Afrique du Sud : l’impitoyable chasse aux étrangers s’intensifie


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L’Afrique du Sud est le théâtre de violences racistes depuis le 11 mai. On compte désormais 22 morts à Johannesburg, capitale économique d’Afrique du Sud. Les attaques xénophobes de ce week-end ont fait, à elles seules, 13 morts. Les immigrés zimbabwéens sont les principales victimes de la « chasse aux étrangers ». Malgré une accalmie lundi, la situation reste préoccupante.

La tension est montée d’un cran ce weekend à Johannesburg. Les violences xénophobes dont font l’objet les étrangers depuis plusieurs jours prennent une tournure meurtrière. Dimanche, un immigré est mort immolé après avoir été ficelé par ses agresseurs dans sa propre couverture. L’image de cette torche humaine a fait la une des journaux sud-africains lundi. Le bilan s’élève à 22 morts depuis la semaine dernière dont 13 depuis vendredi à Johannesburg, capitale économique d’Afrique du Sud. Le responsable régional de la police a fait savoir que « certaines victimes sont sud-africaines », expliquant que des délinquants pouvaient profiter des troubles pour régler leurs comptes. Un bilan tout aussi provisoire fait état d’au moins 5 000 sans-abris. Des centaines de personnes ont dû fuir leurs habitations pour trouver refuge dans les commissariats et les églises. Cependant, même ces dernières ont fait l’objet d’attaques répétées.

Les étrangers, des boucs émissaires faciles à désigner

Les premiers incidents sérieux ont eu lieu dans le township d’Alexandra, bidonville situé au pied du quartier des affaires de Johannesburg, où la misère y est fortement concentrée. Encore faut-il trouver des boucs émissaires. Arméé de machettes, de bâtons et d’armes à feu, une foule de Sud-Africains pauvres s’en prend donc aux immigrés qu’elle rend responsable du chômage, de la pénurie de logements et de l’explosion de la criminalité. Selon l’ONG Médecins sans frontières (MSF) basée à Johannesburg, « ce sont des bandes organisées de 100 à 300 jeunes qui entrent dans les maisons, les appartements et les cabanes ». Des hommes ont été lynchés et des femmes ont même été victimes de viols. Cependant, la vague de violences s’est étendue au centre-ville, où des boutiques et des centres commerciaux appartenant notamment aux asiatiques ont été pillés.

L’Afrique du Sud compte entre trois et cinq millions d’immigrés. Ils sont Mozambicains ou Malawites mais la plupart viennent du Zimbabwe, contraints de fuir leur pays en pleine crise économique et politique. Ces dernières semaines, des milliers d’entre eux ont rejoint l’Afrique du Sud. L’inflation au Zimbabwe est aujourd’hui estimée à plus de 400 000% et les violences post-électorales qui secouent actuellement le pays n’annoncent pas une amélioration de la situation. Ils espéraient trouver la paix en Afrique du Sud mais l’enfer est finalement venu à leur porte.

La classe politique condamne les violences

Toute la classe politique sud-africaine a condamné ces attaques xénophobes, à commencer par le président Thabo Mbeki et Jacob Zuma, chef du Congrès national africain (ANC) au pouvoir. Ces violences entachent fortement l’image de l’Afrique du Sud, longtemps réputée pour être l’un des pays les plus accueillants du continent noir. « Nous ne pouvons permettre que l’Afrique du Sud soit réputée pour sa xénophobie. Nous ne pouvons pas être un pays xénophobe », a déclaré M. Zuma. M. Mbeki a d’ailleurs annoncé la création d’une commission chargée d’enquêter sur ces récents événements et de faire toute la lumière sur cette affaire.

Nelson Mandela a aussi tenu à intervenir. Celui qui a lutté toute sa vie contre le racisme a vivement condamné ces attaques, appelant au souvenir de l’horreur vécue pendant les années d’apartheid. « N’oubliez jamais la grandeur d’une nation qui sait dépasser ses divisions. Nous ne devons pas succomber aux sirènes de la division destructrice, » a-t-il déclaré. Quant à son ex-épouse Winnie Madikizela-Mandela, elle a effectué lundi une visite à Alexandra avec d’autres responsables de l’ANC et du gouvernement pour y présenter des excuses aux victimes.

Les ONG humanitaires présentes sur place sonnent l’alerte. « C’est une violence assez extrême », a souligné Eric Goemare, coordinateur de MSF en AFS. L’ONG n’hésite plus à qualifier la situation de « crise humanitaire ». « Pour le moment, le calme est revenu, » affirme la police qui a arrêté près de 200 personnes. Mais l’accalmie risque d’être de courte durée.

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