Du miracle rwandais au paradoxe congolais


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Le Rwanda et la RDC, deux pays voisins, ont des performances différentes. Comment expliquer les écarts entre ces deux voisins ? Le Rwanda progresse sur la captation des matières premières dans les pays voisins mais aussi par sa propre production et une bonne utilisation d’une aide importante. S’inspirant du modèle singapourien, le Rwanda a su créer un environnement attractif pour les entreprises dans un modèle plutôt dirigiste avec un chef fort.

Publié chez L’Harmattan par l’universitaire K. Katshingu, « Du miracle rwandais au paradoxe congolais » est une mine intarissable d’informations sur la situation socioéconomique de la République Démocratique du Congo et du Rwanda. Il y dévoile le paradoxe entre le miracle rwandais et la tragédie du grand Congo et projette leur émergence d’ici 2030 pour la RD Congo et 2020 pour le Rwanda.

La RD Congo et le Rwanda, deux pays limitrophes qui ont connu l’impérialisme occidental, plus particulièrement la colonisation belge. Pourquoi la RD Congo, un scandale de richesses géologiques, végète-t-il dans la pauvreté pendant que le Rwanda devient un miracle économique malgré le manque de ressources naturelles ?

On ne peut pas parler de la situation socioéconomique de ces deux pays sans se référer à leur colonisateur et à leur capital humain. Avec environ 12 millions d’habitants, le Rwanda fait face au grand Congo avec 77 millions d’habitants. Malgré sa faible démographie, le Rwanda est classé parmi les pays les plus prospères d’Afrique par rapport au malade économique qu’est la RD Congo. Ce sont deux pays à faible revenu avec 975 dollars par habitant, selon la classification de la Banque Mondiale.

La prospérité du Rwanda est due à sa convoitise militaire des richesses du voisin, « il s’agit foncièrement d’une guerre interétatique, une guerre d’agression dont le supposé motif premier avancé par l’agresseur (le Rwanda veut sécuriser ses frontières) aurait été transformé en guerre de prédation » (p.27). Cette rente générée par cette guerre et l’exploitation de son café, font du Rwanda un pays dont le taux de croissance de la productivité est supérieur à celui du voisin. Sur les 187 pays présentant le plus bas indice de développement humain, le Rwanda occupe la 151è position et la RD Congo la 186è.

La gouvernance des institutions sociopolitiques de chaque pays a une part de responsabilité dans leur position économique. Pour l’auteur, « [le Rwanda] de 1974 à 1995, s’est servi de la rente caféière et d’une part importante de l’aide internationale » (p.37) pour générer de la croissance. Ce qui n’a pas été le cas de la RD Congo : pas de mécanismes de contrôle des frontières et inexistence des sanctions contre les crimes économiques favorisant la fuite de capitaux qui privent l’Etat d’une part substantielle de ses ressources.

Cela dit, au Rwanda, « l’autoritarisme affiché par [leurs] gouvernants relève d’un patrimonialisme de développement qui promeut activement le développement du secteur privé tout en éloignant les formes les plus nuisibles de recherche de rentes en les orientant vers le financement des projets susceptibles de soutenir une croissance à long terme » (pp. 39-40). Ayant bénéficié d’un allègement substantiel de leurs dettes dans le cadre de l’Initiative Pays pauvres très endettés et de l’Initiative d’Annulation de la dette multilatérale, classés parmi les 20 économies avec des taux de croissance du PIB les plus rapides au monde en moyenne annuelle entre 2008 et 2013, ces deux pays ont connu une croissance exponentielle de leur PIB.

De 2008 à 2013, le Rwanda était à 8,4% et la RD Congo à 6,41%. La guerre de 1994 a marqué le Rwanda qui a réussi à maintenir son taux d’inflation en bas de la barre de 6% (il était à 7,9% en 1997 et à 5,7% en 2000). K. Katshingu en déduit que, de tous les pays africains, aucun n’a réussi ce miracle après une période de conflit, excepté le Rwanda ; deux raisons expliqueraient cette exception : le Rwanda a bénéficié de beaucoup d’aides qu’il a bien gérées, en plus des transferts financiers du pillage des richesses du voisin.

De 2008 à 2013, le revenu national annuel brut du Rwanda était de 1 280 dollars internationaux en parité du pouvoir d’achat, soit deux fois plus grand que celui de la RD Congo (661,6 dollars PPA). La pauvreté des Congolais serait liée à leur gouvernance aléatoire et au non-contrôle de leurs ressources naturelles que le Rwanda pille pour son économie. L’économie rwandaise a connu deux chocs : la crise internationale des cours du café en 1986 et la guerre civile de 1990-1994 ; la congolaise a été fragilisée par la « zaïrianisation-radicalisation » des années 1974-1975. Considérant leur situation économique, l’auteur projette l’émergence de la RD Congo pour 2030 et celle du Rwanda pour 2020.

L’émergence en RD Congo se fonderait essentiellement sur l’agro-industrie avec ses grandes étendues arables et la mise en valeur de ses richesses naturelles. Malheureusement, l’agriculture déclarée priorité des priorités ne rapporte que 0,20% de recette à l’Etat qui n’allouerait que 2,7% des dépenses totales à cette activité. Cette émergence serait concrétisée si on luttait contre certaines anti-valeurs (corruption, détournements des fonds publics…). Une bonne gouvernance éviterait le risque d’instabilité socioéconomique permanent.

Ces mêmes remarques conviendraient aussi au Rwanda dont l’émergence serait fondée sur les TIC, domaine dans lequel il a une grande avance sur le continent. Selon K. Katshingu, le Rwanda devrait se transformer en un centre dynamique pour les affaires, les investissements et l’innovation. Calquant le modèle de Singapour, le miracle économique rwandais a fonctionné comme un guichet unique, facilitant les démarches pour l’obtention des certificats nécessaires au déploiement rapide des activités productives. Pour cette vision-2020, le Rwanda compte sur son intelligentsia, sur son économie qui tirerait 65% de son PIB des services des TIC et de l’industrie dotée d’une classe moyenne d’entrepreneurs dynamiques.

Au Rwanda, certaines pesanteurs comme la persistance de la dualité Tutsis-Hutus, le non-respect de la démocratie pluraliste et l’enclavement du pays pourraient freiner cette émergence en 2020. L’auteur termine sa réflexion par le rappel historique des enjeux stratégiques et géo-économiques qui ont emmené l’Occident, en particulier la Belgique, à s’intéresser à ces deux pays, rappel adressé implicitement aux élites congolaises et rwandaises pour éviter les erreurs du passé.

Noël Kodia essayiste congolais et critique littéraire
Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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