Aminatou Haidar, « la Ghandi du Sahara » en grève de la faim


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Expulsée du Maroc le 13 novembre dernier, Aminatou Haidar entame sa troisième semaine de grève de la faim aux Canaries. Elle réclame le droit de retourner au Sahara Occidental. Celle qu’on surnomme la « Ghandi sahraouie » a reçu plusieurs distinctions internationales dont « le prix courage civique 2009 ».

Dans le hall de l’aéroport de Lanzarote (Canaries), une femme attire tous les regards. Depuis deux semaines, la Sarhaouie Aminatou Haidar, observe une grève de la faim. Privée de son passeport par les autorités marocaines, la militante réclame son retour au Sahara Occidental. Elle est proche du Front Polisario, un groupe armé soutenu par l’Algérie qui milite pour l’indépendance de cette région, située au sud du Maroc. Ces derniers jours, son état de santé n’a cessé de « se détériorer », a indiqué à l’AFP, José Morale Brum, leader syndical canarien et porte-parole de l’activiste, provoquant l’inquiétude du département d’Etat américain. « Nous demandons instamment la détermination rapide de son statut légal et le plein respect du processus et des droits de l’Homme », a expliqué, jeudi, la diplomatie américaine dans un communiqué.

Un soutien massif

Depuis le début de sa grève de la faim, les personnalités espagnoles se succèdent pour lui témoigner leur soutien. Un concert a même été organisé ce week-end à Madrid en faveur de la militante sarhaouie. « Aminatou n’a pas de problème, c’est le Maroc qui en a un. Il peut le résoudre, il doit le résoudre », a déclaré le réalisateur Pedro Almodovar. Mme Haidar a également reçu plusieurs appuis, notamment de députés britanniques, et du prix Nobel de la paix 1996, le président du Timor Oriental, José Manuel Ramos-Horta qui l’a appelée vendredi matin par téléphone. Du côté des autorités espagnoles, un représentant du gouvernement, Augustin Santos, s’est rendu dimanche à Lanzerote pour proposer à Aminatou Haidar la nationalité espagnole, afin qu’elle puisse regagner le Sahara Occidental. Mais la militante, qui a reçu en novembre le prix du « courage civique 2009 », a décliné l’offre arguant qu’  « elle ne voulait pas être une étrangère dans sa propre maison ».

Une militante acharnée

Depuis 1987, l’activiste lutte pour la cause sarhaouie. A 20 ans déjà, Aminatou Haidar était arrêtée pour la première fois après une manifestation violemment réprimée à Laâyoune. Elle sera portée disparue jusqu’en 1991. A sa remise en liberté, la jeune militante parcoure le monde et multiplie les initiatives en faveur du peuple sarhaoui. En 2005, lors d’une manifestation à laâyoune, elle est blessée et emprisonnée durant sept mois. Pendant sa détention, le 11 octobre 2005, le Parlement européen adopte une résolution demandant officiellement sa libération. A l’issue de sa peine, en janvier 2006, Aminatou Haidar reçoit un passeport marocain et entame une tournée internationale qui la conduit notamment à témoigner devant la Commission coopération et développement du Parlement européen. «N’eût été votre solidarité, votre interpellation des autorités marocaines, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui. Mais mon cas n’est pas unique», explique-t-elle alors aux membres de la Commission.

L’expulsion des Sarhaouis

Plusieurs défenseurs des droits de l’Homme sarhaouis sont emprisonnés dans les geôles marocaines. En août dernier, le co-président du Comité pour le respect du droit de l’Homme au Sahara Occidental (CORELSO), Naama Asfari, a été arrêté pour outrage à agent dans la ville de Tan Tan et a été condamné à quatre mois de prison. Son procès en appel devrait avoir lieu le 21 décembre prochain. Pour l’heure, il est toujours détenu dans la prison de Tiznit au Maroc. Ce militant n’est pas le seul à s’être attiré les foudres du pouvoir. Le 7 octobre, une délégation de défenseurs des droits de l’Homme en visite au camp de réfugiés sarhaouis de Tindouf (Algérie) a été accusée d’intelligence avec l’ennemi, d’atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’intégrité territoriale. Ils risquent la condamnation à mort.

Ces arrestations massives s’inscrivent dans le cadre du discours prononcé par le Roi Mohammed VI le 6 novembre dernier. Il est temps, a-t-il déclaré, de dire non à « l’exploitation détestable des acquis dont jouit notre pays en matière de libertés et de droits humains », avant d’ajouter?: « Ou le citoyen est marocain, ou il ne l’est pas. Fini le temps du double jeu […]. Ou on est patriote, ou on est traître. »

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