Christiane Perregaux : « La colonisation du Sahara occidental perdure à cause du soutien de la France et des Etats-Unis au Maroc ! »


Lecture 5 min.
christiane_perregaux.jpg

Depuis 30 ans, le Sahara occidental réclame son indépendance vis-à-vis du Maroc, qui contrôle la région. Malgré la pression d’associations civiles, Rabat campe toujours sur ses positions. Pour la Suissesse Christiane Perregaux, Professeure en Sciences de l’Education à l’Université de Genève, membre du Comité de soutien suisse du peuple sahraoui, si ce litige n’est toujours pas réglé c’est à cause des soutiens extérieurs dont dispose le Maroc dans ce dossier. Afrik.com l’a rencontrée à Alger, lors de la troisième Conférence des femmes sur la cause sahraouie. Entretien.

A Alger

Propos recueillis avec Graziella Riou, rédactrice-en-chef du quotidien en ligne Boocan

christiane_perregaux.jpg
Afrik.com : Pourquoi à ce jour les autorités marocaines refusent toujours d’entendre les revendications du peuple sahraoui ?

Christiane Perregaux :
Si les autorités marocaines étaient seules, il y a longtemps que ce dossier aurait été réglé. Mais le problème est que le Maroc est soutenu par la France et les Etats-Unis. C’est avec ces deux soutiens extérieurs que le Maroc a pu se permettre cette occupation et tout ce qui en est suivi. La colonisation du Sahara occidental perdure à cause des soutiens extérieurs du Maroc, en particulier la France et les Etats-Unis.

Graziella Riou : Lors de son dernier voyage au Maroc, le président français François Hollande a fait un geste en parlant d’autonomie du Sahara occidental. Qu’en pensez-vous ?

Christiane Perregaux :
La position de la France n’a pas évolué. Le président François Hollande a parlé d’autonomie du Sahara occidental qui est le plan marocain pour contrecarrer le plan d’autodétermination du peuple sahraoui. La France et le Maroc jouent donc sur les mots. Le Maroc a d’ailleurs affirmé que l’autodétermination n’était pas forcément liée au référendum que réclament les Sahraouis. Pour le Maroc, il peut y avoir d’autres formes d’autodéterminations.

Graziella Riou : Pourquoi estimez-vous que la position de la France n’a pas évolué vis-à-vis du Sahara occidental ?

Christiane Perregaux :
Les Etats-Unis soutiennent le Maroc tout en gardant une certaine distance, ce qui n’est pas le cas de la France, qui a énormément de liens avec le Maroc. Il y a des connexions entre les politiciens français et le Maroc. C’est vraiment incroyable ! Même Rocard est allé au Maroc pour faire son gouvernement. Lorsque Sarkozy a perdu les dernières élections, il est aussi allé au Maroc. Il y a même eu des rumeurs, selon lesquelles, il deviendrait conseiller du roi. La seule exception c’est Hollande, qui a été en Algérie avant d’aller au Maroc lorsqu’il a été élu. Mais là encore, il a envoyé un ministre au Maroc pour s’excuser auprès du roi, lui indiquant que son voyage en Algérie était vraiment urgent. Et tout le monde sait que derrière tout cela, il y a des rapports financiers.

Afrik.com : Selon vous, quelles seraient les solutions pour que les revendications du peuple sahraoui soient entendues ?

Christiane Perregaux :
On se rend compte, que lorsque de telles situations sont aussi liées aux politiques, elles sont toujours plus compliquées à résoudre. A mon avis, si les Français disaient aux amis marocains : « cela suffit maintenant ! L’exil ce n’est plus possible pour la population sahraouie ! Maintenant on doit trouver une solution qui réponde aux résolutions de l’ONU ». Ce sera un grand pas en avant.

Afrik.com : Vous pensez qu’une telle option fonctionnerait ?

Christiane Perregaux :
Cela pourrait fonctionner très rapidement. Quand vous voyez des situations internationales aussi engluées, il nous faut ce genre d’initiative. Mais cela va nous demander encore un peu de temps pour qu’on ait ce genre de bouleversement là. Je pense que pour la première fois, il y a des Etats qui montrent qu’on en a assez de cette situation ! Et que ce n’est plus possible de continuer comme cela ! Même la Grande-Bretagne a condamné les autorités marocaines. Ce n’est pas anodin.

Graziella Riou : Est-ce pour des bonnes raisons que la communauté internationale commence à s’intéresser au problème du Sahara occidental ? Est ce qu’il n’y aurait pas une crainte de risque de contagion avec le Mali ?

Christiane Perregaux :
Oui votre question est légitime. La situation du nord-Mali est explosive. Il y a la désespérance d’une partie des jeunes sahraouis et on se demande ce qu’ils vont devenir et vers quoi ils vont se tourner car ils n’en peuvent plus d’attendre. Plus personne ne peut nier les richesses du Sahara occidental. Et Total est déjà sur place en train de creuser dans l’illégalité contre la législation de la communauté internationale. On connait aussi les accords de pêches qui sont en train d’être discutés à l’Union européenne. Le Front-Polisario vient d’ailleurs de faire recours. Le Sahara occidental n’est pas une terre vide.

Afrik.com : Est-ce que ces richesses ne nuisent pas au combat du peuple sahraoui ? Tant qu’il y aura des richesses à exploiter, on ne répondra pas à leurs revendications de sitôt ?

Christiane Perregaux :
Ces richesses appartiennent au peuple sahraoui. La charte de l’ONU sur les pays non autonomes le dit clairement. Le Maroc et la communauté internationale sont en plein contradictions tout simplement parce que ces richesses doivent revenir au peuple sahraoui. Actuellement cet argent qu’on tire des richesses du Sahara occidental va dans les poches du roi du Maroc surtout !

Afrik.com : Les violations commises par les autorités marocaines au Sahara occidental sont régulièrement dénoncées. A ce jour connait-on le nombre de victimes de ces exactions ?

Christiane Perregaux :
Le nombre de morts dans le Sahara occidental est innombrable. On ne connait toujours pas le nombre de victimes de ce conflit qui dure depuis 30 ans. On sait en revanche qu’elles sont très nombreuses depuis la marche verte jusqu’à aujourd’hui ! Sans compter les victimes en prison. Au début de l’arrivée des Sahraouis dans les camps, au moins 12 enfants mourraient de la rougeole par jour.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News