Cameroun : éduquer les filles pour les tirer de la pauvreté


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Depuis 1964, les sœurs minimes du Saint Cœur de Marie gèrent, dans la province Centre du Cameroun, un collège technique qui se charge d’éduquer les jeunes filles des zones rurales. L’objectif est de leur ouvrir de nouveaux horizons pour qu’elles ne tombent pas dans la pauvreté. L’expérience est fructueuse, mais sur une petite échelle, notamment à cause de problèmes financiers.

Eduques-toi et ton avenir tu assureras. Les sœurs camerounaises du Saint Cœur de Marie permettent, depuis quarante ans, à des jeunes filles pauvres habitant en milieu rural de recevoir une éducation de qualité dans le collège d’enseignement technique de la mission catholique d’Akonolinga (province du Centre). Le but que se sont fixé les religieuses est de les rendre autonomes pour qu’elles échappent à la pauvreté et ses multiples pièges. L’expérience porte ses fruits, mais sur une petite échelle à cause du manque de moyens.

Sœur Marie-Joseph Biloa, directrice du collège-lycée, explique que l’établissement s’est fixé comme priorité de prendre en charge « les jeunes filles abandonnées ou issues de familles pauvres afin de leur donner une éducation valable pour qu’elles fassent quelque chose de leur vie ». Il se veut aussi une alternative de poids aux écoles privées où seuls les enfants ayant des parents fortunés peuvent prétendre avoir une place. « Ceux des plus démunis sont engouffrés dans des classes par centaines et l’éducation n’y est pas de qualité, faute de moyens », souligne-t-elle.

Pas de discrimination contre ceux qui n’arrivent pas à payer

L’école est située dans un milieu rural très pauvre. Le cacao et le café ne rapportent plus assez, alors les familles délaissent les champs pour ne plus se tuer à la tâche pour des revenus dérisoires. Du coup, ils s’appauvrissent. C’est pour cette raison que les cours sont moins chers que dans le privé. « Nous demandons 55 000 FCFA pour le premier cycle et 75 000 pour le second. Dans le privé, cela peut grimper à 100 000 FCFA », précise sœur Marie-Joseph Biloa. Moins cher, mais encore trop pour certaines familles.

Selon la directrice, 75% des parents parviennent à payer la totalité des frais, alors que le reste donne une participation qui va de 10% à la moitié de la somme due. D’autres ont les moyens de payer, assure la sœur, mais ne le disent pas pour ne pas avoir à le faire. Mais au final, il n’y a pas de discrimination et toutes les filles sont traitées de la même façon.

Fort taux de réussite aux examens…

L’établissement a une capacité de 300 élèves, dont une centaine sont en internat. « En plus du programme scolaire, les filles suivent une formation d’économie familiale et sociale. On leur enseigne à tenir une maison, à élever des enfants et assurer les travaux de ménage. Sur le plan pratique, elles apprennent la couture, la teinture ou encore la fabrication de savon, de parfum ou de sacs », explique sœur Marie-Joseph Biloa. Les cours sont notamment dispensés par des intervenants extérieurs, souvent recrutés de façon informelle : si la directrice aperçoit une personne qui a une compétence dans un domaine particulier, elle lui demande de venir professer.

Le taux de réussite est important chez celles qui s’accrochent jusqu’au bout. « Cette année, sur les 17 filles qui passaient le Bac, 16 l’ont eu. Pour ce qui est du CAP (Certificat d’aptitude professionnelle, ndlr), 70% ont passé les épreuves avec succès », se réjouit Marie-Joseph Biloa. Au sortir de l’école, la majorité des filles « s’auto-emploient. Beaucoup deviennent éducatrices dans le primaire, certaines sont mêmes grand professeur. D’autres ont installé des ateliers de couture ou de teinture. Elles se débrouillent donc pour survivre, même si bien souvent leur activité reste au niveau informel », poursuit la religieuse. Un succès dont les jeunes filles sont très reconnaissantes. Elles ont spontanément fait des dons allant de 5 000 à 25 000 FCFA pour fêter les cinquante ans de présence des sœurs minimes du Saint Cœur de Marie au Cameroun et organisé toute une semaine culturelle.

…mais trop d’abandon scolaire

Seul regret dans ce succès, les déperditions d’élèves en cours de route qui amoindrissent le succès du collège-lycée. Entre la sixième et la terminale, la moitié des jeunes filles quittent l’école. « Les plus exposées sont celles qui sont externes car elles sont entourées de toutes les tentations de la rue. Elles peuvent sombrer dans l’exploitation sexuelle et attraper des maladies sexuelles transmissibles, comme le sida », commente Marie-Joseph Biloa. La solution pour réduire l’abandon serait d’agrandir l’internat. Mais, étant donné le manque de moyens, cette option semble peu envisageable pour le moment.

Les sœurs ne bénéficient d’aucune subvention étatique. Elles sont payées de façon sporadique 50 000 FCFA. Le paiement des professeurs se fait par le biais des frais de scolarité. Le reste du fonctionnement de l’école est assuré par les dons, ainsi que l’aide des bénévoles et de l’association Raoul Follereau, raoul.jpg qui la soutient depuis 10 ans et a notamment offert l’internat : un dortoir meublé, un réfectoire, un bukarus (sorte de grand hall où se détendent ou étudient les filles), un puits et des sanitaires. Le personnel, composé pour les trois quarts d’anciennes élèves, y met aussi du sien. Il fait de l’élevage de porcs et de poulets, plante du manioc et bientôt des ananas pour assurer son indépendance alimentaire. Le surplus est vendu pour couvrir les frais divers de l’établissement, mais aussi du dispensaire et de la maternité dont les sœurs s’occupent.

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