Les négociations, une chance pour la Centrafrique ?


Lecture 3 min.
arton28379

Les délégations centrafricaines devant prendre part au dialogue de Libreville, notamment la rébellion Séléka, l’opposition démocratique et le pouvoir de Bangui sont toutes parties, sauf le président Bozizé. Après la rencontre des ministres des Affaires étrangères de la CEEAC qui devrait se tenir aujourd’hui, les protagonistes de la crise centrafricaine se retrouveront jeudi au tour de la table sous la médiation du président congolais Denis Sassou Ngesso. Seulement, le climat dans lequel doit se tenir ce dialogue n’augure pas d’une issue favorable.

(De notre correspondant)

Sans trop de pessimisme, pérorons néanmoins sur l’improbabilité manifeste de la réussite de ces négociations tant attendues. Trois facteurs donnent du muscle à cet argumentaire, à savoir le cadre juridique de la rencontre, l’absence de cessez-le-feu et le profil du médiateur.

En ce qui concerne le cadre juridique, il est celui de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), certes, mais dès lors que les leaders rebelles n’étaient pas invités au sommet de N’Djamena du 21 décembre dernier, ce qui est normal puisqu’il s’agit d’un sommet des chefs d’Etat, il fallait bien un premier contact avec les protagonistes quitte à prendre en compte leur désidérata dans la détermination du quota, du lieu, de la date, du médiateur. Or, les réunions préparatoires dédiées à ce dialogue se sont confinées au niveau des ministres des Affaires étrangères des pays de la CEEAC. Ce vice originel était largement suffisant pour motiver le refus du Séléka et pourquoi pas de l’opposition démocratique à se rendre à Libreville. Fort heureusement, la pondération des uns et des autres a évité à la Centrafrique ce premier niveau de couac.

Ce n’est peut-être que partie remise tant le Séléka peut bien s’y rendre mais non sans susceptibilités. Il suffit d’un rien pour que la rébellion claque la porte, à défaut, elle peut s’obstiner à faire des concessions. Idem pour l’opposition démocratique qui pourrait aussi jouer au tout ou rien.

Ensuite, un cessez-le-feu était nécessaire pour taire les velléités guerrières avant les négociations. Malheureusement, pouvoir et opposition négocient armes aux poings. Tandis que Bozizé recrute des mercenaires, finance des milices, a recours aux soldats sud-africains, le Séléka consolide ses positions à l’intérieur du pays. S’agissant des milices pro-gouvernementales, après la Coalition citoyenne des opposants aux rébellions armées (COCORA), la Coordination des actions citoyennes (COAC) vient de naître toujours dans une logique de xénophobie et d’exactions inacceptables en Etat de droit.

Enfin, il y a le choix du médiateur. En règle générale, le choix d’un médiateur dans une situation de conflit doit recueillir le consentement des parties en présence. Puisque ni Séléka ni le pouvoir ni l’opposition démocratique n’a récusé Sassou, cet aspect est néanmoins évacué. Cependant, la question de sa neutralité et de sa crédibilité reste entière. La visite éclaire de Bozizé à Brazzaville la veille de l’ouverture de ce dialogue n’est pas de nature à inspirer confiance. Quant à la crédibilité de ce médiateur imposé, qui n’a d’expériences antérieures que l’art du coup d’Etat et de la confiscation du pouvoir, que réserve-t-il dans une affaire contre son alter égo ?

Au demeurant, ni Séléka ni Bozizé n’est parti à Libreville en position de faiblesse. D’ailleurs, réconforté par le soutien de l’Afrique du sud, l’achat des armes et le recrutement des milices, Bozizé semble même regretter les engagements pris devant Yayi Boni. Des manœuvres seraient en cours pour empêcher certains leaders rebelles de la diaspora à se rendre à Libreville. En revanche, un éventuel échec de Libreville ferait l’affaire de Bozizé qui brûlerait d’envie de laver militairement l’affront subi par l’armée nationale.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News