La double crise de l’éducation en Afrique affecte les économies et alimente l’instabilité


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GENÈVE, le 25 septembre 2012 – La double crise de l’éducation en Afrique renforce les inégalités et alimente l’instabilité politique, selon un nouveau rapport publié aujourd’hui par l’Africa Progress Panel, qui porte à la fois sur les aspects qualitatifs et quantitatifs de l’éducation africaine.

Entre 2000 et 2009 le nombre d’enfants en dehors du système scolaire est tombé de 42 à 30 millions. Malgré tout l’Afrique, dont la population connaît la plus forte croissance au monde, risque toujours de voir 17 millions d’enfants non scolarisés en 2025, une décennie après la date de 2015 choisie par la communauté internationale pour atteindre l’éducation primaire universelle.

Kofi Annan, Président de l’Africa Progress Panel a déclaré que « nombre d’enfants africains reçoivent une éducation d’une qualité déplorable. Loin de se préparer pour une économie mondialisée, des millions d’Africain sortent de l’école primaire sans les compétences de base en lecture et en calcul. Ils font face à un risque de marginalisation, de pauvreté, de précarité d’emploi et de chômage. »

À titre d’exemple, des 173 millions de jeunes Africains âgés entre 15 et 24 ans, on estime que 1 sur 5 est sans emploi, un taux de chômage des jeunes qui se situe juste derrière celui que l’on trouve au Moyen Orient, selon le rapport de l’Africa Progress Panel. Les mouvements sociaux au Moyen Orient, appelés collectivement le Printemps arabe, ont en effet mis en lumière les dangers de l’incapacité à créer assez d’emplois pour une population jeune en augmentation.

Selon Kofi Annan, « le dénominateur commun entre ces mouvements est le sentiment partagé de frustration et de colère concernant le manque d’implication des gouvernements et le manque d’emplois, de justice et d’équité ».

Mais les exemples de la Tanzanie et de l’Éthiopie montrent ce qui peut être réalisé grâce à un effort massif, a déclaré Monsieur Annan. Ces deux pays ont réussi à réduire le nombre des enfants non scolarisés de plus de 3 millions au cours de la première moitié de la décennie suivant l’an 2000. L’Africa Progress Panel souhaite assister à un coup de collier massif en faveur des Objectifs du Millénaire pour le développement de 2015, et notamment en faveur de l’éducation.

« Étant donné le rôle crucial de l’éducation dans la réduction de la pauvreté et la création d’emplois, nous appelons les gouvernements à tenir leurs engagements, à garantir l’éducation pour tous d’ici 2015 et à renforcer les dispositifs au service de la réussite scolaire », a dit Kofi Annan.

Les statistiques qui permettent de mesurer les progrès réalisés en Afrique masquent des inégalités majeures dans l’éducation qui renforcent les clivages existants parmi les plus pauvres, les femmes, les minorités ethniques, les enfants vivant en milieu rural et les autres groupes marginaux. Au Nigeria, par exemple, les femmes Hausa âgées entre 17 et 22 ans, pauvres et vivant en milieu rural, vont en moyenne moins d’un an à l’école, tandis que leurs homologues masculins, riches et vivant en milieu urbain, passent en moyenne plus de 9 ans à l’école.

Graça Machel, un membre de l’Africa Progress Panel, s’inquiète de ce que les dirigeants politiques et les donateurs, obnubilés par les chiffres de la croissance économique, en viennent à perdre de vue les autres indicateurs. « Comment expliquer autrement pourquoi les données les plus récentes sur l’éducation ne sont pas encore considérées comme une urgence nationale ? ».

« L’éducation a la capacité de casser le cycle de pauvreté intergénérationnel », a-t-elle ajouté. « Allez dans n’importe quel village pauvre en milieu rural ou dans un bidonville en milieu urbain et vous trouverez des Africains qui partagent ce point de vue. »

Madame Machel a noté qu’une année supplémentaire de scolarisation dans un pays pauvre peut accroître de 10% les revenus d’une personne. De plus, en Éthiopie, les femmes qui n’ont pas reçu d’éducation ont des taux de fertilité trois fois supérieurs à celles qui ont reçu une éducation secondaire.

Parmi les recommandations stratégiques pour les politiques qui se trouvent dans le nouveau rapport, l’Africa Progress Panel appelle les gouvernements africains à :

– Briser le lien de cause à effet qui réduit l’accès à l’éducation des enfants défavorisés en situation de faim, de pauvreté et d’illettrisme parental,

– Allouer une partie des dépenses publiques aux régions, écoles et élèves désavantagés, et notamment les filles et les groupes marginalisés,

– Généraliser l’éducation de la “seconde chance” pour offrir une éducation à ceux qui ont manqué dans leurs jeunes années.

Le rapport conseille également aux partenaires de développement de :

– S’appuyer sur les réalisations du Partenariat mondial pour l’éducation pour créer un Fonds mondial pour l’éducation,

– Honorer les engagements pris en 2000 en fournissant 16 milliards de dollars d’aide par an pour l’éducation de base dans les pays à faibles revenus,

– Agir sur l’engagement d’augmenter les prêts de l’AID de la Banque mondiale en faveur de l’éducation de base, de 75 millions de dollars sur une période allant de 2011 à 2015.

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