Le cinéma en temps de guerre


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L’Autre Monde de l’Algérien Merzak Allouache est interdit de festival et a du mal à se faire distribuer. Parce qu’il parle de la violence et filme la société algérienne telle qu’en elle-même ? Le réalisateur revient sur son film.

Le dernier film du réalisateur algérien Merzak Allouache, L’Autre Monde, sort bientôt sur les écrans français. Une jeune Française d’origine algérienne part à la recherche de son amant qui s’est engagé dans l’armée. Commence pour elle une plongée dans l’Algérie profonde, dans la violence et l’incompréhension. Merzak Allouache poursuit sa préoccupation première : parler de la société algérienne. Il force une fois de plus celle-ci à se regarder en face.

Afrik : L’Autre Monde est boudé par les festivals, la presse et les circuits de distribution, pourquoi ?

Merzak Allouache : De la part des festivals – que je connais bien pourtant car ce n’est pas mon premier film – j’ai reçu un refus sans explication. Quant à la presse, elle est un peu molle. Le plus grave, c’est que je ne sais toujours pas dans combien de salles le film va être montré en France. Mon distributeur galère pour le placer. Certains programmateurs, notamment en banlieue parisienne, disent ne pas être d’accord avec la vision politique du film. Que le film disparaisse de lui-même au bout d’une semaine à cause de la concurrence ou parce que les gens ne l’aiment pas, d’accord. Mais ça n’a aucun sens de mettre un film de côté avant même sa sortie.

Afrik : On vous reproche d’avoir fait un film  » engagé  » politiquement ?

Merzak Allouache : On ne peut pas reprocher à un film d’être engagé ! C’est vrai, j’y parle de choses graves qui se passent en Algérie mais qui débordent aussi le cadre de ce pays. L’Autre Monde est terriblement d’actualité avec ce qui se passe en ce moment. Dans tous les cas, il ne faut pas pénaliser le public. J’étais à Grenoble (France) hier pour présenter le film. Bien sûr, il a suscité un débat et c’est tant mieux.

Afrik : Vous l’avez aussi présenté à Alger la semaine dernière, quelle a été la réaction du public ?

Merzak Allouache : Les gens étaient très décontractés. Ils ont ri lors des scènes d’humour et le débat qui a suivi la projection était focalisé sur le fait que l’on recommence à faire des films en Algérie après 7 ans d’une situation très dure. Il n’y a pas eu de débat  » politique « . Je décris une situation à travers une fiction, les gens comprennent cela très bien. Notre seul problème à nous, réalisateurs arabes et africains, c’est notre rapport à la réalité et à la fiction. Nous cherchons toujours la réalité dans nos fictions. C’est pourquoi j’accompagne le film. Pour l’expliquer.

Afrik : Et devant  » la  » scène très érotique de votre film, pas de levée de boucliers ?

Merzak Allouache : J’avais une certaine appréhension par rapport à ce que je dis dans le film et par rapport à cette scène mais on ne m’a pas demandé de la couper et personne n’est sorti de la salle ! Les Algériens aujourd’hui ont tous des paraboles. Parmi les spectateurs, il y avait des couples avec des femmes voilées mais je n’ai pas entendu de cris d’effroi parmi eux !

Afrik : Les conditions matérielles et relationnelles du tournage ont-elles été difficiles ?

Merzak Allouache : Oui, car nous travaillions à la manière d’artisans, avec peu de moyens. De plus, mon équipe était mélangée : des techniciens français qui sont habitués à ce que tout  » roule  » et des techniciens algériens qui viennent d’un univers sinistré, qui n’ont pas de travail. Il a fallu remettre la machine en marche, ce qui ne s’est pas fait sans tension. Il fallait aussi faire attention à l’environnement dans lequel nous tournions. Vous savez, avant ce film, je ne pensais pas pouvoir remettre ma caméra dans les rues d’Alger.

Afrik : Vous avez eu des problèmes d’autorisation pour tourner ?

Merzak Allouache : Pas du tout. En ce moment, les autorités algériennes favorisent les tournages. Alexandre Arcady est venu tourner l’année dernière à Alger et il y a une véritable politique des autorités pour montrer que le pays est ouvert.

Afrik : Comment avez-vous choisi Marie Brahimi, qui interprète avec éclat votre héroïne, Yasmine ?

Merzak Allouache : Je cherchais des actrices françaises d’origine algérienne. Il y en a beaucoup sur le marché mais elles ne travaillent pas car elles ne sont pas employées par le cinéma français. J’ai choisi Marie pour son algériannité mais aussi parce qu’elle n’avait pas le physique  » typique  » des actrices d’origine algérienne, avec les cheveux très frisés par exemple. C’est son premier long métrage et elle n’est pas la seule. J’ai utilisé des jeunes gens qui débutent et dont c’est le premier film. Karim Bouaiche – qui joue un terroriste – est un jeune rappeur qui vit à Alger. Il n’avait jamais fait de cinéma ce qui n’empêche pas qu’il soit très doué et très intelligent.

Afrik : Comment vous est venu le scénario ?

Merzak Allouache : C’est lorsque que je suis revenu à Alger en 1999, après six ans d’absence, que l’idée a germé de refaire un film là-bas, de parler de ce qui s’y passe et de raconter aussi ce va-et-vient entre l’Algérie et la France.

Afrik : La fin du film est très dure. Cela veut-il dire que vous êtes pessimiste pour l’avenir de l’Algérie ?

Merzak Allouache : Non, mais je ne pouvais pas être optimiste à 100%, cela aurait été de la propagande ou une fin à l’américaine. L’Algérie est un pays qui peut revivre mais il faut aussi parler de la violence. D’ailleurs le film se termine avec cette chanson de Gnawa Diffusion qui dit qu’une Algérie se meurt dans une autre qui renaît.

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