Algérie : le gouvernement réprime la grève de la fonction publique


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Les enseignants contractuels ayant pris part au débrayage ont été licenciés et des ponctions, de six jours, sur les salaires des protestataires ont été appliquées par le ministère de l’Education. Vu le comportement du gouvernement, la coordination opte pour la radicalisation du mouvement.

Nabila Amir

Le gouvernement algérien a opté, contre toute attente, pour le pourrissement de la situation. Ce constat est établi par les membres de la coordination nationale des syndicats autonomes de la fonction publique. Révolté, scandalisé, indigné, M. Mériane, porte-parole de la coordination, a exprimé hier sa rage contre un gouvernement qui ne cesse de mépriser ses fonctionnaires. Après le communiqué incendiaire rendu public à la veille du déclenchement du mouvement de protestation de trois jours, qualifiant les représentants des fonctionnaires d’« agitateurs », le chef de l’Exécutif passe une vitesse supérieure en ordonnant des sanctions sévères contre certains grévistes.

Emboîtant le pas au ministre de la Santé, M. Benbouzid, ministre de l’Education, a décidé par l’intermédiaire des représentants de l’académie d’Alger de licencier les enseignants contractuels et d’opérer des ponctions de six jours sur les salaires des protestataires. Pourtant, la loi est claire à ce sujet. L’ordonnance n°06-03 du 15 juillet 2006 stipule dans son article 13 que dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, les agents soumis au régime de la contractualisation ont droit, entre autres, à l’exercice du droit syndical et de grève ainsi qu’à la protection contre les menaces, outrages, injures diffamations ou attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l’objet, dans ou à l’occasion de l’exercice de leur activité.

« Les hauts responsables de ce pays n’ont aucun respect pour la Constitution de notre pays et, à travers ces mesures de sanctions, ils bafouent encore une fois les lois de la République », a accusé M. Mériane lors d’une conférence de presse animée hier à Alger pour évaluer la grève à laquelle a appelé la coordination nationale composée de douze syndicats autonomes, soutenue par l’organisation des paramédicaux et du CLA. Tout en énumérant les dépassements émanant des différents secteurs, notamment l’administration, la santé et l’éducation, le conférencier s’est félicité de l’effet inverse qu’a produit la réaction maladroite et malsaine des pouvoirs publics sur le terrain.

En dépit de l’arsenal juridique, malgré les menaces de ponction sur salaire mises plus tard à exécution, malgré les questionnaires envoyés aux enseignants du supérieur, en somme en dépit des entraves et de toutes les embûches, les fonctionnaires ont répondu au mot d’ordre de grève, a rappelé M. Mériane en rendant un vibrant hommage à l’enseignante de l’école Mustapha Adam d’Oran, décédée suite à une crise cardiaque. « Elle a participé au débrayage. Elle a hurlé sa rage contre la situation dramatique dont souffre l’enseignant. De retour chez elle, son cœur la lâché à l’âge de 55 ans, laissant derrière elle quatre enfants.

«C’est triste », a observé M. Mériane, qui regrette au même moment le recours du gouvernement aux mesures répressives en faisant l’impasse sur les problèmes des fonctionnaires sans omettre les insultes indignes du « patron » de l’UGTA. Face à cette situation, la coordination est plus que déterminée à aller jusqu’au bout pour la satisfaction de ses revendications. Dans ce contexte, la réussite du débrayage de trois jours a renforcé la coordination dans sa position de partenaire social incontournable et représentatif. Au-delà du taux de suivi avoisinant les 85,21% dans toute la fonction publique, la sortie du chef du gouvernement, estiment les syndicalistes, est synonyme de panique et révélatrice du fait que les syndicats autonomes dérangent. En insistant sur le droit des syndicats de recourir à des formes de protestation, l’orateur a soutenu que les différentes organisations membres de la coordination vont se concerter avec leur base pour décider des suites à donner à la grève de trois jours.

Le conférencier n’a pas nié qu’à l’heure actuelle la majorité des bases de ces syndicats poussent d’ores et déjà vers une grève illimitée jusqu’à satisfaction de leurs doléances. « Le verdict de la base sera appliqué. Si celle-ci décide d’une grève ouverte, ou alors d’une grève cyclique, nous serons son porte-parole pour faire aboutir nos revendications légitimes. Nous prenons à témoin la société civile », a déclaré M. Mériane en précisant que le linge sale se lave en famille et de surcroît la coordination n’a nullement l’intention d’internationaliser le conflit, comme l’ont affirmé certains.

Evoquant le décret exécutif, Dr Yousfi du SNPSSP estime que le décret exécutif signé cette semaine par le premier magistrat du pays n’a rien apporté de nouveau. « C’est un leurre. La grille des salaires mise à exécution aujourd’hui n’est autre que celle promulguée au mois de septembre 2007. Ce décret va être appliqué avant la promulgation des statuts particuliers lesquels définissent les catégories des fonctionnaires. Cette procédure n’est pas correcte », a-t-il dit en précisant que cette anticipation est le résultat de la montée au créneau des syndicats autonomes.

De son côté, M. Rahmani du Cnes rejette dans le fond et dans la forme l’instruction interministérielle du 23 février relative à la mise en œuvre des dispositions du décret exécutif n°08-60 du 23 février 2008. « Il est hors de question qu’un professeur haut gradé soit classé dans la même catégorie qu’un enseignant fraîchement recruté », a expliqué M. Rahmani, rappelant que les syndicats restent attachés à leur plate-forme de revendications qui tourne autour de la consultation des syndicats autonomes dans l’élaboration des nouveaux statuts particuliers et du régime indemnitaire. Ils exigent surtout la révision de la nouvelle grille des salaires, une réévaluation du point indiciaire pour assurer des salaires décents aux travailleurs en fonction de la cherté de la vie, la préservation du pouvoir d’achat et l’amélioration des conditions de travail. Par ailleurs, par souci de transparence et afin d’éviter la guerre de leadership, la coordination a opté pour une présidence tournante. A cet effet, M. Mériane a remis le flambeau à M. Merabet, président du SNPSP et désormais porte-parole de la coordination pour une durée de six mois.

El Watan, édition du 28 février 2008

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