« Goodbye Morocco » : Lubna Azabal en état de grâce


Lecture 3 min.
(Extrait du film

Le rôle de la Tangeroise aux allures de bourgeoise autoritaire lui va comme un gant. Dans « Goodbye Morocco », de Nadir Moknèche, Lubna Azabal impressionne par son charisme et la précision de son jeu. Une actrice rare, sous-estimée dans l’hexagone.

Il y a longtemps que Nadir Moknèche rêvait de tourner un polar. C’est désormais chose faite. Boycotté en Algérie, c’est au Maroc, à Tanger, qu’il a franchi le cap. Dounia (Lubna Azabal) est une « scandaleuse », comme dirait sa mère, pour avoir quitté son mari pour un non musulman. La femme fatale est noyée au cœur d’un trafic d’œuvres d’art mêlant corruption, meurtres et adultères. Entrepreneur immobilier, elle mène à la baguette les ouvriers, tous clandestins, de son chantier. Ce n’est pas pour rien que le décor a été planté à Tanger, plaque tournante de l’exil et de l’immigration clandestine. Moknèche dénonce au passage les filières mafieuses.

Dounia vit en concubinage avec Dimitri (Rasha Bukvic), un serbo-croate qui gère avec elle le chantier. Le seul qui véritablement garde les pieds sur terre. Dans le privé, elle dirige son couple avec taciturne. Puis, il y a Ali (Faouzi Bensaïdi ), son chauffeur avec qui elle a grandi. Une relation à la fois fusionnelle et chaotique.

Dounia, c’est aussi et surtout une mère meurtrie qui cherche à tout prix à récupérer son fils, placé sous la garde de son ex-mari. Certaine de ne pouvoir le récupérer par la voie légale, elle planifie purement et simplement l’enlèvement de celui-ci. Elle n’aura pas le choix. Une fois son plan accomplie, elle devra s’exiler avec son fils et son amant. Mais pour cela, il lui faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Et pour mener à bout son combat, elle est prête à braver tous les interdits allant même jusqu’à s’engouffrer dans un trafic d’objets d’arts trouvés dans son chantier. Des catacombes chrétiennes datant de plusieurs siècles. Cela lui permet de préparer son avenir et celui de son fils en Europe. Une manne financière dont Gabriel, un ouvrier nigérian, pas si ange que ça, compte bien profiter pour assurer son passage de l’autre côté du détroit. Mais dans cette quête du bonheur, tous courent à leur perte.

Dans « Goodbye Morocco », Nadir Moknèche se détache de ses inspirations à la Pedro Almodovar et survole la réalité. Une admiration qu’il a toutefois voulu rendre visible à travers la mise en évidence de l’affiche « Parle avec elle » plaquée à l’entrée du cinéma de Fersen, expatrié français et amant de Gabriel. Pour son second voyage aux côtés de Moknèche, la délicieuse Azabal se met à nu… dans tous les sens du terme. Sans complexe, le réalisateur franco-algérien filme la liberté du corps.

Le point faible, c’est le côté un peu trop scolaire de ce nouveau long-métrage. Des scènes attendues, des drames convenus et des plans interminables. Un final qui aurait peut-être mérité quelque chose d’un peu plus travaillé, une envolée complètement dingue pour une héroïne tout feu tout flamme. Mais pour un premier polar, Moknèche s’en sort tout de même plutôt bien notamment grâce à l’appui de Lubna Azabal. L’actrice belgo-marocaine crève les écrans. Et c’est tout naturellement qu’elle a reçu le Magritte de la meilleure actrice aux Magritte du cinéma après avoir transcendé « Incendies » de Denis Villeneuve.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News