Tunisie-Procès des martyrs de la révolution : le choc du verdict


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Le verdict de la cour d’appel du tribunal militaire en charge de l’affaire des martyrs et des blessés de la révolution, rendu samedi soir, a suscité une onde de choc à travers la Tunisie. D’anciens caciques du régime de Ben Ali seront libérés le 21 mai prochain, alors que d’autres ont vu leur peine réduite. D’Ennahda à la FIDH, en passant par les familles de victimes, la Tunisie exprime sa colère contre un verdict qui « n’a pas rendu justice aux martyrs de la révolution ».

Le verdict rendu par la cour d’appel du tribunal militaire de Tunis dans l’affaire des martyrs et blessés de la révolution, à Thala, Kasserine, Tejerouine, Kairouan, Kerkenna et Sfax, a surpris Ennahda et mis en colère les familles de victimes. Dans un communiqué publié lundi, le mouvement islamiste a exprimé sa consternation face à un verdict jugé clément. Pour rappel, des responsables de la répression de la révolte du 14 janvier, qui a conduit Ben Ali à fuir vers l’Arabie Saoudite, étaient jugés en appel. Le tribunal militaire a, contre toute attente, allégé les peines et libéré des caciques de l’ancien régime, le 21 mai prochain, tels que Ali Seriati, Rafik Hadj Kacem et Lotfi Zouari.

Ennahda a exprimé sa solidarité avec les familles des victimes avant d’appeler à un procès équitable à même de « rétablir l’honneur des familles des martyrs qui ont donné leur sang pour la liberté et la dignité de l’ensemble des Tunisiens et Tunisiennes, ainsi que leurs familles », souligne le communiqué. Le parti islamiste dénonce « les conditions dans lesquelles s’est déroulé le procès, qui n’a pas rendu justice aux martyrs de la révolution et leurs familles ».

Séance plénière à l’ANC

L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) s’est réuni à titre exceptionnel, lundi, afin d’examiner ce verdict inattendu. Le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar, a réagi en estimant que cette décision ouvre la voie à plusieurs interrogations. Il a ajouté que l’ANC suivra scrupuleusement et attentivement la suite de ce procès. Il a insisté sur la nécessité de créer des chambres judiciaires spécialisées dans les affaires des martyrs et blessés de la révolution.

De nombreux députés de l’ANC ont réagi. Le député Mouldi Riahi (Ettakatol) a assuré que le tribunal militaire n’est pas impartial. Il appelle à la mise en place de tribunaux spécialisés dans le cadre de la justice transitoire. Le député Ahmed Nejib Chebbi (Parti Républicain) a, de son côté, déclaré qu’une contre-révolution peut mettre la main sur la justice. Quant à Yamina Zoghlami (Ennahdha), elle a affirmé que ce verdict n’était pas surprenant.

Manifestation devant le Palais de Carthage

Des dizaines de jeunes activistes s’étaient rassemblés dimanche devant le Palais de Carthage pour protester contre la clémence de la cour d’appel. « La décision du Tribunal militaire constitue une nouvelle violation des droits des martyrs après leur privation du droit à la vie », a affirmé Adnène Brahmi, le fils du député Mohamed Brahmi tué le 25 juillet 2013 devant son domicile, rapporte Investir-en-tunisie.net. Le secrétaire général du syndicat de base des cadres des prisons et institutions de réhabilitation pénitentiaire, Walid Zarrouk, estime que le verdict de la cour d’appel militaire est une preuve du principe d’impunité.

L’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a également publié un communiqué dans lequel elle dénonce le verdict qu’elle considère comme un second assassinat des martyrs de la révolution. L’organisation appelle aussi à un procès selon les lois de la justice transitionnelle. Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM), a appelé à la révision du verdict non conforme aux normes internationales avant d’appeler lui aussi, à l’instar de nombreux partis politiques, à remettre l’affaire à la justice civile.

La Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) juge également ce verdict non conforme aux normes internationales de protection des droits humains. Dans un communiqué, le président du mouvement mondial des droits de l’Homme, Karim Lahidji, fustige la le fait d’avoir remis cette affaire à la justice militaire, au mépris des standards internationaux, qui n’a pas su se démarquer de l’extrême politisation du dossier. Et d’ajouter : « cette décision est particulièrement préoccupante alors que plusieurs autres procès portant sur les répressions intervenues dans d’autres villes pendant le soulèvement sont encore pendants devant cette même Cour d’appel militaire ».

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