José Leonardo Chirino, un marron précurseur du socialisme ?


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José Leonardo Chirino
José Leonardo Chirino

En mai 1795 dans l’ouest du Venezuela, un « zambo (métisse fils d’un noir et d’une indienne ) libre » a pris la tête d’une insurrection d’esclaves considérée comme le premier mouvement indépendantiste du pays. À tel point que lors du bicentenaire de ce soulèvement, José Leonardo Chirino a réussi à « entrer » de façon symbolique dans le Panthéon National à Caracas, aux côtés de Simón Bolívar et des autres Pères de la Patrie.

Aujourd’hui Chirino est l’objet d’un débat politique très actuel au sujet de la construction de ce qu’on appelle le « socialisme bolivarien » impulsé par le président Hugo Chávez, au point que certains le considèrent comme l’un des premiers « socialistes » vénézuéliens.

José Leonardo Chirino était le fils d’un esclave et d’une indienne, raison pour laquelle il jouissait de sa liberté. Il travaillait au service de la famille Tellería de Coro, une ville de la côte ouest du Vénézuela. À cette époque, il voyagea dans le Saint Domingue français, futur Haïti et dans l’île voisine de Curaçao.

Là-bas, il s’informa de la révolution française et des luttes de la population esclave qui allait plus tard obtenir établissement d’une « république noire », en faisant de Haïti le premier pays indépendant de l’Amérique Latine en 1804.

Jugé et démembré

Ce contexte semble avoir influencé la sphère personnelle de Chirino dont l’épouse et les enfants eux étaient esclaves, propriété de propriétaires d’haciendas de la région.

En mai 1795, il lança l’insurrection qui obtint un succès initial en occupant plusieurs haciendas des montages du sud de Coro, mais qui ne put finalement pas s’emparer de la ville.

La supériorité militaire des miliciens de la colonie fut fatale pour les insurgés dont une centaine allaient mourir. Chirino fut emmené à Caracas pour y être jugé. Il fut accusé de trahison au Roi et condamné à mort. Son corps démembré fut exhibé à divers endroits du pays

« Le premier élément de base pour l’insurrection se trouve dans le désir de liberté. Ils voulaient éliminer l’esclavage », a indiqué à BBC Mundo la professeure Fulvia Polanco, présidente de l’Association Culturelle José Leonardo Chirino et membre de la Red Afrovenezolana (Réseau Afrovénézuélien).

Le « premier » socialiste

Pour Polanco, il y a là des éléments qui expriment le fait que le mouvement était revendicatif dans le cadre social et économique et non une rébellion contre l’autorité du Roi.

« José Leonardo incarne les valeurs de liberté, d’équité, de solidarité, car il ne s’est pas battu pour des intentions personnelles ni personnalistes, il l’a fait pour un collectif », explique la professeure Polanco, qui a expliqué à BBC Mundo la stratégie qui consiste à porter ce message aux enfants à travers du système éducatif.

Selon Polanco, ses valeurs démontrent qu’au « Venezuela, il y a une racine de ce qu’est le socialisme ».

D’autres ne pensent pas que ce lien puisse être établi, comme Guillermo de León Calles, chroniqueur, historien et auteur d’une œuvre théâtrale inspirée des événements menés par Chirino.

« Il n’avait pas le temps. Le socialisme utopique autant que le socialisme scientifique appartiennent au 19ème siècle et lui il appartient au 18ème siècle. Je pense qu’il ne pouvait pas être informé sur l’utopie (socialiste), celle de (Henri) de Saint-Simon, ou (Charles) Fourier ou Robert Owen »(2).

Revendication

L’insurrection de Chirino n’est pas seulement une histoire de patrie. Elle sert également aux groupes défendant les droits des afrovénézuéliens dans leur travail de sauvegarde de l’héritage nègre dans la société vénézuélienne.

Une partie de ce travail est en train d’être réalisé dans les écoles, comme l’a indiqué à BBC Mundo Reina Álvarez, du Réseau Afrovénézuéliens et membre de la commission présidentielle qui cherche à éliminer la discrimination raciale dans le système éducatif.

« L’idée est que nos garçons et nos filles n’aient pas honte de la terre qui les a vu naître, qu’ils n’aient pas honte de leur chevelure, qu’ils n’aient pas honte de leur culture « , affirme Álvarez.

Certains sociologues et anthropologues affirment que, du fait de son fort métissage, la société vénézuélienne n’a pas connu de manifestations de discrimination que l’on peut voir dans d’autres pays du continent.

Le concept même de « l’afrovénézuélien » peut s’avérer être un fait nouveau pour de nombreux vénézuéliens, pas très habitués au langage politiquement correct.

« Au jour d’aujourd’hui, on semble continuer de se délester de ses motifs pour lesquels José Leonardo s’est soulevé et que nous voyons de la même façon, mais qui dans leur essence avaient le même fond », répond Reina Álvarez.

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