas parti du lot vendu à l’armée libyenne ». « Il venait de chez nous, mais d’un stock de retardateurs défectueux qui n’avaient jamais été vendus. Ce fragment de retardateurs ne pouvait pas prouver la responsabilité libyenne », a-t-il affirmé au micro de RFI, ce mercredi. Dans un deuxième temps, il a souhaité revoir l’accablante pièce à conviction, qui entre temps avait changé de couleur et d’aspect. « Je pense qu’on a essayé de modifier la pièce à conviction intentionnellement. Je pensais que cette pièce devait servir à accuser la Libye, on voulait la rendre coupable pour des raisons politiques mais ce retardateur a été intentionnellement ajouté après coup aux pièces à convictions », a déclaré M. Bollier. Et il n’est pas le seul à penser ainsi.

Pour Pierre Péan, journaliste français et spécialiste de l’affaire, « cette révélation ne fait que confirmer l’évidence : l’attentat de Lockerbie n’a pas été commandité par Kadhafi mais par d’autres ». Dans une interview accordée à RFI, il affirme que « les éléments s’ajoutent depuis des années les uns après les autres pour montrer que ce dossier ne tient pas la route. (…) Le mobile de la Libye était incompréhensible ». Par exemple, en 2005, selon un ancien haut responsable de la police écossaise, désirant rester anonyme qui avait participé à l’enquête, la CIA avait « écrit le scénario » accusant la Libye. La pièce à conviction décisive, le fragment de détonateur qui fait l’actualité de ces derniers jours aurait été monté de toute pièces par des agents de la CIA qui enquêtaient sur l’attentat.

De fortes pressions internationales

Des doutes ont toujours plané sur la réelle implication de la Libye dans cet attentat. Mais sous la pression de la communauté internationale, surtout celle des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, un mandat international a été lancé en 1991 contre deux Libyens suivi d’une demande d’extradition exigée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Refusant d’obéir, la Libye est devenue la cible de pressions économiques non négligeables. Le trafic aérien a été suspendu ainsi que toute vente d’armes à la Libye. Après 5 ans d’embargo, Tripoli a cédé à la pression et accepté de « livrer » les deux présumés coupables d’avoir enregistré à Malte la valise bourrée d’explosifs, à l’origine de l’explosion du Boeing. En 2001, Abdel Basset Ali Megrahi, l’un des deux hommes, était condamné à la prison à perpétuité par la justice écossaise, et son présumé complice acquitté. Deux ans plus tard, la Libye reconnaissait officiellement sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie et s’engageait à verser 10 millions de dollars de compensation à chacune des 270 familles des victimes soit un total de 2,7 milliards de dollars. S’en suivit une levée quasi immédiate des sanctions de l’ONU à l’encontre de la Libye.

Suite aux conclusions d’une commission d’enquête indépendante, la justice écossaise a autorisé Ali al Megrahi, au mois de juin dernier, à faire appel de sa condamnation. L’enquête concluait qu’il avait été victime d’erreurs judiciaires. De surcroît, Ulrich Lumpert, l’un des principaux témoins de l’affaire confie aujourd’hui avoir menti. Un retournement de situation qui, s’il se confirme, pourrait donner au colonel Mouamar Khadafi l’occasion de goûter une savoureuse revanche sur les Etats-Unis et la Grande Bretagne.

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