Maroc : visite de Mohammed VI chez Obama, le boxeur Zakaria Moumni accuse le Roi


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A l’occasion de la visite du Roi Mohammed VI à Washington, ce vendredi, le champion du monde marocain de boxe thaï, Zakaria Moumni, interpelle le Président Obama sur les tortures qu’il aurait subies pendant sa détention au Maroc. Une manifestation sera par ailleurs organisée à Paris, devant l’ambassade du Maroc, pour dénoncer la violation des droits de l’Homme au Maroc.

Le combat du boxeur Zakaria Moumni est loin d’être terminé. Non pas sur un ring, mais pour obtenir réparation et justice auprès du roi Mohammed VI. Le champion du monde marocain de boxe Thaï avait été arrêté le 27 septembre 2010, à sa descente d’avion à l’aéroport de Rabat. C’est les yeux bandés qu’il aurait été conduit à l’ancienne prison secrète de la DST, à Témara (près de Rabat). Dans cette prison pas si ancienne que cela, puisque de nombreux défenseurs des droits humains affirment qu’elle est toujours utilisée pour isoler et torturer des prisonniers politiques et d’opinions, Zakaria Moumni aurait vécu le plus grand calvaire de sa vie.

Le boxeur saisit donc l’occasion de la visite officielle du Roi aux Etats-Unis pour organiser samedi, avec le soutien d’associations de droits humains en France, une manifestation devant l’ambassade du Maroc à Paris. Il a dans un même temps adressé une lettre au Président Barack Obama, dans laquelle il lui rappelle les tortures qu’il aurait subies à Témara et les raisons qui l’ont mené dans cette prison tenue secrète.

Genèse d’une histoire sans fin

Officiellement, Zakaria Moumni avait été emprisonné pour avoir, selon la justice marocaine, soutiré de l’argent (1 200 euros) à deux Marocains en leur promettant de leur trouver du travail en France. Une accusation que le boxeur a toujours contestée, assurant n’avoir jamais rencontré ses deux accusateurs. Son avocat affirme que Zakaria Moumni a été emprisonné car il réclamait un poste de conseiller au ministère marocain des Sports. Un droit auquel peut prétendre n’importe quel champion international marocain, en vertu d’un décret royal de 1967.

Après un procès expéditif, pendant lequel les plaignants ne se sont jamais présentés, Moumni avait été condamné à 3 ans de prison pour « escroquerie ». Mais sous la pression de la FIDH, de Human Rights Watch, d’Amnesty International, ainsi que d’un grand nombre d’organisations de défense des droits de l’Homme, regroupées dans un comité de soutien à Paris, Zakaria Moumni a vu sa condamnation passer de deux ans et six mois à 20 mois… Avant d’être gracié par le Roi en personne. Il a au final cumulé 18 mois de détention.

Le champion de boxe en est convaincu, sa condamnation est liée au fait qu’il a manifesté devant le château du Roi à Betz, dans l’Oise, et pour avoir dénoncé la corruption au sein de la Fédération marocaine de boxe. Depuis sa libération, ce dernier ne cesse de réclamer sa réhabilitation et souhaite que les responsables de son « enlèvement », qui auraient exercé sur lui des tortures, soient traduits devant la justice. Dans sa ligne de mire, le directeur du cabinet royal, Mohamed Mounir Majidi (l’homme à tout faire du Roi) et le patron de la DST, Abdellatif Hammouchi.

« Ici c’est l’abattoir de Sa Majesté »

Selon des informations obtenue par le journal satirique Demain Online, après un an et demi d’échanges avec le ministre de l’Intérieur, mandaté par le Roi, on aurait fait comprendre à Zakaria Moumni que « les responsables des actes de torture qu’il a subis ne peuvent être traduits en justice car ils sont intouchables et que ce service (en parlant de la DST) ne dépend pas du gouvernement, il est sous les ordres du Roi ! ». Selon la même source, un responsable marocain lui aurait déclaré : « Tu veux quoi ? Tu veux qu’on juge le Roi ? ». Il semble clair que le champion marocain de boxe thaï n’obtiendra jamais la condamnation de ses présumés bourreaux.

Pendant que les agents de Hammouchi l’auraient torturé, l’un d’eux aurait lancé à Moumni : « Ici, c’est l’abattoir de Sa Majesté et, nous, on ne dépend ni du ministère de l’Intérieur, ni du ministère de la Justice. Nous, on travaille directement avec le Roi. Et ça, c’est les ordres du Roi. Ici, on va te découper, faire de toi de la viande hachée et tu sortiras dans des boîtes de conserve.(…) Tu as beau remuer ciel et terre, tu ne sortiras pas d’ici vivant et comme ça, ça t’apprendra à aller manifester devant chez le Roi ».

De graves accusations qui remettent en cause les déclarations de la communauté internationale qui continue d’affirmer qu’au Maroc les droits de l’Homme sont respectés.

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