Corruption : comment prévenir la faillibilité morale ?


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« Lorsque la morale se heurte au profit, il est rare que le profit perde », a déclaré la députée afro-américaine Shirley Chisholm, une critique véhémente de la cupidité des entreprises. Les scandales, les escroqueries, les combines à la Ponzi et la crise financière amènent à s’interroger : la malhonnêteté, la corruption, la fraude et la cupidité ne seraient-elles pas les mauvaises cotés du capitalisme ?

Adam Smith, le doyen du capitalisme – qu’il appelle « liberté naturelle » – aurait été d’accord avec Chisholm. Dans son ouvrage fondateur, il avait d’ailleurs écrit : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils portent à leur intérêt ». Les arnaques, réelles et présumées sont partout, de même que les fraudes. Par exemple, j’ai intenté un procès, pour fraude et vol contre une des plus grandes entreprises en Afrique du Sud et je vais exposer une de ses escroqueries dans un prochain article.

La corruption est plus répandue au sein du gouvernement que dans les entreprises

L’intégrité douteuse est-elle une caractéristique des affaires ou des personnes en général ? Est-elle plus fréquente dans le capitalisme (affaires) ou dans le socialisme (gouvernement) ? Les ambitieuses et coûteuses politiques sont mises en œuvre par le gouvernement pour lutter contre les pratiques commerciales contraires à l’éthique. Est-ce que ce n’est pas l’hôpital qui se moque de la charité ? Si l’on se fie aux médias, dans tous les pays, la corruption est plus répandue au sein du gouvernement que dans les entreprises. C’est pourquoi, des termes tels que « dépravation » et « corruption » impliquent habituellement le gouvernement comme le dénominateur commun.

L’Afrique du Sud est classée dans la moitié inférieure de l’indice de perception de la corruption élaborée par l’ONG Transparency International. Le Président sud-africain Jacob Zuma a ordonné des enquêtes anti-corruption dans divers ministères, y compris les travaux publics, les arts et la culture, l’éducation (le Cap-Oriental), le développement social, et même nos présumés protecteurs, la police. Le philanthrope anti-corruption, Bob Glenister, estime que nous sommes deux fois moins prospères que nous aurions pu l’être sans corruption. Les pertes directes, souligne-t-il, ne sont que la partie visible de l’iceberg. À cela nous devons ajouter le coût caché du départ de gens vertueux.

Les gouvernements ont tendance à être plus corrompus que les entreprises

Lequel est plus coupable lorsque des entreprises payent des pots-de-vin aux hauts fonctionnaires ou aux politiciens ? Est-ce que c’est important de le savoir ? Lorsque le pouvoir discrétionnaire est monnaie courante, ceux qui le détiennent sont tentés de réclamer et les gens sont tentés d’offrir des pots-de-vin. Une caractéristique frappante de l’indice de la corruption et de l’indice de liberté économique est que les deux sont totalement liés. Le fait que les pays avec des gouvernements de petite taille subissent moins de corruption suggère que les gouvernements ont tendance à être plus corrompus que les entreprises. Mais la corrélation pourrait s’expliquer par d’autres facteurs, tels que des définitions biaisées ou encore des entrepreneurs habiles dans la dissimilation de la corruption.

L’entrepreneur Nic Frangos soutient de manière convaincante que « la corruption est agnostique », que c’est une « menace omniprésente » et qu’elle « s’amplifie lorsque certaines conditions sont réunies ». L’indice de la corruption définit la corruption comme « l’abus de pouvoir à des fins personnelles ». Il établit une distinction entre la « grande » corruption de haut niveau, la « petite » corruption impliquant les citoyens, et la manipulation « politique » pour le pouvoir, le statut et la richesse.

Le plus important est de mettre en place les bons freins et les contrepouvoirs

En combinant les enseignements d’Adam Smith, de l’indice de perception de la corruption et de Frangos, la solution devient évidente. Adam Smith a fait remarquer, il y a 300 ans, que les gens favorisent leurs propres intérêts plutôt que ceux des autres. Il est impossible pour eux de faire autrement. Ils ne poursuivent les intérêts des autres que s’ils coïncident avec les leur, ce qui se passe en l’absence de « circonstances » auxquelles se réfère Frangos. Le leadership éthique – une boussole morale – aide, mais parce que les gens sont faillibles, le plus important est de mettre en place les bons freins et les contrepouvoirs : l’état de droit, la séparation des pouvoirs et des fonctions, des règles de jeu objectives au lieu du pouvoir discrétionnaire, des objectifs clairement définis et quantifiés, la transparence, la responsabilité, le contrôle de l’efficacité, etc.

Un problème caractéristique du gouvernement, c’est que ceux qui font et appliquent des politiques publiques n’endossent aucune responsabilité en cas d’erreur. Platon, comme Smith, nous ont mis en garde contre la bienveillance affichée en politique: « Elle est la racine à partir de laquelle un tyran s’impose : quand il se présente, il le fait toujours en tant que protecteur ».

Leon Louw est directeur exécutif de la Free Market Foundation

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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