Aïcha Mokhtari : son frère veut poursuivre l’Etat français en justice


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Abdelaziz Mokhtari est déterminé à obtenir justice pour sa sœur Aïcha, ressortissante marocaine décédée le 15 août 2009 des suites d’un cancer sans avoir pu obtenir un visa pour aller se faire soigner en France. Et ce à cause d’une erreur des services consulaires français.

Abdelaziz Mokhtari n’a pas encore fait le deuil de sa sœur Aïcha : il souhaite que justice soit faite. Cette citoyenne marocaine est décédée le 15 août 2009 des suites d’un cancer des os faute d’avoir pu obtenir un visa pour se soigner en France, au bout d’un an et demi de vaines procédures. Depuis la disparition de sa sœur, Abdelaziz Mokhtari poursuit un inlassable combat judiciaire pour que les responsables ne restent par impunis : les autorités françaises, qui lui ont refusé le visa à la suite d’une erreur administrative commise par les autorités consulaires de Fès et qu’ils se borneront à ne pas reconnaître malgré plusieurs recours ; l’Etat marocain, coupable de n’avoir pas fait grand-chose pour lui garantir l’accès aux soins. La famille Mokhtari a obtenu une première victoire fin septembre dernier devant le tribunal administratif de la ville d’Oujda (Est du Maroc) qui, grande première, a condamné l’Etat marocain, en la personne du Premier ministre Abbas El Fassi et la ministre de la Santé Yasmina Baddou, à verser une indemnité s’élevant à 45 000 DH aux ayant-droits d’Aïcha Mokhtari pour « négligence » et « non-assistance à personne en danger ». Mais Abdelaziz Mokhtari ne compte en rester là. « Ce n’est pas l’argent qui nous intéresse mais qu’ils reconnaissent leurs erreurs », affirme-t-il. Il envisage de poursuivre les deux ministres déjà incriminés en correctionnelle, mais aussi Lakhdar Haddouche et Omar Hjira, respectivement ancien et actuel maires d’Oujda.

« Un acte de racisme »

En France, où il souhaite également poursuivre l’administration en justice, Abdelaziz Mokhtari s’est attaché les services de Maîtres Léa Leforestier et William Bourdon, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme. Ce dernier a adressé mi-novembre un courrier aux ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères leur demandant de faire amende honorable et d’indemniser la famille Mokhtari. Passé le délai légal de deux mois, si aucune suite n’est donnée à cette correspondance, « nous en tirerons les conséquences », prévient M. Mokhtari.

Les mésaventures d’Aïcha Mokhtari avec l’administration française commencent le 25 mars 2008 quand elle demande un visa pour soins médicaux auprès du consulat français de Fès, au Maroc. Pourtant complète, sa demande est rejetée le 2 avril 2008, sans aucun motif. Sollicité sur les raisons de ce refus, le ministère de l’Immigration indique dans un courrier un mois plus tard « qu’aucune demande au nom de Madame Mokhtari n’a été enregistrée (…) depuis la dernière demande de visa de court séjour pour visite familiale qui a fait l’objet d’un refus du consulat général de Fès le 10 avril 2007, l’intéressé ne satisfaisait pas à toutes les conditions requises pour la délivrance du visa sollicité ». A son étonnement, la famille Mokhtari apprend par cette correspondance qu’il s’agit d’une homonyme : l’objet et la date de la demande ne correspondent pas à Aïcha Mokhtari. Avertie, la sénatrice française Alima Boumediene-Thiery mène son enquête auprès de services consulaires d’Oran (Algérie), laquelle confirme la confusion avec une ressortissante algérienne dont la demande avait été rejetée près d’un an avant qu’Aïcha Mokhtari n’introduise la sienne. Il s’avère aussi que sa demande n’a même pas été enregistrée sur le fichier informatique des services consulaires. Résultat : elle a été purement et simplement ignorée. Une erreur que l’administration française n’admet toujours pas en dépit des nombreux recours. Entretemps, Aïcha Mokhtari est décédé sans avoir pu bénéficier de visa pour se soigner convenablement. « Un acte de racisme », dont Abdelaziz Mokhtari promet de ne pas laisser impuni.

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