Medias publics au Burkina : à quand l’émancipation ?


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Télévision nationale, radio nationale, éditions sidwaya,… personne n’aurait parié un centime sur une éventuelle grève des travailleurs de ces médias de propagande gouvernementale. Mais c’est désormais chose faite, en juillet dernier les travailleurs des médias publics burkinabès, regroupés dans le Syndicat national des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) ont observé un sit-in pour protester contre leurs conditions de vie et de travail.

En cause, les intéressés invoquent « l’immixtion du département dans le traitement de l’information au sein des médias publics ». Le SYNATIC revendique aussi, à travers ce mot d’ordre, de meilleures conditions de vie et de travail pour les journalistes des médias publics.

Le ministre de l’Information, lui-même, a déclaré en conférence de presse que : « Tout citoyen qui manifeste pour apporter un message, selon la loi et les textes en vigueur au Burkina, mérite d’être écouté. Je pense que cela est important. Mais on s’inquiète un peu lorsque les mouvements ou les actions sont basés sur du faux ou des mensonges. Il est vrai que la manifestation des syndicats des journalistes porte sur un ensemble de préoccupations, mais la question d’une prétendue immixtion du ministère de la Communication dans le traitement de l’Information est la plus portée au-devant de l’actualité, avec des allégations selon lesquelles le Secrétaire général aurait charcuté tel reportage ou tel élément tel jour. … » ! Entre ces deux camps qui a raison ? Y a-t-il un manque de liberté d’expression des journalistes des médias publics et un contrôle absolu et systématique du traitement l’information qu’ils produisent?

Une presse publique parfois à côté de la réalité

On se rappelle encore qu’en 1998, lors de l’assassinat du célèbre journaliste Norbert Zongo, la télévision nationale, dans son journal télévisé, avait parlé immédiatement d’un décès par accident. Manque de professionnalisme de la journaliste Benjamine Doamba ou information téléguidée ? Ce que l’on sait est que cette journaliste est de nos jours dans le palais présidentiel de Kosyam.

Quand on compare les images, les écrits et les vidéos des médias publics burkinabès à celle de médias privés nationaux ou internationaux sur les évènements et les sujets touchant à la politique du gouvernement ou aux crises (crises des militaires, crises universitaires,…) on ne manquera pas de constater qu’une mise en scène est souvent orchestrée du côté des médias publics. Prenons par exemple le journal télévisé de RTB (Radiodiffusion Télévision du Burkina) on constate que l’actualité est classée par ordre de préséance. On commence par la présidence du Faso, puis le Premier ministère, ensuite l’Assemblée nationale,…. Peut-on être objectif dans le traitement de l’information de cette manière ? Au contraire, ce schéma nous montre une RTB aux ordres du diktat politique.

La conséquence de la présence « de l’œil politique menaçant » est la qualité peu alléchante des produits et services offerts. On se rappelle que rien qu’en mai 2013, la télévision nationale, sur environ deux à trois jours, nous faisait voir des images d’une chaîne de télévision qui présente des individus arabes à l’accoutrement « aqmiste » à la place de ses programmes à un moment où AQMI menaçait d’attaquer tous les pays ayant soutenu l’opération Serval au Mali. On a crié au piratage et les politiciens, les mêmes encore, nous on assurés qu’il s’agissait d’un problème technique causé par des baisses de tension électrique ! Incompétence, médiocrité ou contrôle absolu?

La dénationalisation des médias publics

Les pouvoirs politiques ont beau expliquer qu’ils ne s’ingèrent pas dans le traitement de l’information par les médias gouvernementaux, mais on ne peut être dupe. Quand on nomme les directeurs de ces médias et les responsables des institutions de régulation de la communication et de l’information, il est absurde de vouloir se justifier d’une absence d’immixtion. Ces responsables nommés politiquement, avec ou sans l’ordre du pouvoir gouvernemental, exercent une pression morale sur les journalistes, soit sur ordre des politiques ou dans le but de se faire nommer prochainement à un poste supérieur. C’est ainsi que parmi les journalistes eux-mêmes, il y a des partisans « infiltrés » ou positionnés des partis politiques, qui ne facilitent pas le traitement équitable et impartial de l’information. Contraignant ainsi ceux qui se disent loyaux à choisir entre le silence et le mensonge dans l’indignité, ou la vérité et le respect au risque du chômage.

Les médias gagneront en indépendance en coupant le lien financier qui les lient à l’État et en vivant des services qu’ils rendent aux lecteurs et téléspectateurs. Pour plus de démocratie et de liberté de la presse les pouvoirs publics doivent rester à l’écart du traitement de l’information par les médias.

LibreAfrique.org

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