Awa Meïté : la crème de l’artisanat africain


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Modèle boubou en cuir

Awa Meïté. C’est le nom d’une prometteuse artiste malienne, à la fois styliste de mode et « designer », qui a éclaboussé par sa classe le 9ème Salon international de l’artisanat de Ouagadougou. Les formes géométriques et les couleurs chatoyantes de ses confections, sacs, tabourets en cuir et autres objets d’intérieur, ont ébloui les visiteurs.

Les impératifs de la télévision burkinabé ont considérablement réduit le temps de défilé des créations Awa Meïté, à Ouagadougou, lors du dernier Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao). La jeune créatrice malienne, à la fois styliste de mode et designer, mérite pourtant plus que cela. Son succès a été tel qu’il ne lui restait guère de produits à présenter et à vendre à la fin du plus grand rendez-vous africain de l’artisanat. « Les gens nous disent simplement que c’est beau », explique-t-elle, calme, assise dans son stand sur un siège en cuir violet de sa création. « C’était drôle, des artisans du pavillon sont également venus voir nos articles. Ils passaient, l’air de rien, et s’arrêtaient pour voir comment nous travaillons… Peut-être pour reproduire nos objets l’année prochaine ? Je crois que la différence se fait sur la finition. Nous faisons beaucoup d’efforts là dessus », ajoute la jeune autodidacte, la vingtaine finissante – elle ne dit pas son âge – le visage fin et les cheveux longs tirés en arrière.

Son identité stylistique, la Malienne refuse de la réduire à l’Afrique et au Mali, aux Etats-Unis, où elle a vécu cinq ans, mais qu’elle n’aime pas, ou à la France et Paris, qu’elle adore. « C’est ma culture. C’est ce que je suis. » Idem pour sa double activité de styliste et designer. « Pour moi, tout est lié, car se sont les mêmes matières que j’utilise pour la mode et la décoration. La façon de s’habiller, ce sur quoi on s’assoie, c’est une façon d’être. Je n’arrive pas à dissocier les deux. »

« Les savoirs se perdent »

Awa Meïté a suivi des études de sociologie à New York. Rien à voir apparemment avec les métiers de la mode ou de l’artisanat. Pas pour elle. « Je pense que je fais aussi un peu de sociologie en créant des vêtements et des objets. Je vais dans les villages, j’essaie d’améliorer le quotidien des gens. Je suis allée pour la première fois dans le pays profond dans le cadre de mes études. J’ai vu que les gens n’avaient pas le minimum, pas de médecin. Je me suis demandée comment je pouvais aider. Je me suis aussi rendue compte que selon les régions, les artisans étaient spécialistes dans des domaines particuliers. Alors j’essaie depuis de travailler avec eux. » Voilà pour la théorie. Pour la pratique, « j’ai grandi dans un environnement artistique. Mes parents ont toujours travaillé avec des artisans », explique simplement Awa Meïté.

Aujourd’hui, toute l’activité de ses productions tourne autour d’un atelier, à Bamako, où tout est transformé, et où s’activent une dizaine d’artisans. La créatrice collabore également avec une cinquantaine de tisserands, d’artisans du cuir… de tout le pays, à Ségou, dans le pays Dogon ou encore à Mopti, afin de n’utiliser que des produits locaux. Elle espère ainsi œuvrer à la perpétuation des connaissances des artisans maliens. Car, regrette-t-elle, « les savoirs se perdent avec l’exode rural ». Les artisans aimeraient faire de leur art leur activité principale, mais ce n’est pas possible économiquement. Il faut donc créer des emplois sur la base des choses qu’ils savent faire. »

Pour être encore plus efficace, Awa est passée depuis deux ans à la vitesse supérieure. Cela fait sept ans qu’elle a commencé à créer des vêtements, des objets… Juste pour le plaisir. En même temps qu’elle peignait ou écrivait. « Les gens aimaient ce que je faisais et me demandaient plus », raconte-t-elle. Le choc a eu lieu il y a « deux ou trois ans », dans un salon de l’artisanat du monde en Allemagne. Awa Meïte expose ses produits, avec toujours autant de succès, et accepte les nombreuses commandent que lui passent des clients sous le charme. « J’ai tout accepté, mais je n’avais pas les moyens de suivre. J’ai paniqué… Après cette expérience, j’ai tout arrêté, je me suis rendue compte que je n’étais pas assez structurée. » Awa Meïte travaille aujourd’hui entre Bamako, où elle dispose de sa seule vitrine, le magasin familial, depuis quinze ans, et Paris, où elle espère bientôt en avoir une.

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