« La RDC au bord de l’implosion »


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Cette citation, extraite d’un article du site d’information Afrikarabia.com, résume parfaitement la situation dans laquelle se trouve désormais le Congo-Kinshasa. Si la Constitution avait été respectée, ce 19 septembre 2016 aurait dû être celui de la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle. Mais c’était sans compter sur la volonté de Joseph Kabila de se maintenir en fonction au-delà du délai constitutionnel. Résultat : une journée marquée par de nombreuses manifestations, une violente répression et un bilan très lourd. De très nombreux morts et blessés endeuillent ce jour de mobilisation programmée.

Au soir d’un 19 septembre brutal et sanglant il est nécessaire de résumer en quelques informations clefs les événements d’une journée dont chacun savait qu’elle serait décisive dans l’évolution du processus démocratique en RDC. Les manifestations annoncées, non violentes, se sont heurtées à une répression sévère et disproportionnée. L’impression ressentie dans le monde entier est celle d’un pouvoir aux abois, confiant son salut aux fusils de ses soldats. Sauf que c’est, de sa part, faire preuve à la fois d’amnésie et d’inconscience. Retour sur une journée où beaucoup de choses ont basculé.

Quelles leçons tirer de ce 19 septembre 2016 en RDC ? Parmi d’autres possibles, en voici cinq.

1) Une mobilisation plus forte que prévue

Partout en RDC, à Kinshasa, à Lubumbashi, à Goma, à Bukavu, etc., de très nombreux manifestants ont crié leur colère. « Non au glissement, non au dialogue, non au 3ème mandat », pouvait-on entendre d’Est en Ouest du pays. Partout aussi, le même slogan : « Kabila dégage ! Kabila doit partir ! »
« Je m’attendais à une réaction forte de la part de la population. Mais honnêtement, pas d’une telle ampleur dès aujourd’hui », nous a avoué un diplomate chevronné en poste à Kinshasa.

2) La répression va crescendo

Très tôt, les forces de l’ordre ont sonné la charge pour « disperser » les manifestants. Aux jets de pierres, la police a rapidement riposté par des jets de gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. « La répression a été particulièrement violente et sanglante », dénonce le responsable d’une ONG locale. Le bilan, extrêmement lourd pour cette seule journée de lundi, en témoigne. D’après le ministre de l’Intérieur congolais, Evariste Boshab, il y a eu 17 morts et 14 blessés. Mais selon les ONG, le bilan est tout autre. Georges Kapiamba, le président de l’ACAJ, dénombrait lui 25 morts, 57 blessés et 30 personnes arrêtées.

3) La violence n’a plus de limite : elle n’épargne personne

Signe que le climat politique et sécuritaire se tend nettement, la répression frappe désormais de façon indistincte. Nul n’est épargné : ni les responsables politiques de tout premier plan (Martin Fayulu a été blessé à la tête, Moïse Moni Della Idi est à cette heure toujours injoignable), ni les journalistes (Sonia Rolley de RFI et un photographe de l’AFP ont été interpellés et molestés avant d’être relâchés cinq heures plus tard), ni même le Représentant spécial du Président Obama pour la région des Grands Lacs (Tom Perriello a été victime d’une agression de la part d’un proche du président Kabila, Déo Indulu ; lire à ce sujet notre article : « RDC, USA : Tom Perriello agressé à l’aéroport de Kinshasa par un élu proche de Kabila »).

4) Un dialogue délégitimé et encalminé

Déjà que ses avancées étaient bien maigres, quelle légitimité auront les conclusions issues d’un dialogue qui n’a d’inclusif que le nom ? Ni l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, ni le G7 d’Olivier Kamitatu, Charles Mwando Nsimba, Gabriel Kyungu, etc., qui soutient Moïse Katumbi, ni la Dynamique de l’Opposition incarnée par Martin Fayulu, Joseph Olenghankoy ou encore Nzanga Mobutu, n’y participent. Les principales organisations de la société civile (Lucha, Filimbi…) ont, elles, d’ores et déjà rejeté ce dialogue, le qualifiant de « distraction ». Quant à l’Eglise catholique, très influente en RDC, elle est plus que réservée sur la démarche et pourrait bien leur emboîter le pas. En réalité, ce dialogue, mal parti dès l’origine, est encore plus décrédibilisé suite à cette journée de manifestation. Dans l’esprit de nombreux Congolais comme des partenaires internationaux de la RDC, il n’a qu’une seule fin : celle de permettre à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au delà du terme constitutionnel. Et ceux qui ont pris part à ce dialogue sont accusés de servir de « caution » au « glissement » recherché par Joseph Kabila. C’est notamment le cas de Vital Kamerhe, le leader de l’UNC, à qui beaucoup prêtent l’ambition de devenir Premier ministre, en contrepartie de son « ralliement » au camp présidentiel.

5) Une pression diplomatique qui risque de s’intensifier

Pas sûr que l’incident dont a été victime ce 18 septembre Tom Perriello ne contribue à adoucir la position de Washington vis-à-vis des dirigeants congolais. Les autorités américaines se sont d’ailleurs fendues d’un communiqué très ferme pour dénoncer les faits subis par le Représentant spécial du Président Obama pour la région des Grands Lacs. L’Europe aussi n’est pas en reste. La France, en particulier, vient à son tour de durcir le ton, appelant « les autorités congolaises à accélérer la préparation transparente de l’élection présidentielle. »

Alors que le Rassemblement de l’opposition a appelé à reconduire ce mardi 20 septembre les manifestations, le pouvoir en place à Kinshasa perd chaque jour en légitimité et se raidit un peu plus. « Le pouvoir est prêt à tuer pour se maintenir. Mais nous, le peuple, sommes prêts à mourir pour défendre notre démocratie. Quelques centaines de personnes ne peuvent prendre en otage le destin de 80 millions de Congolais », nous confiait aujourd’hui un jeune manifestant de Bukavu.

Oui, « la RDC n’a jamais été aussi près de l’implosion. »

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