Ali Bongo, un président contesté


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Certains le disaient très impopulaire. Pour eux, Ali Bongo ne pouvait pas, par la voie des urnes, succéder à son père Omar, décédé début juin. Pourtant, jeudi, « Ali Ben » a été officiellement proclamé vainqueur de la présidentielle du 30 août. Un verdict que contestent ses opposants et des militants ayant œuvré pour une élection transparente…

Au Gabon, l’élection du 30 août avait des allures de tiercé. Ali Bongo Ondimba, André Mba Obame et Pierre Mamboundou revendiquaient tous trois la victoire. En attendant l’annonce des résultats, prévue mercredi, l’ambiance était tendue, la population fébrile. Sur les lèvres, une seule question : qui l’emportera ? La Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) a mis fin au suspense jeudi. Organisatrice du scrutin avec le ministère de l’Intérieur, elle a déclaré que le fils d’Omar Bongo – président du Gabon pendant quarante-et-un ans, jusqu’à sa mort début juin – avait récolté 41,73% des suffrages. A l’annonce des résultats, certains ont pleuré de joie, et d’autres de peine ou de colère. D’importants troubles éclataient à Libreville et Port-Gentil, où aujourd’hui encore de nombreux incidents étaient signalés. Du côté d’André Mba Obame, dissident exclu du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), et de l’opposant historique Pierre Mamboundou, on rejette le verdict des urnes, criant à la fraude. Même sentiment chez certaines organisations ayant appelé à une élection transparente.

Rauland Mamboundou, coordinateur de l’Alliance pour le changement et la restauration (ACR), une coalition de partis qui a soutenu Pierre Mamboundou

« J’ai eu au téléphone l’épouse de Pierre Mamboundou jeudi dans la nuit. Elle m’a dit qu’il avait reçu un coup de crosse qui l’avait fait saigner à la tête lorsque les Bérets rouges ont dispersé le sit-in auquel il participait avec d’autres candidats et des militants devant la Cenap, en attendant les résultats de la présidentielle. Elle a ajouté qu’il était très affaibli et qu’il était affecté que sa victoire lui ai été volée. Car nous estimons que cette élection est truquée et que les chiffres de la Cenap ne correspondent pas à la réalité des procès-verbaux en notre possession. Nos procès-verbaux attestent que Pierre Mamboundou est vainqueur avec près de 40% des voix, Ali Bongo arrive deuxième avec environ 30% et André Mba Obame avec environ 26%. Nous allons utiliser tous les moyens légaux pour contester la victoire d’Ali Bongo. Les recours se font devant la Cour constitutionnelle mais nous sommes pessimistes car la présidente de cette cour (Marie-Madeleine Mborantsuo, ndlr) est comme une mère pour Ali puisqu’elle a eu des enfants avec Bongo père… »

Guy Serge Angoue, coordonnateur national du mouvement Bongo doit partir-Gabon nouveau

« Finalement, nous avions décidé de ne soutenir aucun candidat parce que nous avions constaté des cas de fraudes plus ou moins flagrantes que les observateurs n’ont pas pu voir. Nous avons constaté une épuration ethnique sur les fichiers électoraux, surtout au niveau de l’ethnie majoritaire, les Fangs. Les procès-verbaux ont par ailleurs été falsifiés. Pour nous, cette élection ne change pas des autres, elle n’est là que pour cautionner une imposture. Nous savions que ça relevait du miracle si le ministre de l’Intérieur déclarait la victoire d’un autre candidat qu’Ali Bongo… Les deux en tête auraient dû être Mba Obame et Mamboundou, le reste, n’est que tripatouillage ! Nous nous organisons pour arrêter cette monarchisation. Nous n’avons pas position sur les violences mais si Bongo nous a gérés pendant quarante ans, c’est parce que l’opposition a toujours appelé au calme pour faire plaisir à l’Hexagone. Dire à la population de se calmer, c’est faire le lit du régime imposé par l’extérieur. Il ne faut pas que cela prenne trop d’ampleur mais le peuple est légitime dans sa revendication car il ne se reconnaît pas dans cette élection. »

Gloria Mika Ndzila, mannequin et présidente de l’ONG Les anges gardiens de la transparence

« Je pense que ce qui explique la rébellion des citoyens gabonais est que nous nous sentons volés et abusés face à ce que tout le monde considère comme un passage en force – qui semble être cautionné par tous, autant par la France que la communauté internationale, excepté par nous citoyens gabonais. Les anges gardiens de la transparence ainsi que d’autres associations soutenues par la société civile ont d’innombrables preuves qui montrent bien que cette élection est nulle juridiquement et que son résultat est en total désaccord avec les résultats de nos procès verbaux. J’ai été moi même officiellement observateur lors du dépouillement du scrutin à Paris. Les procès-verbaux des 13 bureaux de vote dont j’ai les photos indiquent que c’est M. Mamboundou qui était le premier à Paris, suivi de M. Mba Obame et de M. Bongo. Nous connaissions aussi les résultats des autres villes : Lyon (dont j’ai le procès verbal), Lille, Bordeaux et Marseille. Conclusion, M. Mamboundou était le gagnant sur la France, suivi de M. Mba Obame et de M. Bongo. Nous prévoyons de porter plainte contre Mme l’ambassadrice du Gabon [Félicité Ongouori-Ngoubili] à Paris pour fraude (en faveur d’Ali Bongo, ndlr ). Nous constituons actuellement un dossier avec toutes les preuves requises afin de faire un recours à la justice, dans l’espoir que celui-ci ne restera pas lettre morte ! »

Lord Ekomy Ndong, rappeur du groupe Movaiz Haleine

« L’opposition n’a pas été à la hauteur de sa volonté. Elle ne voulait pas d’un certain candidat et elle s’est mise dans une position qui a favorisé sa victoire. Il y a eu des irrégularités, mais sur le plan stratégique, il y a aussi eu des erreurs : 22 candidats contre un, un candidat qui se désiste au beau milieu du scrutin… Ce n’est pas sérieux. Et je déplore que trois candidats clament leur victoire et affirment qu’ils ont les moyens de le prouver : ça veut dire que dans le processus électoral des choses ne sont pas carrées. Tout ça est dommage parce que les gens se sont vraiment mobilisés. Des gens qui pensaient qu’avant ça ne servait à rien d’aller voter se sont déplacés. Les gens sont très déçus. Certains ont pleuré comme s’ils avaient perdu un proche. »

Yolande Bazegue Lekanga, coordinatrice de la Plateforme de veille et d’actions pour des élections libres et transparentes au Gabon

« Une fois de plus, la voix souveraine du peuple gabonais ne s’est pas faite entendre. Nous venons d’assister à un coup d’état électoral car les procès verbaux détenus par la Cenap ne correspondent pas du tout à ceux remontés des régions et ceux détenus par la majorité des candidats, qui démontrent la défaite de Bongo fils. Il y a donc eu falsification des procès verbaux par l’appareil de l’Etat. Partant de là, monsieur Bongo Ali n’est pas le président légitime du peuple gabonais. Soulignons aussi que le clan Bongo bénéficie ouvertement du soutien de monsieur Robert Bourgi, conseiller officieux du président français Nicolas Sarkozy, nouvel homme fort de la Françafrique. Ceci contraste ouvertement avec les discours de rupture avec ces pratiques de monsieur Sarkozy. La France a les moyens et le devoir d’imposer que justice soit faite : que le candidat qui a obtenu la majorité des voix conformément à ce qui apparaît dans la majorité des procès verbaux authentiques soit le président légitime et légal de tous les gabonais. »

Par Fatoumata Bangoura

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