Les villages béninois découvrent le cinéma


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Une projection du Cinéma Numérique Ambulant
Une projection du Cinéma Numérique Ambulant

Un écran géant sillonne les villages béninois. Faire arriver le septième art jusqu’aux villages les plus reculés du Bénin, telle est l’audacieuse ambition de Christian Lambert, président de l’association « Cinéma ambulant numérique ». Interview.

Taxi 2 et la Grande Vadrouille, les grands classiques du rire français, font un malheur auprès des Béninois. L’association cinéma ambulant numérique (CNA) projette un échantillon de films, depuis quinze jours, autour d’Ouidah (à 40 km de Cotonou). Sur la place des villages, les deux membres de l’association installent leur matériel, un écran de 4 mètres sur 4, le projecteur et une sono. Démarrée avec un projecteur vidéo, un lecteur VHS et DVD, un groupe électrogène et un camion, l’aventure fascine les Béninois. Pour une première, l’expérience part sur les chapeaux de roue.

Afrik : Quels films projetez-vous ?

Christian Lambert : On s’est fait plaisir en diffusant des classiques français, pour la saison de préfiguration. Notre but est d’analyser s’ils plaisent aux Béninois. Pour l’instant c’est un succès. Evidement, nous projetons aussi des films africains pour donner aux habitants la possibilité de voir pour la première fois leurs propres longs métrages, absents du marché. Un paradoxe !

Afrik : Des films béninois aussi ?

Christian Lambert : Oui, nous proposons « La Genèse », deux longs métrages béninois de Jean Odoutan, « Barbecue-Pejo » et « Djib » puis « Lumumba » de Raoul Peck. On choisit de présenter l’un ou l’autre au feeling. Chaque soir, nous diffusons en première partie sept courts métrages sur la prévention contre le sida ou des films burlesques. C’est une première pour des villageois qui vivent sans électricité… Donc jusque là sans cinéma.

Afrik : N’y a t-il pas un problème de compréhension, ou les films sont-ils traduits ?

Christian Lambert : Les Béninois se heurtent au problème de la langue mais une personne dans l’assistance fait spontanément office d’interprète et donne les clés de la compréhension. L’année prochaine, nous essayerons cependant de tenir davantage compte de la réalité linguistique du pays.

Afrik : Combien de personnes assistent aux projections ?

Christian Lambert : 150 personnes assistent en général à la séance, mais certains soirs, 250 villageois se rassemblent autour de l’écran. Pour Vengo, un film dur et sensible, nous avons été impressionnés parce qu’il a beaucoup plu, évidemment moins que la Grande Vadrouille, mais 80 personnes sont quand même restées jusqu’au bout et ont applaudi.

Afrik : Est-ce que la séance est gratuite ?

Christian Lambert : Nous ne voulons pas que ce soit gratuit. Mais nous savons bien que l’argent est une barrière pour les Africains et même s’il nous donnaient 10 F CFA ou 100 F CA, ce serait une somme dérisoire qui ne servirait absolument pas à couvrir nos frais. Alors, nous négocions en contrepartie une fête en notre honneur.

Afrik : Comment fonctionne la publicité ?

Christian Lambert : Cela se fait naturellement. Le bouche à oreille fonctionne très bien. Quand nous arrivons dans un village, nous allons tout de suite chez le délégué ou le chef du village pour nous présenter. De plus, comme je suis déjà venu plusieurs fois au Bénin pour la réalisation de « Barbecue Pejo », j’ai déjà rencontré quelques personnes. J’ai contacté, par exemple, mon ancien chauffeur et ma lessiveuse pour faire connaître mon projet. Le bouche à oreille a fait le reste.

Afrik : De quelle manière comptez-vous renouveler l’expérience l’année prochaine ?

Christian Lambert : Nous voulons établir un autre projet, plus élaboré, avec des moyens financiers plus importants. Nous envisageons de créer dix à quinze structures mobiles et de programmer une partie éducative et culturelle lors de la projection des films. Mais avant tout nous dresserons le bilan de ce projet début septembre, et c’est à partir de ce bilan que nous concevrons la suite. Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est qu’il y aura une suite.

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