L’Afrique et les musiques noires à l’honneur au festival « Jazz sous les Pommiers »


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L’Afrique, les Caraïbes et les artistes afro-américains sont à l’honneur au festival « Jazz sous les Pommiers » à Coutances, en Normandie, qui se déroule du 30 avril au 7 mai 2016. Ray Lema, Blick Bassy, Habib Koité & Eric Bibb, Leyla Mc Calla, mais aussi Taj Mahal, Archie Shepp, Charles Lloyd ou Christian Scott font partie des artistes sélectionnés pour cette 35ème édition d’un événement qui est devenu le 3ème plus important festival de jazz en France, après Antibes et Marciac.

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Le moment fut magique. Le concert d’Eric Bibb et Habib Koité, pour la soirée d’ouverture du festival « Jazz sous les pommiers », à Coutances en Normandie, samedi 30 avril, fait partie de ces moments de musique qu’il nous est parfois donné de vivre, lorsque les artistes sont exceptionnels, et qu’ils nous donnent le sentiment de nous faire pleinement entrer dans la musique qu’ils sont en train de créer, en direct, là, face à nous sur une scène. Mariage des artistes et du public, osmose, bain, si vous l’avez déjà vécu vous voyez ce que je veux dire…

« Brothers in Bamako », leur disque paru en 2012 (Dixiefrog) nous avait enchantée, et nous l’avions écouté en boucle, lorsque nous l’avons découvert, charmée de ce duo de guitares mêlant le blues américain et les musiques du Mali, qui ont des cousinages étranges, mêmes rythmes nonchalants et musiques dégageant une « paix tranquille »…

« Je rêvais depuis longtemps d’aller à Bamako, et quand j’y suis allé, c’était comme rentrer à la maison après 400 ans d’absence… », nous confie Eric Bibb, sur scène, pour expliquer sa démarche. Et Habib Koité – conteur-né, comme nombre d’Ouest-Africains – nous raconte à son tour, avec humour, comment l’album fut enregistré, en quelques jours à peine, dans une chambre de l’hôtel Nord-Sud à Bamako… parce que chez lui à la maison, où il a un studio d’enregistrement, il y avait trop de coupures de courant … le quotidien de l’Afrique parfois !

Et tous deux enchaînent les titres, accompagnés de Mama Kone aux percussions, et Habib Koité faisant parfois sonner sa guitare comme… une kora, tant par le son produit, que par ces mélodies tranquilles qui font tout le charme des musiques tirées de cet instrument au son miraculeux, qui lave et purifie l’âme comme nul autre…

Habib chante en bambara, Eric chante en anglais, sur des titres qu’ils ont composés parfois ensemble, parfois l’un ou l’autre. Et le plus émouvant est lorsque Eric Bibb « s’installe » dans ce rythme mandingue, s’y sentant comme chez lui, et le reproduisant à son tour, sur sa guitare, lui le Noir-Américain qui sent ses racines africaines vibrer en jouant cette musique… Et en retour, lorsqu’Eric entame un blues venu du Sud des Etats-Unis, et que Habib le rejoint, les deux musiques – blues des Noirs d’Amérique et musique mandingue – semblent ne plus faire qu’une, rythme nonchalant et paisible, musique qui pourrait durer indéfiniment semble-t-il à l’oreille, rythme tranquille qui reproduit le pas lent de la marche animale ou humaine, musiques créées par des hommes vivant en lien profond avec la nature et avec la terre, là où l’horizon est vaste, et où le temps s’étire…

Toute la programmation de cette 35ème édition du festival « Jazz sous les Pommiers » met ainsi à l’honneur les musiques d’Afrique et des Caraïbes, avec, outre notre exceptionnel duo de guitaristes – à découvrir sans faute si vous ne les connaissez pas encore, car dans 20 ans ce seront des « GÉANTS » ! – d’autres têtes d’affiche tels le Congolais Ray Lema, le Camerounais Blick Bassy, la Haïtienne Leyla Mc Calla, les Congolais du « Mbongwana Star » ou la fanfare « Bande à pied Follow Jah » venue de Haïti.

La raison en est que ce festival de jazz a pour vocation, depuis sa création, de faire se côtoyer le jazz et les « musiques cousines », or quoi de plus « cousin » au jazz que… les musiques d’Afrique ou des Caraïbes, car toutes trois ont le même ancêtre : l’Afrique ?

Le festival convie aussi cette année des grands noms du jazz mondial, Afro-Américains ou Américaines qui continuent de prédominer dans le jazz mondial, tels que Taj Mahal, Dee Dee Bridgewater, Betty Lavette, Archie Shepp, Christian Scott, ou Charles Lloyd.

Et les artistes de jazz français se coulent à leur tour dans ces univers africains et caribéens, comme la trompettiste Airelle Besson qui offrait samedi, accompagnée de l’Orchestre Régional de Normandie, une œuvre symphonique de sa composition aux couleurs chaloupées d’Afrique ; comme la saxophoniste Céline Bonacina qui à son tour faisait jouer 60 musiciens, professionnels et amateurs venus de la région (dont des percussionnistes âgés d’à peine 7 ans !) sur ses compositions inspirées de Madagascar ou de La Réunion ; ou encore comme le pianiste Fabrice Devienne, qui présentera vendredi 6 mai un spectacle musical, « Dipenda », « opéra métissé » basé sur le texte d’Aimé Césaire « Une saison au Congo », qui fera la part belle aux chœurs africains et aux chansons cubaines…

Et le miracle de ce festival, né dans une petite ville d’à peine 9 500 habitants, est d’avoir fait découvrir le jazz et les musiques « cousines » venues d’Afrique, des Caraïbes, mais aussi du reste du monde, à des hommes, des femmes, et des familles, qui n’en avaient pas fait l’expérience auparavant… et qui reviennent, fidèles, chaque année ! Car « Jazz sous les Pommiers » anime la ville pendant toute une semaine – le lycée local ferme pour cette période car la direction sait que tous les lycéens feront la fête pendant une semaine et seront peu aptes aux cours en matinée ! – et attire des dizaines de milliers de visiteurs venus de toute la région – et même de toute la France, comme pour tous les grands festivals de musique.

Ainsi Annette et Fabienne, copines de Granville, qui ont découvert le jazz et les « musiques du monde » à « Jazz sous les Pommiers », et reviennent désormais chaque année, depuis 3 ans. Ou encore Laurent, venu de Lyon, bénévole sur le festival depuis 5 ans. Ou Marie et Philbert, chez qui nous séjournons pendant ce festival – car les habitants de la ville hébergent les festivaliers avec le programme « Jazz in couette », puisque les hôtels de la ville ne sauraient suffire – avec qui nous parlons de la chanteuse coréenne de jazz Youn Sun Nah, invitée cette année, ou du contrebassiste Henri Texier, également au programme…

Concerts gratuits dans la rue, concerts donnés dans les hôpitaux, les prisons, les maisons de retraite, ou pour les lycéens : faire partager à tous le bonheur des musiques joyeuses, non pas de 7 à 77 ans mais de… 1 à 101 ans, car les familles avec bébés sont nombreuses dans les rues: pari tenu…!

http://www.jazzsouslespommiers.com

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