A quoi pourrait-on comparer Kah Walla ?


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Vous avez sans doute déjà rendu visite à une amie possédant un molosse qui, chaque fois qu’il vous voit, n’en finit plus d’aboyer. Il est attaché mais vous ne pouvez vous empêcher de prendre peur, parce que, pensez-vous, qu’adviendrait-il si sa chaîne venait à casser ? Cette idée vous épouvante depuis la première fois que vous avez mis les pieds chez votre belle amie. Et justement un jour, alors que votre amie, pour laquelle vous prenez des risques aussi extraordinaires, tarde à venir vous chercher au portail, un jour donc, son chien aboyeur réussit à casser sa chaîne. Vous êtes pétrifié d’effroi. Mais ce dogue, qui vous a si souvent aboyé son envie de vous mordre reste là, tournant sur lui-même comme une toupie, dorénavant moins pressé de vous broyer le mollet, aboyant de plus belle, mais incapable de vous approcher, alors que ne le retient plus aucune chaîne, comme anéanti par son pouvoir et sa liberté… A présent, ses aboiements ne sont plus les cris d’un animal qui veut en découdre avec le premier ostrogoth venu, mais les grognements d’une bête décontenancée qui ne sait plus où aller, que faire, comment faire, si même il faut faire quoi que ce soit… Ainsi, le talent désormais incontestable de madame Edith Kabbang Walla, alias Kah Walla, à s’opposer doit-il se cuirasser d’une maturité, d’une aptitude, que nous ne lui voyons pas encore, à fédérer autour d’elle l’opinion publique, et non plus seulement les « paroles » de Valsero, les opinions individuelles les plus hésitantes ou la sympathie abstraite de ceux qui l’identifient comme une force de changement sans toutefois songer jamais à lui confier les clés de ce changement… C’est qu’elle sait charmer, mais ne parvient pas encore à émouvoir.

Pour le moment, la meilleure (la plus brillante et la plus populaire en tout cas) opposante camerounaise me fait encore penser aux petits mendiants que l’on retrouve devant Santa Lucia à Mokolo (Quartier populaire de Yaoundé)… Ils sont là, contemplent avec appétit la pâtisserie, reluquent avec des yeux d’admiration et d’émouvante convoitise les biscuits, lorgnent avec envie la charcuterie. Un de ces quatre, au jugé, prenez par la main le plus affamé d’eux, approchez le des prodigieuses vitrines et invitez le à prendre ce qu’il lui plaira. J’ai essayé et voici les deux réactions que j’ai observées :
1 – Le petit qui rêvait d’avaler toute la boulangerie se prend pour l’âne de Buridan et se révèle incapable de choisir ;
2 – Quand il consent à choisir, c’est à peine s’il ose choisir. Avec ses yeux de chien battu, il désigne du regard une langues-de-chat à FCFA150, exposée sous son nez, ou bien, parce que c’est le pain le plus long, pointe timidement du doigt une baguette à FCFA 300, et son compte est bon, sa journée faite, son « pointage » assuré !

Etre dans l’opposition, pour Kah Walla, c’est, comme cet enfant, obéir à ses instincts et à sa conscience, mais elle n’a pas la faculté supérieure de choisir ni pour elle-même, ni pour le peuple camerounais ce qui est le mieux pour tous. Ceci dit, comme présidente de la république, elle aurait bon dos, ce serait un bon spécimen pour les humoristes, les caricaturistes, elle a tout du sujet idéal : à peine plus haute que deux pommes, ça n’est pas avec son physique qu’il faut compter pour prendre de l’altitude; sa démarche volontaire de caneton téméraire n’est pas sans rappeler Paul Biya ; ses foulards évoquent Rita Marley ou la Jamaïque des fumeurs de marijuana ; son accent savoureux a quelque chose d’envoûtant ; et son statut de « célibataire et sans enfant » colle au profil des jeunes humanitaires qu’on recrutait naguère pour envoyer au Soudan… Un temps soupçonnée de vouloir vendre le Cameroun aux enchères dans les chancelleries occidentales, cette Kah socialo (entre cas social et Kah socialiste, il y a de la marge !) s’est superbement ridiculisée devant le mausolée de Rudolf Douala Manga Bell, en prétendant, suprême hypocrisie, que celui-ci avait lutté pour la décolonisation… Parle-t-on du même Rudolf Douala Manga Bell, agent politique colonial, payé en marks par l’administration allemande, et pendu par cette même administration pour « haute trahison » (Cf. l’ouvrage d’Engelbert MVENG, Histoire du Cameroun, Tome II, p.98, CEPER, 1985) ? Avec Kah en tout cas, c’est clair, les Camerounais ne s’ennuieraient pas le moins du monde, ils ne s’exclameraient plus en permanence aka ! Et pour cause.

O Kah-meroun, terre chérie

« Enfin bref », souhaitons lui une longue carrière dans l’opposition. Mieux que Ni John Fru Ndi qui a failli être président de la république en 1992 avant de faillir dans l’opposition, elle saura y faire et s’y faire à ce métier. Elle n’aura qu’a exploiter publiquement ce don dont elle a montré la maîtrise dans son intimité, ce talent à dire non, à dire non aux hommes, non aux demandes en mariage, non aux douleurs de l’enfantement, non au suivisme et à la mollesse du Social Democratic Front (SDF), non aux accusations d’abus de biens sociaux proférées contre elle, non à Elections Cameroon (ELECAM) qui veut lui faire signer un pacte sans contrepartie, non à une éventuelle participation au prochain gouvernement du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), etc… Mais pour être présidente de la république, n’en déplaise au RDPC qui n’a pas jugé nécessaire la présence de Chicago Boy dans ses instances dirigeantes, il lui faudra d’abord, dans l’avenir, passer par-dessus Antoine Ntsimi qui de toute manière a très bien compris que les meilleurs actuellement, c’est en marge du RDPC qu’ils déroulent leur bonhomme de chemin.

Seulement, se battre contre le RDPC, c’est comme se faire l’émule de Don Quichotte, se battre contre des moulins à vent… Il faut, comme disait l’étonnant Papy Ndoumbé de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), il faut voter pour Paul Biya parce qu’en réalité le président sortant ne nous laisse pas le choix. Comme le suggère cette boutade que nous affectionnions au collège, à propos des choix de dissertation qui nous étaient souvent présentés : « si choix il y a, le choix n’est pas libre »… Parce que de toute évidence les résultats sont déjà gravés dans le marbre d’ELECAM. C’est Paul Biya ou c’est « le chaos » et « l’incertitude » de la guerre! Peut-on être plus clair dans la menace tout ensemble à son propre peuple et aux va-t-en guerres de l’OTAN, sinon une menace du moins un curieux chantage énoncé du haut d’une tribune du Palais des Congrès ? Tant que le Conseil de sécurité de l’ONU ne s’en mêle pas, on aura effectivement la paix au Cameroun, mais quelle paix !

Comme eût pu dire un homme d’Etat camerounais du XXème siècle : « Tant qu’Etoudi respire, le Cameroun vit» en paix. Mais parler de paix, ça n’est pas aimer la paix. Aussi, de nombreux Camerounais estiment-ils que le Cameroun est virtuellement en guerre ; car il y a la guerre que l’on fait parce que la paix est devenue impossible et celle que l’on craint parce que toutes les conditions en sont réunies. A défaut de délocaliser le printemps arabe, s’aventure-t-on vers une nouvelle « saison blanche et sèche » ? Kaï walaï ! C’est du chinois, la politique camerounaise.

ESSONO TSIMI ERIC

Auteur Dramatique

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