Décapitation d’Hervé Gourdel : les musulmans de France doivent-ils prendre position ?


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L’assassinat de l’otage français Hervé Gourdel a suscité de nombreuses réactions en Algérie et en France. Alors que certains encouragent les musulmans à prendre position, d’autres estiment qu’ils n’ont pas à culpabiliser d’actes dont ils ne sont pas responsables.

La décapitation mercredi en Algérie de l’otage français Hervé Gourdel par le groupe armé Jund al-Khilafa, désormais branche locale de l’Etat Islamique (EI), a provoqué dans les deux pays une vive émotion. A l’instar de la classe politique française, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné ce meurtre. Les dirigeants de l’organisation ont appelé à un rassemblement ce vendredi à 14 heures 45 devant la mosquée de Paris, pour « un moment de recueillement et de solidarité » entre « les musulmans et leurs amis » en hommage au Français tué. « Je suis dans une colère noire, j’ai la rage contre ces criminels, ces assassins d’une organisation qu’on peut appeler Daech ou Etat islamique, qui n’a rien à voir avec l’islam ni aucune religion », a lancé l’un des responsables du CFCM, selon un article de Libération paru le 25 septembre. C’est ce même quotidien qui avait lancé le 16 septembre un « appel des musulmans de France », signé par une dizaine d’organisations françaises, « à l’unité face au terrorisme et à la barbarie » de Daech.

Une fois n’est pas coutume, la députée UMP Nadine Morano a elle aussi exprimé mercredi soir son souhait de voir « les musulmans (…) entrer en guerre contre les islamistes terroristes qui se servent de leur religon pour justifier leur barbarie ».

La campagne « Not in my name » devient « Pas en mon nom »

La campagne internationale anti-terrorisme « Not in my name » a été reprise en France et transformée en « Pas en mon nom ». C’est ainsi que des internautes musulmans, dont des célébrités, ont tenu à se « désolidariser » des crimes commis par l’Etat Islamique, informe Le Monde. Mais cette démarche est loin de faire l’unanimité. Ce jeudi, le Collectif contre l’islamophobie en France a diffusé un communiqué dénonçant « un mot-clé dont le but serait de se « désolidariser » des crimes commis par le groupe terroriste Daesh et ses alliés. Il serait temps d’arrêter de culpabiliser les musulmans pour des actes dont ils ne sont pas responsables ».

Sur Twitter, sous le hashtag #Pasenmonnom, de nombreux musulmans s’étonnent en effet de devoir se « désolidariser » de quelque chose dont ils ne se sentent pas concernés. Plus encore, de devoir « descendre enfin dans la rue pour dénoncer les barbares », comme le suggère un journaliste du Figaro. Ce quotidien est habitué à publier sur Twitter des sondages jugés maladroits, dont le dernier était : « Assassinat de Hervé Gourdel : Estimez-vous suffisante la condamnation des musulmans de France ? »

Cette publication a suscité un tollé. Plusieurs journalistes français ont critiqué le Figaro, y compris la société des journalistes du Figaro. Certaines personnalités issues de la classe politique se sont aussi prononcées contre cette publication sur Twitter, comme Cécile Duflot : « irresponsable et indécent ». Face à cette vague d’indignation, ce sondage, « pouvant prêter à des interprétation regrettables », selon les propos employés par le quotidien sur Twitter, a été dépublié. Rue89 a dénoncé « l’islamophobie » de ce site d’information et de ceux qui demandent des comptes aux musulmans suite à l’assassinat d’Hervé Gourdel.

« Est-ce qu’on demande aux chrétiens d’aller manifester contre le Ku Klux Klan ? »

« La logique à l’œuvre dans tout cela est terrible. Elle présuppose que les musulmans seraient, par défaut, solidaires des actes des terroristes. Elle présuppose que tout musulman est relié au terrorisme islamiste et qu’il doit publiquement couper ce lien. Elle présuppose une suspicion a priori. Une suspicion qui est parfois explicite mais qui est le plus souvent sourde, voire intériorisée par les musulmans eux-mêmes », écrit Rue89.

D’après Le Monde, sur France 24, un étudiant s’est interrogé après la lecture du sondage du Figaro : « Non, je n’irai pas manifester devant la Mosquée de Paris. Si je dois y aller, c’est en tant que Français, horrifié qu’on ait égorgé un autre Français. Pas en tant que musulman. Est-ce qu’on demande aux chrétiens d’aller manifester pour dénoncer les crimes du Ku Klux Klan ? »

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