Au nom du Maire


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Le maire de Bangui est une femme. Nom : Guéret. Prénom : Cécile. Age : 48 ans. Militante et combative, Cécile Gueret se bat sur le front de la propreté comme sur celui du droit des Centrafricaines. Portrait d’une femme qui fait (presque) l’unanimité.

 » Ici à Bangui, les maires ne durent qu’un an !  » rapporte avec ironie un journaliste local. Pas Cécile Guéret. La dynamique maire de la capitale centrafricaine occupe ce poste depuis deux ans déjà. Nommée par décret en 2000, elle est l’une des rares femmes africaines à occuper un siège aussi important.  » A l’association des maires francophones, je suis une des seules femmes à exercer dans une capitale. Pourtant, les femmes ont droit à cette place. Avec de la volonté, on peut réussir mieux que les hommes « , soutient-elle.

Pourquoi Cécile Guéret a-t-elle été choisie ?  » Ce n’est pas à moi de répondre mais au chef de l’Etat (Ange-Félix Patassé, ndlr) qui m’a fait confiance « , répond-t-elle avec une pointe de coquetterie. Est-ce la mère de famille courageuse (7 enfants), la syndicaliste chevronnée (23 ans d’activisme, présidente du conseil d’administration de l’Union générale des Travailleurs de Centrafrique (UGTC) en 2000) ou la spécialiste en gestion d’entreprise qui a séduit le président centrafricain ? Sûrement tout à la fois.

Madame le Maire

On l’appelle Madame le Maire mais elle se voit plutôt en chef d’entreprise.  » La mairie est comme une société à gérer « , explique-t-elle. Bien connue pour son militantisme –  » j’ai toujours lutté pour faire entendre la voix des travailleurs  » -, les Banguissois n’ont pas été étonnés de la voir prendre ses fonctions à la mairie. Mais ils l’attendaient au tournant. En deux ans, elle a déjà imposé sa  » marque  » et a su donner l’impulsion nécessaire à des projets d’envergure. Elle s’est attaquée au problème des arriérés de salaires, de l’insalubrité, des ordures, des routes…

 » Dès mon arrivée, nous avons pu mener, avec mes collaborateurs, un travail acharné contre les ordures et la construction anarchique des marchés.  » Même si ses priorités sont la propreté et l’environnement, Cécile reconnaît que tous les problèmes sont loin d’être réglés. Pour les grincheux,  » elle ne fait qu’appliquer la politique de la municipalité et est arrivée au moment où les projets décidés depuis longtemps se concrétisent « . Pour d’autres, elle a permis  » d’assainir  » la mairie, taxée avant son arrivée, de  » tribalisme « , l’ancien maire étant de la même région que le président.

On ne peut pas plaire à tout le monde

Pour gérer la ville au mieux, Cécile Guéret croit en la décentralisation.  » Il faut céder une partie des pouvoirs au niveau des arrondissements. Dans quelques semaines, plusieurs centres secondaires d’Etat civil verront le jour. Les maires d’arrondissements pourront ainsi déclarer les naissances, les décès et mettre en place leurs propres programmes.  » La maire croit à la proximité avec les élus locaux. Depuis son arrivée à la tête de la ville, elle a appris qu’on ne pouvait pas plaire à tout le monde. Certaines voix s’élèvent pour son remplacement à la tête de la ville, d’autres l’assurent de leur soutien. Tous s’accordent pour avouer qu’il est très difficile de gérer la mairie de Bangui. Elle, continue d’avancer.  » Je préfère regarder devant, ne pas m’arrêter aux critiques négatives « .

Sur les huit arrondissements de Bangui, on trouve une femme à la tête du sixième.  » D’autres femmes sont maires en RCA : à Bozoum et Paoua (ville natale de Patassé) notamment. Le président veut s’appuyer sur les femmes pour relever l’économie du pays. Les Centrafricaines représentent 60% de la population « , explique un journaliste. De fait, Patassé avait déjà nommé une femme au poste de maire en 1995. Mais Anne-Marine Ngouyombo n’était restée qu’un an. Il n’empêche, Cécile Guéret est loin de faire de la figuration dans les rêves paritaires du président.

Elle a obtenu des aides financière du Japon et de la Banque Mondiale pour mener à bien ses projets. Avec la participation de l’OMS, elle est en train de mettre sur pied un centre multimédia. Huit ordinateurs vont être installés… dans la résidence du maire.  » J’ai préféré mettre l’endroit au profit de la population, des expatriés, des jeunes qui n’ont les moyens d’avoir un accès Internet privé « .

Question d’héritage

Cécile se bat aussi pour les droits des femmes. Déjà lorsqu’elle était syndicaliste, son travail de terrain l’avait amenée à sillonner quatorze des dix-sept préfectures centrafricaines pour y installer le  » bureau des femmes travailleuses  » et informer les Centrafricaines sur leurs droits, leur apprendre à défendre leurs intérêts et ceux des enfants. A faire entendre leur voix.  » Il faut être déterminée mais j’ai confiance en moi. La femme est complémentaire à l’homme. l’adage ne dit-il pas que derrière chaque grand homme se cache une bonne conseillère ?  » interroge-t-elle dans un rire.  » Je suis convaincue qu’avec les réseaux existants, il est possible d’améliorer la condition de la femme africaine en général et centrafricaine en particulier.  »

Des élections municipales ont été annoncées fin 2002. Même si une partie de la population la sollicite, Cécile Guéret ne sait pas encore si elle se présentera. Forte du soutien de son mari et de ses enfants (qui ont entre 8 et 22 ans), elle veut se  » battre jusqu’au bout  » pour le développement de son pays.  » Même si la Centrafrique est enclavée, elle possède beaucoup de richesses dont ne profitent pas vraiment ses habitants. Toute la population doit se mettre au travail. Quant à moi, si je ne travaille pas pour mon pays, qu’est-ce que je laisserai à mes enfants ?  »

Sandra, la fille aînée, étudiante à Paris, décrit sa mère comme une  » femme très forte, battante et courageuse « . Et si c’était ça, la plus belle victoire de Cécile…

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