Sénégal-Procès Karim Wade : récit d’une journée d’ambiance électrique


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A peine le procès de Karim Wade a été ouvert, ce jeudi matin, que l’ambiance est devenu très électrique. L’audience a été interrompue de nombreuses fois tant la tension était vive.

A Dakar,

Ce fameux jeudi matin, c’est le jour-J. Tout le monde attendait ce procès aux enjeux colossaux. Ses partisans comme ses détracteurs. Karim Wade, accusé de s’être enrichi illicitement, en détournant 178 millions d’euros, est l’objet de toutes les attentions au pays de la Téranga. Sa photo est en Une dans toute la presse. Au Palais de Justice, à Dakar, salle numéro quatre, c’est là que l’audience a lieu. Devant le tribunal, on se rend compte de la dimension politique de cette affaire. Les forces de l’ordre ont quadrillé toute la zone. La salle d’audience est pleine à craquer. Les partisans du fils de l’ancien Président sénégalais sont venus très nombreux le soutenir. Mais beaucoup sont empêchés par les forces de sécurité de se rendre à la salle d’audience, érigeant des barrières pour bloquer, selon eux, les fauteurs de troubles. Malgré la vive tension, les bousculades des uns et des autres pour tenter à tout prix d’assister au procès, et les insultes proférées à leur encontre, ils ne cèdent pas, et sélectionnent à leur guise ceux qui peuvent accéder à la salle d’audience pour vivre ce qu’on pourrait appeler le procès de l’année au Sénégal.

« Libérez Karim ! »

La salle explose de joie, dès l’apparition de Karim Wade. Debout depuis son box, il arbore une longue tunique blanche, accompagné d’un turban blanc enroulé autour de son visage. Les bras levés en signe victoire, le visage enjoué, sourire aux lèvres, il regarde ses sympathisants l’acclamer, criant« Karim Président !» « Libérez Karim !», « Si vous ne le libérez pas on va vous frapper ! » Une attitude des sympathisants de Karim Wade qui agace la Cour qui décide de suspendre l’audience et de se retirer un moment. Lorsque le juge Diop réapparaît avec les autres membres de la Cour, il prévient qu’il ne tolérera aucun débordement et qu’il est prêt à entendre tous les témoin même si le procès doit durer six mois.

Puis le juge Grégoire Diop apparaît avec d’autre membres de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, contestée pour son illégitimité par l’accusé, mais aussi par de nombreuses ONG de défense des droits de l’Homme. Il interroge Karim Wade : Quelle est votre profession, ce dernier répond calmement : Banquier et actuellement prisonnier politique. Ensuite c’est Ibrahim Aboukhalil, nommé aussi Bibo Bourgi, Libano-sénégalais accusé d’avoir été le complice de Karim Wade, qui est appelé à la barre. Mais son cas fait polémique tout de suite car l’accusé est affaibli par la maladie à cause de sérieuses pathologies cardiaques. Son avocat présente d’ailleurs à la Cour un certificat médical attestant que son état de santé ne lui permet pas de comparaître.

Mais cela n’émeut pas le juge qui estime que si l’ancien Président égyptien Hosni Moubarak a pu se présenter devant la justice de son pays en étant couché sur une civière, il ne voit pas pourquoi Bibo Bourgi ne pourrait pas le faire. Finalement, le concerné se présente en fauteuil roulant à la barre, après une longue interruption du procès, confirmant son identité avant d’aller se rasseoir. Il est autorisé ensuite par la Cour à regagner la clinique qui le prenait en charge. La Cour affirme également que des médecins vérifieront si son état de santé actuel lui permet ou non de comparaître, ou s’il doit se rendre en France comme il l’a demandé pour bénéficier de soins intensifs urgents.

« Macky corrompus !»

Tout au long de l’audience, le juge Grégoire Diop, conscient de la dimension très politique de ce procès est très tendu, voir par moment sur la défensive. Mais il n’est pas au bout de ses surprises lorsqu’un jeune homme au teint clair se lève brutalement criant « Karim Président ! ». Soupçonné de vouloir agresser les membres de la Cour, il est immédiatement arrêté, hurlant « Macky corrompus », « CREI corrompus ! » …

Cette ambiance électrique ne retombera pas tout au long de la matinée. Mais ce n’est pas étonnant dans un procès qui présente près de 200 témoins, selon ce proche du fils de l’ex-dirigeant sénégalais, avec une quarantaine d’avocats pour le défendre. Parmi ces avocats, les Français William Bourdon et François Meyer. Il y a aussi les anciens ministres qui ont servi sous le régime d’Abdoulaye Wade, dont l’ancien Premier ministre maître Souleymane Ndéné Ndiaye, l’ancien ministre des Affaires étrangères maître Madické Niang, l’ancien Garde des sceaux maître El Hadj Amadou Sall, et l’ex-ministre des Affaires étrangères maître Alioune Badara Cissé.

Parmi les avocats de l’Etat, le célèbre et sulfureux maître El Hadj Diouf, qui siège à l’Assemblée nationale. Tous ces gourous du droit sénégalais se connaissent parfaitement. Non seulement dans la sphère politique, mais aussi dans le cadre du tribunal où ils ont évolué ensemble. Chacun tentera de tirer les ficelles de ce procès pour préserver ses intérêts…

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