Côte d’Ivoire : le malaise Gbagbo


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Un an après le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) de la Haye, aux Pays-bas, l’ancien président ivoirien n’a pas encore été jugé. Simple question de procédure ? La CPI est de plus en plus accusée de ressembler à une justice des vainqueurs. Alors que les associations ivoiriennes de défense des droits de l’Homme martèlent que Laurent Gbagbo n’est pas le seul responsable des crimes commis pendant la période postélectorale et réclament que les pro-Ouattara soient également traduits en justice.

Gbagbo va-t-il être jugé un jour ? Laurent Gbagbo est enfermé depuis un an à la Cour pénale internationale (CPI) de la Haye, aux Pays-Bas. L’ancien président ivoirien a, le 5 décembre 2011, assisté à une audience de comparution initiale, puis l’audience de confirmation des charges prévue le 18 juin 2012 a été reportée au 13 août 2012 avant d’être annulée, pour raisons médicales. Depuis, la CPI s’est assurée que l’ancien président ivoirien était prompt à assister à une audience, mais ne l’a toujours pas jugé.

Pourquoi c’est si difficile de juger Laurent Gbagbo ? « A cause de nombreux dysfonctionnements de la CPI qui ressemble de plus en plus à une justice des vainqueurs, en inculpant uniquement Laurent Gbagbo et non Guillaume Soro, l’ex-chef des Forces républicaines de la Côte d’Ivoire (FRCI), ni les autres pro-Ouattara », indique Michel Galy, sociologue et politologue. « Au-delà de la lenteur institutionnelle des juridictions internationales, le fait qu’il ne soit pas jugé un an après, c’est le signe d’une certaine gêne de la CPI de juger le premier chef d’Etat en exercice à avoir été déféré à la Haye », ajoute-t-il.

Laurent Gbagbo est accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Ces exactions auraient été commises, en Côte d’Ivoire, lors de la crise postélectorale, entre novembre 2010 et avril 2011. Le rapport d’enquête sur les violences postélectorales, publié le mercredi 8 août, tiennent les pro-Gbagbo pour responsables de la mort de 1 452 personnes contre 727 pour les pro-Ouattara. Ce que conteste les partisans de l’ancien président ivoirien.

Gbagbo-Ouattara : même combat

Depuis la crise postélectorale, la Côte d’Ivoire est partagée en deux camps : les pro-Gbagbo d’un côté et les pro-Ouattra de l’autre. Et la réconciliation nationale, décrétée par Alassane Ouattara, peine à aboutir car les partisans de l’ancien président ivoirien dénoncent une « justice des vainqueurs » qui les viseraient. Une dénonciation confirmée par les organismes ivoiriens de défense des droits humains.

« On a l’impression qu’en Côte d’Ivoire, qu’un seul camp est visé et que le camp du pouvoir n’est pas inquiété. Il faut que la population se fasse une idée claire de la justice internationale, en démontrant que la justice ça s’applique à tout le monde », confie à Afrik.com Koffi Laurentine, vice-présidente de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO). Même son de cloche du côté de l’Association des Ressortissants de Duékué en France et en Europe (ARDEFE) : « Si la CPI veut savoir la vérité, pourquoi elle ne fixe pas de date pour le procès de Laurent Gbagbo, et ne confirme pas les charges ? », s’offusque Martine Kei Vao, la présidente de l’association. Et d’ajouter : « si on veut savoir ce qui s’est passé, il faut réunir les deux camps (Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, ndlr) sur le banc des accusés », précise-t-elle.

Les deux associations, qui ont accordé une interview à Afrik.com, s’accordent à affirmer que « s’il y a eu un conflit en Côte d’Ivoire, c’est qu’il y a deux belligérants. Donc, pour qu’il ait un procès, il faudra juger les deux personnes », le président actuel de la Côte d’Ivoire et son prédécesseur. Une option qui semble être un préalable à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, toujours en proie à des massacres notamment dans l’Ouest du pays. Ou, alors, il faudra, selon elles, libérer Laurent Gbagbo.

Cela fait un an maintenant que l’ancien président ivoirien attend son procès. L’hypothèse d’une libération conditionnelle n’est pas totalement écartée. « Il peut être libéré en attente de son procès, et être assigné à résidence », analyse Michel Galy. « La France pourrait, par exemple, faire pression pour qu’il soit libéré, en vue de favoriser la réconciliation entre les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara », poursuit le politologue. En attendant un éventuel procès de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire reste toujours divisée en deux.

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