Les furoncles du député socialiste François Loncle


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A propos d’une conférence-vidéo mensongère sur la Côte d’Ivoire.

Décidément, nous verrons tout et le contraire de tout dans les péroraisons qui prospèrent sur la Côte d’Ivoire. Sachons pourtant raison garder ! Lorsque la réalité échappe à vos expectatives les plus optimistes, vous avez quelques hypothèses à tester : la première consister à nier la réalité, comme le conducteur novice qui s’évanouit avant son accident de voiture. Cette posture de négation du réel, nommée néantisation par Jean-Paul Sartre dans son livre L’Etre et le Néant, vous permet d’éliminer fictivement le danger en vous soustrayant imaginairement de la scène redoutée. La deuxième hypothèse consiste à affronter la réalité, en tentant de lui imposer le visage de nos désirs, de la réduire à nos expectations en somme, en la substituant par ce qui nous convient ou nous plaît. En pareil cas de figure, le choc du réel n’en est pas moins violent ; il chamboule toutes vos espérances, vous laissant bec cloué et sur le cul, comme le dit si bien l’adage. La troisième attitude consiste cependant à prendre connaissance de ce qui fait la nouveauté du réel, sa gravité et sa spécificité, afin de se demander comment être à sa hauteur si le besoin s’en ressent, ou comment en reconnaître la dimension inatteignable par nos menus moyens, et ce malgré le meilleur de nos enthousiasmes. Une ultime attitude pourrait consister à se croiser les bras et à ne rien faire, en sombrant ainsi dans le fatalisme du paresseux, qui attend que la réalité veuille enfin être complaisante envers lui. Peine perdue.

Que se passe-t-il donc avec le député français du Parti Socialiste, François Loncle, fidèle parmi les derniers fidèles de Laurent Gbagbo en France ? La vidéo publiée sur You Tube en date du 11 décembre 2012 nous donne à voir le plus désolant des spectacles intellectuels, politiques et humains, de la part d’un homme dont l’expérience aurait pu donner à espérer une plus grande rigueur de pensée, une modestie dans le dire et le faire, et une prudence dans l’embourbement de préjugés où la suffisance enferme nos africanistes parisiens quand ils se piquent de donner des leçons aux Africains sans en avoir l’air. Nous démontrerons donc que M. Loncle, sous ses atours de diseur de grandes vérités, est un suprême adepte de la néantisation, frisant ainsi négationnisme et révisionnisme historiques à fleur de peau. Nous décryptons dans les lignes qui suivent, les thèses fantaisistes défendues par le Député François Loncle sur une Côte d’Ivoire qu’il ignore d’autant plus qu’il se plaît, en « mitterandiste pur sucre » – dixit lui-même – à semer la confusion dans les esprits mal avisés. Nous expliquons chemin faisant les propos de M. Loncle à partir de la métaphore éclairante du furoncle, cet abcès si lent et difficile à crever qu’il témoigne de l’affaiblissement du système immunitaire du sujet, c’est-à-dire de ses capacités autocritiques.

A la source des furoncles du Député François Loncle

Quand on se donne pour raison d’être le soutien à un homme politique défaillant, la dépression n’est jamais loin et avec elle, les furoncles de l’impuissance. Voici un homme dépité, porteur d’une colère sourde et verbeuse, qui ne se paie pas de mots pour s’épancher dans un style frisant à la limite le debriefing d’un agent double, puisqu’il s’adresse à un inconnu qui ne montre jamais son visage, mais lui pose tout de même des questions, face à une caméra au rayon manifestement exigu comme l’espèce de Bunker d’où il nous parle . L’angle d’attaque choisi par M. Loncle est connu. Le fait qu’il emprunte le ton de la confidence ou semble donner dans une conversation au coin du feu ne devrait pas distraire l’analyste perspicace. Le refrain a fait le tour du monde. Il renvoie à un disque servi à répétition par la propagande des Refondateurs depuis la période de la campagne électorale 2010. Que serinent nos manants ? Qu’a priori, l’élection présidentielle 2010 n’en était pas une parce qu’il y avait de forts indices de bourrage potentiel des urnes dans le Nord sous contrôle militaire de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles, et parce que le désarmement du Nord n’était pas du tout effectif. A partir de cet apriori, M. Loncle décline alors les autres arguments de son propos. Le scandale remonterait selon l’ami de Laurent Gbagbo aux Accords de Linas-Marcoussis qui seraient venus entériner la forfaiture de 2002 d’une rébellion entièrement téléguidée par la France chiraquienne contre l’empêcheur de tourner rond qu’était le prétendu grand révolutionnaire panafricaniste Laurent Gbagbo. Le but final de la grande manœuvre néocoloniale, nous dit le député socialiste français, était dès lors de virer Gbagbo par tous les moyens et d’adouber ses adversaires, en fermant les yeux sur la boucherie humaine qui s’ensuivrait.

En addition de cette opération kamikaze dite de la Françafrique, les députés de la droite française dirigés par l’ancien premier ministre Edouard Balladur auraient refusé de laisser ouvrir une commission d’enquête parlementaire sur les événements ivoiriens, comme pour couvrir les forfaits dont ils savaient parfaitement la Chiraquie coupable au pays d’Houphouët-Boigny. Le député François Loncle, dans un accès d’aigreur qui rappelle la colère des perdants à la bourse, concentre violemment un tir de barrage sur le Président Alassane Ouattara et son épouse, auxquels il attribue une entregent extraordinaire, puisqu’il leur attribue le lâchage massif de Laurent Gbagbo par la gauche socialiste française, du fait d’un lobbying impressionnant qui n’aurait pas hésité à mobiliser au besoin ces espèces sonnantes et trébuchantes dont la grande politique est faite en sous-main. Mais M. Loncle ne manque pas – au hasard de sa propre confidence – d’avouer qu’Alassane Ouattara a effectivement une carrure présidentielle supérieure à celle de son champion Refondateur. Il apparaît ainsi, au terme du procès de la défaite de Gbagbo aux élections présidentielles 2010 que celle-ci était prévisible, mais qu’il fallait quand même que Gbagbo l’organise ; que Gbagbo a été trompé par la machine électorale huilée par Guillaume Soro, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, tous hommes de main de la France ; que le véritable gagnant de la présidentielle 2010, c’est Laurent Gbagbo, même s’il savait déjà qu’il allait la perdre. Et le nec plus ultra de la tirade de vingt minutes de M. Loncle, n’est-ce pas la photo-finish du film qu’il récuse ? Comment, s’écrie-t-il, pourrait-on comprendre que des deux belligérants principaux de la confrontation militaire de 2010-2011, Laurent Gbagbo soit le seul à être déporté à la CPI et non Guillaume Soro, que le Député Loncle charge de tous les péchés d’Israël, parce qu’il aurait été le premier ministre successif de Gbagbo et de Ouattara ? Guillaume Soro apparaît au final comme le bouc émissaire idéal dont François Loncle a besoin pour apaiser les peines que la tragédie de son ami Laurent Gbagbo inflige à sa conscience de conseiller ambigu. Pouvons-nous cependant nous attarder longtemps dans cette approche de la crise ivoirienne esquissée par quelqu’un qui s’avoue « mitterrandiste pur sucre », comme si l’amitié historique de Mitterrand et de Houphouët-Boigny lui avait soudainement disparu de la mémoire ?

L’aventure ambiguë du Député Loncle décryptée : un colonialisme inhibé

D’où vient-il que M. Loncle se base sur les seuls documents transmis par le camp Gbagbo pour invalider le scrutin présidentiel 2010 en Côte d’Ivoire ? Comment faire preuve de cécité à ce point ? Le Député Loncle est manifestement masochiste. Car rien ne sert de se cogner la tête contre des faits. Déclarée par la CEI et le Conseil Constitutionnel ivoiriens, certifiée par l’ONU, la CEDEAO, l’UA, la victoire du Président Alassane Ouattara à l’élection présidentielle ivoirienne 2010 fut l’une des plus surveillées de l’histoire des institutions nationales africaines, avec pratiquement cinq verrous de vérification et de recoupement des données électorales avant, pendant et après les votes. M. Loncle a beau faire semblant de l’ignorer, un fait politique massif saute également aux yeux de tout observateur de l’élection ivoirienne en question : une alliance politique solide, dite du RHDP, rassemblait depuis 2005, deux des trois principales forces politiques du pays. Le RDR – dont la victoire au municipales 2001 avait déjà révélé l’implantation nationale solide – et le PDCI, ancien parti unique fort de quarante années d’exercice du pouvoir, représentaient objectivement près de 60% de l’électorat du pays et firent fonctionner à merveille leur schéma d’alliance entre les deux tours, au grand dam d’un Laurent Gbagbo enfermé dans la rhétorique chauviniste en partie héritée de ses conseillers français, dont certains issus du Front National, tel M. Houdin. En arithmétique électorale tout comme en géostratégie, les agences de sondage françaises qui ont perdu Laurent Gbagbo auront fait vérifier une fois de plus, à merveille, l’adage qui dit bien que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Nier en fait que Ouattara ait été élu, c’est remettre sur le tapis un mépris inacceptable pour les millions d’Ivoiriennes et d’Ivoiriens qui lui ont réellement accordé la majorité face au président sortant Laurent Gbagbo. Jamais M. Loncle ne daigne avoir un mot pour ce peuple qui à 80% a cru en cette élection et a effectivement voté pour sortir de la guerre civile par la paix des urnes. Et dès lors, on voit que M. Loncle ne croit pas les Africains mûrs pour la démocratie ! N’est-ce pas du colonialisme inhibé ? Aux auditeurs d’écouter notre orateur pour s’en convaincre.

Le Député Loncle est soit sous-informé, soi amateur d’une mauvaise foi aussi épaisse qu’une brique de bunker. A tout prendre, il devrait relire ses fiches théoriques sur la Côte d’Ivoire et notamment remplir tous les blancs qui en occultent des choses essentielles sur le processus de belligérance dans ce pays. La crise ivoirienne, cher socialiste de France, ne date pas de la rébellion du MPCI en 2002, mais de l’engouffrement de certaines franges de la classe politique ivoirienne du PDCI d’abord, puis de l’UDPCI du Général Robert Guéi et du FPI de Laurent Gbagbo dans des pratiques d’exclusion socioéconomique, culturelle et politique inspirée par l’idéologie de l’ivoirité, au cœur des années 90. En affirmant une citoyenneté ivoirienne à plusieurs vitesses pour contrer la volonté d’Alassane Ouattara de réaliser la rupture du principe successoral dans la politique ivoirienne, les partisans de l’ivoirité ont progressivement, par vagues successives et avec des responsabilités diverses, conduit la Côte d’Ivoire dans une dérive xénophobe, chauviniste et criminelle dont le charnier de Yopougon en octobre 2000 révéla toute la hideur morale. La boîte de Pandore dès lors fut ouverte : les Ivoiriens du MPCI, puis du RDR, ne réagir à la violence offensive d’un Etat devenu voyou qu’en situation absolument incontestable de légitime défense. Or jamais, le Député Loncle n’interroge le prétendu socialisme, voire le panafricanisme allégué d’un Gbagbo qui a organisé dans son pays l’ostracisme anti-étrangers le plus criminel que la Côte d’Ivoire ait jamais connu, venant même à faire mettre à prix la tête de chaque Français vivant en Côte d’Ivoire. Jamais M. Loncle ne s’interroge sur les conditions sinistres et cyniques de l’élection présidentielle d’octobre 2000 qui a conduit Laurent Gbagbo au pouvoir avec le soutien des socialistes français et au mépris évident du droit du RDR et du PDCI, principales formations politiques du pays avec le PDCI, de participer à ce scrutin où selon sa propre expression, le Général Guéi se fit « rouler dans la farine » par le Boulanger Gbagbo. Jamais M. Loncle ne se demande où le désarmement unilatéral des Forces Nouvelles de Guillaume Soro fut acté dans les pages de l’Accord de Paix de Ouagadougou.

Enfin, M. Loncle héberge naturellement les contradictions les plus incongrues dans son discours. Alors qu’il n’y a pas de politique sans communication, encore moins sans lobbying, le député socialiste accuse paradoxalement Alassane et Dominique Ouattara d’avoir admirablement exercé les règles de l’art pour défendre l’émergence de la nouvelle et réelle majorité politique ivoirienne. Pérorant sur l’entregent financière de Madame Ouattara, M. Loncle laisse à croire qu’elle aurait soudoyé les Fabius, Strauss Kahn et autres ténors socialistes, divisant ainsi le Parti Socialiste Français par ce conflit d’intérêts. Quelle légèreté ! Ces hommes politiques français sont-ils si faciles à acheter et comment comprendre que le saint monsieur Loncle continue malgré tout d’appartenir au même parti qu’eux ? M. Loncle peut-il seulement imaginer qu’Alassane et Dominique Ouattara ont tout simplement fait du lobbying pour une cause éminemment juste et que c’est ainsi seulement qu’on peut être perçu par un peuple comme son véritable défenseur et élu ? De quelle condescendance notre député socialiste fait-il preuve quand jamais il ne lui arrive d’imaginer que derrière Ouattara, derrière Guillaume Soro, il y a la majorité du peuple de Côte d’Ivoire ? Pourtant ce n’est pas la fascination du député Loncle pour le président ivoirien qui manque dans sa prose. Ainsi notre bonhomme lâche-t-il au passage : « Alassane Ouattara, c’était un personnage crédible et çà le reste. » Comment dès lors comprendre qu’il s’étonne que Gbagbo perde une élection face à un homme aussi compétent et crédible ?

Un mot pour finir sur la charge de François Loncle contre Guillaume Soro, Premier Ministre de Côte d’Ivoire au moment de la parution de la vidéo conférence que nous incriminons en ces lignes. Loin d’être l’agresseur de la Côte d’Ivoire, Guillaume Soro entra avec fracas dans l’histoire de son pays comme le défenseur courageux des agressés de Côte d’Ivoire. On ne confond pas De Gaulle et Hitler. On ne confond pas Churchill et Mussolini. On ne doit aucunement confondre Soro et Gbagbo. Tous ces hommes politiques durent pourtant porter des armes et affronter les affres d’une guerre civile ou internationale qui était avant tout un conflit de principes. Loin d’être comparable à Gbagbo, socialiste à la dérive sur les continents de la haine qui développa et systématisa les antiennes de l’ivoirité, Guillaume Soro représente le courage d’une jeunesse politique issue du syndicalisme universitaire qui assuma l’universalisme humaniste contre les sirènes chauvines de l’ethnonationalisme assassin. Agissant en légitime défense pour et avec ceux qui comme lui étaient condamnés à un exil sans fin, à une déchéance indéfinie de leur nationalité, Guillaume Soro, monté en puissance dans la houle des exclus réhabilités de la nation que le Président Alassane Ouattara a conduits au pinacle de l’Etat de Côte d’Ivoire, incarne certainement la plus ferme promesse d’une heureuse continuité féconde en liberté et prospérité pour son pays. Et cela, les furoncles de M. Loncle sur la Côte d’Ivoire n’y feront que dalle.

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