Massacre d’un dugong : les espèces protégées en danger à Mayotte


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Un dugong a été pêché accidentellement mais tué volontairement, le 22 juin dernier à Mayotte. Une catastrophe pour la protection de cet animal cousin du lamantin, dont le nombre dans l’île au lagon ne dépasserait pas la dizaine, selon les estimations officielles. Sa population mondiale est évaluée autour de 80 000 individus.

A Mamoudzou,

Classée comme espèce menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la vache marine tuée le mois dernier témoigne des difficultés du 101ème département français à protéger certains de ses animaux emblématiques. La faute notamment à un braconnage très actif lié aux traditions culturelles.

Les visages des membres du Parc naturel marin de Mayotte étaient fermés le 26 juin dernier à l’écoute de la peine prononcée par le tribunal correctionnel contre le pêcheur de dugong. Le braconnier a écopé de 8 mois de prison dont 3 fermes après qu’il ait refusé des travaux d’intérêt général (TIG). « La prison n’apporte aucune solution au problème, nous aurions préféré qu’il accepte ces TIG afin de l’impliquer dans des opérations de sensibilisation auprès des jeunes », regrette la directrice du parc, Cécile Perron.

Cette triste capture d’un animal protégé a suscité l’émoi dans l’île aux parfums. Mais elle a aussi montré l’ancrage toujours très solide de certaines coutumes destructrices malgré le rattachement de ce petit territoire de l’océan Indien à la France, en 1975, et sa départementalisation en 2011.
Si les pêches de dugongs sont rares (seulement 4 en dix ans, de 2002 à 2012), le braconnage de tortues est quant à lui encore très répandu. Espèce elle aussi protégée, en 2014, près de 350 cas de tortues marines mortes ont été recensés par le Réseau mahorais des mammifères marins et tortues marines (REMMAT), dont plus de 80% concernent des tortues braconnées.

Ces résultats sont la conséquence d’un manque de moyens destinés à la surveillance des sites protégés, surtout les plages de ponte des chéloniens. Pourtant, une brigade nature et les agents de la Direction de l’Environnement et du Développement durable (DEDD) du Conseil départemental sont mobilisés pour effectuer cette tâche. Mais le problème de sous-effectif et d’armement de ces gardes handicape la protection des tortues.
De plus, les braconniers sont incités indirectement à poursuivre leurs agissements au vu des décisions clémentes souvent prononcées. Les peines maximales sont rarement atteintes (le tueur de dugong risquait 15 000 euros d’amende et 1 an d’emprisonnement) du fait souvent de la situation sociale de ces individus (le PIB de Mayotte est d’environ 7 900 euros par habitant). A cela s’ajoute une réglementation de la pêche que des professionnels du secteur ignorent ou feignent de méconnaître (le pêcheur de dugong est un récidiviste) comme la pêche au filet qui est interdite dans certaines zones (les chenaux des mangroves par exemple).

La viande de tortue est actuellement vendue illégalement entre 10 et 15 euros le kilo. « À Mayotte, elle se mange le plus souvent en “tchak tchak” (sorte d’apéritif à la mahoraise). Il ne s’agit donc pas, dans la plupart des cas, d’un repas de subsistance lié à une pénurie alimentaire », affirme l’association de protection des tortues Oulanga Na Nyamba. De l’autre côté, certains Mahorais continuent de revendiquer leur fierté d’être des « mangeurs de tortue » notamment sur les réseaux sociaux. Ils s’agacent des critiques et articles venant de « mzungus donneurs de leçons » (mzungu = « blanc » en shimaoré). Des réactions qui témoignent d’une certaine fracture entre une vision métropolitaine de la protection de l’environnement et des défenseurs de traditions locales par peur d’une acculturation.

Par Walter Dupré

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