Un roi est né


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Depuis plus de 26 ans qu’il brûle les planches et squatte avec application les écrans de télé et de cinéma, Oumalou Barou Ouédraogo vient enfin de trouver un rôle à sa mesure. Dans le dernier film de son frère Idrissa, il incarne un roi dur et méchant. Dans la vie, il est tout le contraire. Portrait.

Les gens s’arrêtent pour le saluer, certains s’accroupissent en signe d’allégeance, d’autres lui baisent la main, les femmes le regardent à la dérobée, curieuses. Depuis qu’Oumalou Barou Ouédraogo incarne le roi cruel et sanguinaire dans le film de son frère Idrissa, La colère des Dieux, on lui demande souvent s’il est vraiment méchant… Mais la seule arme du comédien semble bien être un rire tonitruant et caverneux dont il use à l’envi.  » C’est très rare de me voir fâché !  » tonne-t-il.

Barou serait même à l’opposé du personnage de Tanga, égoïste et entêté. Il offre un sourire, une tape amicale ou une solide poignée de main à chacun. Derrière ses lunettes qui semblent trop lourdes, il observe le petit monde du cinéma réuni à Ouagadougou pour le Fespaco (Festival panafricain de cinéma et de télévision) et traîne son imposante carcasse avec nonchalance.

Un village = une troupe

Oumalou Barou Ouédraogo est tout simplement un fondu de théâtre. Il faut remonter dans son enfance pour trouver les premières traces de cette passion précoce.  » J’étais dans une école catholique et ce sont les Pères qui m’ont initié à l’art dramatique. A chaque fin de trimestre, nous montions une scène et je dois avouer que chacune de mes apparitions était toujours très remarquée !  » Parvenu à l’âge adulte, Barou n’aura de cesse de faire partager sa flamme : depuis 1977, où qu’il passe, il créé une troupe de théâtre !

D’abord dans son ancienne école de Ouahigouya (troisième province du Burkina) dans laquelle il est instituteur pendant plusieurs années, puis à l’Ecole de formation des instituteurs de Koudougou et à Mamsiguia, où il est muté pour cinq ans.  » C’était un petit village, je faisais jouer les paysans en langue nationale car ils ne comprenaient pas le français. J’en profitais pour faire passer des messages pédagogiques sur l’hygiène, l’utilisation de l’eau potable… « , se souvient-il. Ensuite, ce sera Niankologo en 1982 et Bobo Dioulasso en 1984.

Rôle principal

Il prend le premier tournant de sa carrière de comédien grâce à son frère, Idrissa Ouédraogo, qui, encore à l’Université, le fait venir à Ouaga pour un rôle dans son premier film.  » J’ai eu mon premier grand frisson devant la caméra, ça me plaisait déjà beaucoup !  » Puis les rôles s’enchaînent : dans un documentaire belge, dans un long métrage français et dans des séries burkinabé fameuses comme A nous la vie ou Kadi Jolie.

Le deuxième tournant de sa carrière semble bien être le rôle de Tanga dans La colère des Dieux, qui vient d’être présenté au Fespaco.  » C’est la première fois que je décroche un rôle principal, cela m’a procuré énormément de plaisir. Sur le tournage, j’ai eu la  » chance  » d’être le plus mal traité ! Mon frère était très exigeant avec moi, alors que beaucoup me félicitaient pour mon travail, lui n’était jamais content !  »

L’école des filles

Dans ce rôle, Oumalou a mis de son caractère et donné de sa personne, imposant un style grandiloquent. Enfin un rôle en adéquation avec sa stature, à tous les sens du terme…  » J’ai connu des moments de grande tristesse, de découragement. C’est très dur d’être comédien en Afrique. On pense toujours au réalisateur, au producteur… même au compositeur de musique mais jamais aux comédien d’un film ! Il m’est même arrivé de devoir payer ma place pour aller voir l’un de mes films ! Et puis pour en vivre… il n’y a que mon frère qui paie bien ! J’ai toujours fait autre chose pour gagner ma vie « , résume-t-il. Journaliste pendant 14 ans, il travaille depuis 1999 à la télévision nationale. D’abord chargé de la promotion des programmes, il a été nommé il y a un mois au service de la production et écrit en ce moment une série.

Car Barou est un touche-à-tout. Il a quatre courts métrages à son actif, qui traitent de sujets de société difficiles, voire tabous. Il travaille en ce moment sur la sorcellerie et s’est déjà penché sur la sous-scolarisation des fillettes au Burkina dans L’école pour les filles qui a reçu le Prix du meilleur premier film au Festival Baobab de Ouagadougou en 1999. Dans Le combat de Dorkass, projeté cette semaine au Fespaco, il aborde sans fausse pudeur les conséquences de l’excision.

Le film, repéré par l’Unesco, a rencontré un vif succès à Libreville, au Gabon, où il a été montré dernièrement.  » J’ai mis deux ans pour faire ces 34 minutes. J’ai filmé des images très dures dans un hôpital et j’ai mis en scène une histoire : une petite fille qui se bat pour qu’on n’excise pas sa petite soeur « , explique-t-il. La petite soeur en question est jouée par sa fille de 10 ans. Quant à celle de 12 ans, elle fait la voix off. Car Barou a cinq filles et s’il a renoncé à avoir un garçon, il n’est pas question pour lui d’arrêter de transmettre sa passion. Une dynastie de comédiens vient peut-être de naître… et Barou en est le roi. Un roi tolérant, honnête et droit.

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