Haïti : le nouveau Marriott ou la relance par le tourisme


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Haïti, la perle des Antilles, chef de file à la fois du mouvement de libération des esclaves et des colonies… Anticipatrice, fière, courageuse, mais éprouvée durement par l’histoire et les catastrophes naturelles… Haïti n’a pas toujours été cette République meurtrie et elle a tout pour devenir une destination touristique phare. La perspective d’une relance du tourisme haïtien devient de plus en plus réaliste. Enquête.

L’Hôtel Marriott de Port-au-Prince a ouvert officiellement ses portes le 1er mars 2015. Au delà de la dimension économique et commerciale, de ce bel immeuble qui se tient majestueusement sur la route de Turgeau, ce nouvel hôtel quatre étoiles (ou quatre hibiscus, selon la nouvelle nomenclature du ministère du Tourisme et des Industries Créatives), est le symbole du retour d’Haïti parmi les destinations phares de la Caraïbe.

Un passé glorieux

Dans les années 50, Haïti fut une destination touristique privilégiée pour aussi bien les Européens que les Nord-Américains. Ces années virent la construction de nombreux hôtels notamment à Port-au-Prince et à Pétion-Ville comme l’hôtel « El Rancho » qui est la propriété d’une des familles les plus riches d’Haïti, la famille Silvera… Mais aussi l’hôtel Kinam, progressivement agrandi depuis sa création en 1900, le Montana, Castel Haïti, Habitation Leclerc, un hôtel de luxe dirigé par un Français, haut lieu des grandes fêtes fastes de la belle époque, endroit mythique où vécut la grande danseuse et anthropologue américaine Katherine Dunham, etc…

Le développement de son artisanat et la création de nombreux centres ou de galeries d’art comme la Galerie Marasa, la Galerie Georges Nader, détenteur de la plus grande collection de peinture haïtienne de grands maîtres comme Bernard Sejourné, Claude Dambréville, André Normil, témoignaient alors de la vitalité de ce secteur, attirant de prestigieux admirateurs comme André Malraux, romancier, politicien, ancien ministre français de la Culture du Général de Gaulle. Son charme naturel et ses plages aux sables fins et blancs attiraient les bateaux de croisières les plus renommés…

Son histoire coloniale émerveillait, avec ses forts, le palais « Sans Soucis », la citadelle Laferriere, dans le nord construit par le roi Henri Christophe, classée au Patrimoine mondial par l’UNESCO, ses prix étaient très abordables, sa gastronomie épicée, ses danses folkloriques, ses costumes traditionnels si riches en couleurs… Les rythmes du tambour emmenaient la troupe de danse « Ballet Bacoulou » d’Odette Wiener sur les plus grandes scènes du monde. Les rituels vaudou et leurs lieux sacrés comme Souvenance, Soukri, suscitaient curiosité et intérêt. Il ne faut pas oublier qu’Haïti a été précurseur dans la libération des colonies et dans l’abolition de l’esclavage, donnant le jour à la première République noire de l’ère moderne.

L’effondrement du tourisme

Dans les années 60 et 70, les flux d’arrivées diminuent mais ceux qui avaient découvert Haïti continuaient à vanter ses charmes et revenaient aussi souvent que possible. La longue période d’instabilité qui suivit le régime Duvalier lui assena le dernier coup de massue. A cette instabilité, il faut ajouter l’inertie et l’absence de prise de conscience des enjeux touristiques des gouvernements qui se sont succédés.

D’après les statistiques réalisées avant le séisme du 12 Janvier 2010, Haïti comptait environ 2 000 chambres d’hôtel au tarif moyen de $100 (US) par nuit. Les demandes venaient surtout de travailleurs humanitaires internationaux qui s’aventuraient en dehors de la capitale, les fins de semaine et fréquentaient les hôtels de plage sur la côte des Arcadins, dans le nord du pays. Le tremblement de terre du mois de janvier 2010 détruisit plusieurs hôtels, dont le célèbre hôtel Montana, et seules 773 chambres furent recensées, après le séisme, sur tout le territoire.

La renaissance est en cours

Le gouvernement Martelly manifeste un réel désir de relancer sérieusement le secteur du tourisme. Les pistes sont nombreuses, et notamment le développement d’un nouveau style de tourisme, plus aventurier, qui ne recherche pas tant le luxe, que l’authenticité, face à un pays magique. Le ministère du tourisme a déjà mis au point un programme ambitieux, avec quatre axes : le Nord (Cap Haïtien), l’Ouest (Port-au-Prince), le Sud-Est (Jacmel), et le Sud-Ouest (Cayes). Le plan appelle au développement et à la restauration de destinations connues pour leur histoire et leur culture. La réhabilitationes de lieux de mémoire importants de la riche histoire d’Haïti, comme Habitation Breda (lieu de naissance et de résidence de Toussaint Louverture) et Bois Caïman, est prévue.

De nombreux investisseurs et groupes hôteliers de renommée mondiale prennent déjà directement part à ce renouveau du tourisme en Haïti, comme Choice Hotels International, propriétaire de Comfort Inn. Ce groupe programme la construction d’un hôtel de 240 chambres pourvu d’un centre de conférences. Récemment ouverts : le Best Western Premium Haïti qui répond aux standards internationaux, avec une décoration digne d’un musée d’art haïtien ; Royal Oasis Occidental, avec un roof top à couper le souffle, et la toute dernière perle hôtelière d’Haïti, le Marriott Hôtel, sur la route de Turgeau, dominant la ville et la baie.

Au total, la ministre du tourisme Stéphanie Balmir Villedrouin peut se réjouir de compter aujourd’hui 9280 chambres disponibles sur Haïti, « auxquelles s’ajouteront 885 chambres supplémentaires d’ici 2016, pour atteindre la barre des 10000 ». De quoi répondre à la hausse de 10,8% du nombre d’arrivées de touristes constaté entre 2013 et 2014…

Beaucoup reste a faire pour dynamiser ce secteur qui porte de grandes espérances économiques pour le pays, mais un nouvel élan se dessine déjà clairement.

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