Le Gri-Gri International est de retour


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Après trois mois d’arrêt forcé, le Gri-Gri International est de nouveau dans les kiosques. Le « quinzomadaire » satirique panafricain revient dans sa version huit pages, plus panafricain et plus en colère que jamais. Idriss Déby, Omar Bongo, Sassou N’Guesso, Mouammar Kadhafi et Jean-Marie Le Pen, en guest, composent le quinté gagnant du numéro 51.

Le Gri-Gri porte malheur des chefs d’Etat africains est de retour. La petite histoire veut que les bouchons de champagne aient sauté dans plus d’une ambassade, à Paris, lorsqu’un dépôt de bilan a poussé le « quinzomadaire » satirique panafricain, en février dernier, à temporairement mettre la clé sous la porte. Les fonctionnaires des représentations diplomatiques boiront le calice jusqu’à la lie. Outre un article sur celui qu’il a surnommé mollah Omar (Bongo), le journal épingle dans son numéro 51 les habitués de la rubrique « droits de l’homme » : Tchad, Libye et Congo Brazzaville. Y figure également l’interview de Jean-Marie Le Pen, qu’une partie de la rédaction avait pointé du doigt pour expliquer la rupture au sein du journal. Depuis jeudi, le Gri-Gri est disponible dans les kiosques en format huit pages, celui de l’origine, comme la ligne éditoriale, africaine. Gnim Dewa, journaliste togolais « coordinateur de la rédaction », explique à Afrik ce qui change avec le nouveau gratte poil.

Afrik : Est-ce difficile de garder à l’intérieur tout ce qu’on a à écrire sur Idriss Déby, Omar Bongo ou Mouammar Kadhafi pendant trois mois ?

Gnim Dewa : C’est très frustrant. On regarde l’actualité passer, on se dit qu’on a des choses à dire mais on ne sait pas où. C’est lorsqu’on lit la presse officielle, plate, et que l’on voit que les informations sont dévoyées, que ça fait mal au ventre. Pourtant, nous savons que les gens ont des informations. Par exemple, sur le Tchad, on ne dit que ce qui arrange la France. Le Journal du Dimanche fait des pseudo révélations sur la Chine qui arme les rebelles tchadiens mais ne parle pas de l’ambassadeur de France, qui joue les proconsuls à N’Djamena. Avant même que les choses ne dégénèrent, nous avons annoncé que le Commandement des opérations spéciales (Cos), composé pour l’essentiel de barbouzes, avait été envoyé là-bas par la France. Aucun journal n’a relayé l’information.

Afrik : « Les divagations franco-françaises prenaient une place de plus en plus importante dans nos colonnes », écrivez-vous à vos lecteurs. Qu’est ce qui change dans le nouveau Gri-Gri ?

Gnim Dewa : Nous revenons aux fondamentaux, avec un Gri-Gri orthodoxe où l’Afrique a la vedette. Pas seulement l’Afrique, mais nous revenons sur les sujets qui nous avaient inspirés à l’origine, quand nous voulions créer un espace de liberté où révéler des informations confidentielles. Mais à un moment, nous nous sommes perdus. Le Gri-Gri est le journal qui ne ressemble pas aux autres. Nous n’avons pas vocation à parler de sujets et débats qui n’intéressent que le microcosme parisien.

Afrik : Qu’est ce qui a poussé une frange de la rédaction à quitter le journal ?

Gnim Dewa : Pour résumer, une partie de l’Association des amis du Gri-Gri a voulu prendre le contrôle du journal. Ça a échoué. A la base, ils étaient venus pour nous aider et dénoncer, avec nous, les relations incestueuses entre la France et l’Afrique. Mais quand ils ont voulu en faire une plaquette publicitaire, pour chroniquer leurs livres, les livres de leurs amis et introduire des débats qui ne concernent pas notre public, ça n’a plus marché. Ils ont également prétexté une interview de Jean-Marie Le Pen, dont la réalisation avait pourtant été approuvée en conférence de rédaction. Quand elle a été faite, ils ont expliqué que ce n’est pas les questions qui posaient problème, mais les réponses…

Afrik : Dans votre lettre aux lecteurs, vous dîtes qu’ils sont partis avec le fichier des abonnés et les archives Internet…

Gnim Dewa : Nous avons été un peu surpris de voir jusqu’où les gens peuvent aller. Nous aurions souhaité avoir le fichier des abonnés par respect pour eux, afin de pouvoir leur envoyer les prochains numéros. Nous avons réussi à en reconstituer une partie, mais tous ne le recevrons pas.

Afrik : Le journal passe de seize à huit pages…

Gnim Dewa : Le Gri-Gri a été lancé avec huit pages et il était dernièrement passé à seize, mais beaucoup étaient superflues. Ça partait dans tous les sens. Sur ce point, les échos des habitués nous réconfortent.

Afrik : Sera-t-il question de Nicolas Sarkozy, qui termine un voyage en Afrique de l’Ouest, dans votre prochain numéro ?

Gnim Dewa : Bien sûr. Comme toutes les rédactions, nous avons reçu un communiqué qui annonçait le voyage et nous invitait à prendre contact avec le ministère de l’Intérieur pour le couvrir. Nous avons évidemment voulu y aller mais le service de presse nous a éconduit.

Afrik : Avez-vous fait parvenir un numéro du Gri-Gri à l’Assemblée nationale, comme vous l’aviez fait au début de l’année, sans qu’il ne soit distribué ?

Gnim Dewa : Cette fois, nous l’avons adressé au groupe d’amitiés franco-tchadiennes de l’Assemblée. Pour qu’ils sachent qu’un journal comme celui-ci existe et que si ils manquent d’informations, nous pouvons leur en donner, afin qu’ils prennent leurs responsabilités devant les Français. Qu’ils sachent que le Gri-Gri peut leur donner un éclairage sur la façon dont la France se conduit dans le monde, pour ne pas dire en Afrique.

Afrik : L’envoyez-vous aux ambassades ?

Gnim Dewa : Celles qui sont abonnées seulement.

Afrik : Et à leurs patrons, en Afrique ?

Gnim Dewa : Denis Sassou N’Guesso, le Cobra suprême, ne manque pas un numéro.

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