Bénin : l’érosion du littoral menace de rayer de la carte une partie de Cotonou


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L’élévation du niveau de la mer a détruit des centaines d’habitations, d’hôtels, de routes et de récoltes, et menace d’engloutir une bonne partie de Cotonou, la capitale économique du Bénin.

Selon une étude réalisée pour le compte du gouvernement il y a environ un an, il faut aujourd’hui prendre des mesures d’urgence pour retenir les eaux qui montent, et sauver les ports, l’aéroport et les communautés côtières de la ville, mais des querelles politiques intestines ont compromis le déblocage de fonds pour ce faire.

Selon les habitants de la ville, la situation n’a guère changé (outre l’avancée de la mer). D’après Finagnon Dossa, comptable, les tempêtes de mars 2007 ont causé plus de 3 000 dollars de dégâts matériels chez lui, à 500 mètres du littoral, dans le quartier de Donaten, dans l’est de Cotonou.

Jacques, son voisin, un pêcheur retraité, vit près de la mer depuis 20 ans. « C’est l’érosion côtière qui nous menace. On a peur. C’est le problème de tout le monde. Nous avons envie de partir », a-t-il expliqué.

Mais Jacques et Finagnon ont dit tous deux n’avoir pas l’argent nécessaire pour trouver un autre logement plus à l’intérieur des terres. Les résidences secondaires et les bâtiments publics jalonnent la côte béninoise, qui s’étend sur 125 kilomètres, mais une majorité des 100 000 habitants de l’est de Cotonou –la zone la plus vulnérable aux dégâts causés par la mer en raison de l’érosion du littoral- n’ont pas les moyens de faire face à l’avancée des eaux.

L’érosion du littoral du golfe de Guinée, où se trouvent la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigeria, a été imputée aux changements climatiques, à l’origine de l’élévation du niveau de la mer, d’inondations et de maladies hydriques.

Une menace à l’industrie, au tourisme et à la pêche

Selon les estimations du ministère béninois de la Planification urbaine, le niveau de la mer risque de s’élever de pas moins de 59 mètres, au pire des cas, d’ici à l’an 2100.

D’après une étude publiée en 2007 par l’International Institute for Environment and Economic Development (IIED), un organisme britannique à but non-lucratif, l’érosion du littoral pourrait rayer de la carte les zones de Donaten, Tokplegbe, Finagnon, Akpakpa-Dodomey et JAK, dans l’est du Bénin, si rien n’est fait pour freiner l’avancée des eaux.

L’IIED a dressé une carte des routes, des systèmes d’écoulement des eaux, des trottoirs et des plantations de cocotiers qui ont déjà commencé à disparaître.

À en croire les chercheurs, l’érosion du littoral pourrait faire péricliter les secteurs béninois de l’industrie, de la pêche et du tourisme, et rayer de la carte les bâtiments, les ports et l’aéroport, ainsi que d’autres infrastructures.

Interdire l’exploitation du sable marin

Cotonou, qui se dresse sur une couche de sable alluvial de quatre mètres d’épaisseur, tout au plus, est le principal moteur de l’économie du Bénin, en plus d’être un centre régional du commerce. Son port génère une majorité des revenus douaniers du pays, et son marché de Danktopa lui permet de percevoir 750 millions de dollars de revenus annuels, selon l’IIED.

Jusque récemment, la loi autorisait les sociétés du Bénin à exploiter le sable des plages pour leurs projets de construction, une pratique qui a contribué à rétrécir d’autant plus le littoral.

Le gouvernement a interdit cette pratique en septembre 2007, mais les habitants ont dit qu’ils voyaient encore certaines sociétés transporter des chargements de sable.

Pour Gilbert Medjè, le président du Front uni de lutte contre l’avancée de la mer (FULAM), un organisme béninois à but non-lucratif, la ville n’a pas de sable, ni de temps, à perdre.

Du haut de son immeuble à étage, dans le quartier d’Akpakpa, M. Medjè regarde la mer avec inquiétude. Sa maison se trouvait auparavant à 141 mètres de l’océan, a-t-il expliqué, mais ces cinq dernières années, la mer s’est rapprochée de plus de 30 mètres.

Une menace pas seulement pour le Bénin

Les cartes et les images de l’est de Cotonou obtenues par télédétection entre 1963 et 2000 montrent un recul du littoral de plus de 400 mètres dans la zone située à l’est du port Cotonou.

Ces dernières années, selon l’organisation de M. Médjè, l’érosion du littoral a rayé de la carte 460 champs et détruit 47 maisons, et menace plus de 1 000 propriétés à Cotonou.

D’après Stanislas Pognon, ancien ministre béninois des Finances et président d’honneur du FULAM, Cotonou est une ville importante non seulement pour le Bénin, mais aussi pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.

« Il y a une menace évidente qui pèse sur le développement de cette zone côtière de notre pays [en raison de l’érosion du littoral]. L’autoroute internationale Cotonou-Porto novo [Nigeria] s’y trouve. C’est un axe important d’intégration régionale, impliquant nos relations avec le Nigéria. Selon des experts [dont le groupe français SOGREAH-Laboratoire DEFT], si rien n’est fait pour arrêter l’avancée de la mer d’ici 2025, Akpakpa pourrait s’effacer de la carte de Cotonou, puis les départements de l’Ouémé-Plateau [pourraient se trouver] coupés du reste du Bénin. Ce qui constituerait un coup fatal pour l’agriculture dans la riche vallée de l’Ouémé ».

Face à la hausse mondiale du prix des denrées alimentaires, les autorités comptent sur la vallée de l’Ouémé, dans le centre du Bénin, pour fournir davantage de vivres aux populations de ce pays, aux ressources financières limitées.

Or, selon M. Pognon, l’érosion de la côte risque de rayer certaines routes de la carte, et la communication avec cette importante source alimentaire locale deviendra dès lors plus difficile.

Plusieurs millions bloqués

En septembre dernier, les chercheurs environnementaux de la société hollandaise Royal Haskonning ont recommandé au gouvernement de construire des épis (de grandes barrières perpendiculaires à la mer et destinées à empêcher le sable de se déplacer), d’investir davantage dans le développement côtier, d’interdire l’exploitation du sable marin, et de reloger les communautés côtières menacées.

Les bailleurs de fonds, dont la Banque islamique de développement et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, se sont engagés à consacrer plus de 70 millions de dollars à la construction de barrières de pierre, en commençant par une bande de terre de sept kilomètres de long, située le long du littoral extrêmement menacé de l’est de Cotonou.

Mais au Bénin, des querelles politiques intestines ont retardé ce projet de construction. Certains législateurs avaient en effet refusé d’approuver le projet tant que leurs précédentes demandes, relatives à une réforme des élections municipales, n’auraient pas été satisfaites.

Le président Boni Yayi a réussi à sortir son pays de l’impasse en juillet grâce à un décret présidentiel, mais la construction n’a pas encore démarré.

Si ces épis sont construits, selon l’IIED, cela ne fera que repousser le problème de l’érosion plus à l’est, vers le Nigeria. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a appelé à la construction d’un épi régional qui couvrirait l’ensemble de la côte du Golfe de Guinée.

Le problème touche directement Kofi Ayao, un pêcheur béninois. « La mer était très loin de nous, il y a deux ans. Aujourd’hui, voilà où elle se trouve. Nous avons tous peur. Un jour, si on ne trouve pas rapidement la solution, il est possible que dans notre sommeil, on se retrouve au fond de l’eau ».

Photo: Dulue Mbachu/IRIN

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