[CANNES 2014] « Run » : le jouet de l’histoire politique ivoirienne


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Les acteurs principaux de

Philippe Lacôte raconte l’histoire de son héros « Run » dans le film éponyme sur fond de crise ivoirienne. Orphelin de père, il sera bringueballé par les soubresauts politiques de son pays.

Dans les rues de la perle des lagunes, Run (Abdoul Karim Konaté) court. Il vient de tuer le Premier ministre de la Côte d’Ivoire. Une nouvelle fuite qui rappelle toutes les autres. Celles qui ont jâlonné sa vie d’orphelin, d’apprenti auprès du maître Tourou, faiseur de pluies, de Gladys la mangeuse et de ses aventures politiques : son passage chez les jeunes patriotes, bras militant et parfois armé du régime puis son engagement dans la rébellion.

Le film du franco-ivoirien Philippe Lacôte, présenté dans la section Un Certain Regard ce samedi, raconte la Côte d’Ivoire politique de ces quinze dernières années, en insistant sur l’action des « Jeunes patriotes » dirigés par Charles Blé Goudé, aujourd’hui à la Haye où il est accusé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l’humanité lors des violences post-électorales de 2010. A l’instar de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo dont il est un proche.

Spectateur actif d’un pays qui s’enfonce

L’histoire politique de la Côte d’Ivoire est évoquée dans « Run » par bribes et sous-entendus que comprendront ceux qui ont vécu les différentes crises ivoiriennes. Les autres percevront aussi aisément que la Côte d’Ivoire est ou a été une nation au bord du gouffre. « Run« , le long flashback de Lacôte commence dans une terre de traditions, transite par celle du spectacle où Gladys la mangeuse constitue l’attraction pour basculer dans un pays où la politique se mêle à l’affairisme avec en toile de fond un discours xénophophe. Le long métrage est un raccourci spatio-temporel, allégorie d’une partie de l’histoire contemporaine de la Côte d’Ivoire dont le destin a basculé lors du coup d’Etat de septembre 2009 mené par la rébellion des Forces nouvelles. En choisissant de revenir sur les actions du mouvement des « Jeunes patriotes » et en faisant de la rébellion la seule alternative disponible, Run propose l’une des multiples lectures qui ont été faites de la situation socio-politique de la Côte d’Ivoire. La fiction de Philippe Lacôte gagne doucement en rythme. Elle rime avec émotion quand Assa, soutien de la rébellion et nouveau mentor de Run, une figure quasi maternelle incarné par Isaach de Bankolé, danse pour cette Côte d’Ivoire où il faisait bon vivre et qui est désormais ravagée par la violence.

Les acteurs principaux de

Quand l’Eléphant qu’invoquait maître Tourou apparaît, le fou de la Cathédrale qu’est devenue Run croit que son arme vengeresse et le geste qu’il va accomplir sont salvateurs. Cependant dans ce drame, Run n’est qu’un jouet dans les mains de la vie politique ivoirienne comme les Ivoiriens l’ont eté et le sont encore dans les mains de leurs leaders. Avant de se transformer en convictions politiques, les haines virtuelles ou réelles ont été d’abord personnelles. Pourtant, c’est sur la place publique qu’elles ont connu leur dénouement : les amis d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui. Au grand dam de la Terre d’Eburnie naguère florissante et de ses habitants qui cherchent aujourd’hui à se reconstruire un avenir.

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