Démocratie et liberté : un duo anti-pauvreté


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Comment faire pour faire reculer la pauvreté sur le continent africain, alors même que la démocratie commence timidement à s’y enraciner ? Le Président du Ghana lors d’une prise de parole publique ouvre des pistes.

Dans une communication récente, SEM Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, fait un réel plaidoyer pour la bonne gouvernance, la démocratie et la liberté. Il partage son optimisme sur des avancées démocratiques sur le continent mais incite à ne surtout pas s’arrêter là ! En effet, une démocratie sans bonne gouvernance et sans une avancée de la liberté économique, ne permettrait pas de franchir un cap signification de recul de la pauvreté. Son discours clair et lucide devrait inspirer vos lecteurs.

Notre continent africain a peut-être acquis sa libération politique et a mis en place des gouvernements plus ou moins démocratiquement dans de nombreux pays, mais la lutte pour un développement économique est loin d’être gagnée.

Le défi du recul de la pauvreté

Nombreux sont les populations qui souffrent encore de l’extrême pauvreté. La promesse de prospérité qui devait accompagner la liberté ne s’est pas matérialisée pour la majorité des peuples africains. Elle a plutôt laissé place à un découragement généralisé à travers le continent. Ce n’est pas ce que nos ancêtres avaient espéré. Il est donc temps que la génération actuelle se mobilise pour relever le défi de la lutte contre la pauvreté. Il est urgent de stopper la spirale honteuse des jeunes africains qui prennent des risques démesurés en s’aventurant dans la traversée du désert du Sahara et de la mer Méditerranée, en cherchant l’eldorado européen.

La clé de la bonne gouvernance

Grâce au succès de la gouvernance, des centaines de millions d’Asiatiques sont actuellement sortis de la pauvreté alors que la mauvaise gouvernance maintient des centaines de millions d’Africains, vivant sur le continent le plus riche du monde, dans la pauvreté abjecte. Ils finissent par être vendus comme des esclaves en Libye. Votre génération devrait s’inspirer de la déclaration faite en 1949 à l’Assemblée législative de la Côte-de-l’Or (ancien non du Ghana) par Joseph Boakye Danquah, le père du nationalisme ghanéen moderne : «Deux choses vont de pair : la liberté économique et la liberté politique. Nous devons avoir les deux ensemble dans les plus brefs délais ».

Néanmoins, aujourd’hui les Africains ont plus confiance en eux que dans le passé. La liberté et les principes de responsabilité démocratique renforcent la détermination des Africains à construire une nouvelle Afrique, à tracer sa propre voie de manière indépendante vers le progrès et la prospérité. Le Ghana qui connait la plus longue période de gouvernance constitutionnelle stable dans son l’histoire en voit les avantages. Pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest, les 15 pays ont des dirigeants élus démocratiquement.

La démocratie avance

La démocratie est en marche, et le scrutin remplace peu à peu la violence. Cela montre que la démocratie, l’égalité des chances et le respect des droits de l’homme, idéaux qui ont résisté à l’épreuve du temps, commencent désormais à trouver un ancrage solide dans le corps politique régional. La récente décision de la Cour suprême du Liberia au sujet de l’élection présidentielle a permis à ce pays de connaitre sa première transition pacifique depuis 73 ans. Ajoutons à cela l’exemple marquant d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme président du Liberia qui a su stabiliser son pays après une guerre civile amère et prolongée.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fait un énorme effort dans la promotion de la paix au Libéria. En tant que Ministre des affaires étrangères de l’époque, mon ancien patron, le grand homme d’Etat Ghanéen, John Agyekum Kufuor (2ème Président de notre 4ème République) était le Président de la CEDEAO, et à ses côtés, j’étais fortement impliqué dans toutes les délibérations concernant la paix au Libéria.

L’Afrique de l’Ouest ne veut pas que le Liberia sombre à nouveau dans l’instabilité et les conflits. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour garantir l’enracinement de la démocratie dans ce pays et nous n’accepterons aucun autre résultat. Mais, il ne suffit pas de tenir des élections réussies tous les quatre ans ou de pouvoir critiquer le gouvernement et avoir le choix entre 100 stations de radio. La démocratie doit garantir une bonne qualité de vie à notre population. La structure des économies, que nous a léguées le colonialisme, dépendait de la production et de l’exportation des matières premières. Même si le Libéria n’a pas été colonisé, la structure de son économie reste très semblable à celle des autres pays du continent. De tels modèles économiques ne peuvent pas créer d’opportunités de prospérité et de richesse pour notre peuple.

Il est grand temps que nous examinions de plus près ces structures et que nous transformions nos économies pour mieux répondre à nos propres besoins. L’ère de l’industrialisation de l’Afrique a commencé, de sorte que nous puissions également intégrer l’économie mondiale, non pas sur la base de matières premières, mais sur la base de ce que nous manufacturons. Le commerce entre nous en Afrique est anecdotique et notre part du commerce mondial est marginale. Nous devons améliorer les deux substantiellement. Le bon Dieu a béni nos terres et nous devons exploiter nos ressources au profit de nos peuples. C’est le seul moyen de s’assurer que nous sommes capables de construire une Afrique au-delà de l’aide.

Quelles nouvelles voies ?

À cette fin, un nouveau paradigme de leadership est nécessaire. Des dirigeants qui s’engagent à gouverner leurs peuples conformément à l’état de droit, au respect des libertés individuelles, aux droits de l’homme, aux principes de responsabilité démocratique et de justice sociale. Des dirigeants qui cherchent des produits pour positionner leurs pays sur le marché mondial ; des dirigeants qui sont déterminés à libérer leurs peuples d’un état d’esprit de dépendance, d’aide, de charité et de dons ; des dirigeants qui cherchent à mobiliser les ressources incommensurables de l’Afrique pour résoudre les problèmes de l’Afrique ; des dirigeants qui reconnaissent le destin commun de leurs peuples et de leurs économies avec celui de leurs voisins. Cette nouvelle génération de dirigeants africains devrait contribuer à apporter dignité et prospérité à notre continent et à ses peuples endettés.

Les progrès de l’Afrique ne viendront que par la qualité de ses entrepreneurs, ingénieurs, scientifiques, penseurs, chercheurs, industriels, agriculteurs, travailleurs, professionnels, artistes, fonctionnaires et dirigeants politiques. Nous devons à nos prédécesseurs de maintenir le cap sans découragement. Notre objectif collectif doit rester immuable : construire une nouvelle civilisation africaine, où les peuples ne sont ni des pions, ni des victimes de l’ordre mondial et apportent leur propre contribution distinctive et unique à la croissance de la civilisation mondiale.

Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président du Ghana, article initialement publié en anglais par African Executive – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 12 janvier 2018.

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