Il faut dénoncer l’anticolonialisme fumeux et vide de la bande à Gbagbo


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Dans un article au vitriol contre le Président actuel de la République de Côte d’Ivoire, paru dans le Journal en ligne lebanco.net du mardi 11 septembre 2012, Don Mello, ex-directeur général du BNETD et huile du régime Gbagbo déchu par les urnes, reprend une antienne connue.

Faisant fi du suffrage universel qui a porté à la tête de l’Etat un candidat élu en toute souveraineté par le peuple ivoirien durant l’élection la plus transparente que l’Afrique ait connue depuis le début de la vague démocratique qui balaie le continent, l’auteur soutient que « la France » [[Voir De quelle France parle-t-on ? in Pour un anticolonialisme critique.p 95. Alexis Dieth et Franklin Nyamsi. Balafons. Abidjan 2012]] , pour utiliser le mot vague qu’il emploie, et les multinationales ont installé par la force des armes à la présidence de la Côte d’Ivoire un mercenaire acquis à la cause de leurs intérêts particuliers. Selon Don Mello un fantoche est à l’office à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire grâce auquel la France met la main sur la souveraineté politique du pays et sur les secteurs vitaux de l’économie ivoirienne que sont l’énergie, les télécommunications, les banques, l’agro-alimentaires, les mines. Les multinationales privatisent l’économie ivoirienne, désarment l’Etat avec le soutien actif d’un ancien directeur du FMI qui a été placé à la tête de l’Etat ivoirien par des armées étrangères et qui gouverne sous la protection de toutes les forces coalisées du néolibéralisme mondial.

Cette complainte surannée et obsolète qui brasse un tissu d’opinions et de lieux communs simplistes rappelle un fossile : le romantisme révolutionnaire verbeux et le manichéisme politique dépassé des années de la guerre froide. Il est ici entonné sur l’air de la nostalgie par les politiciens véreux de l’ex gouvernement déchu, qui se sont enfuis hors des frontières de la Côte d’Ivoire pour échapper à la justice de leur pays après leur mandature calamiteuse et meurtrière. Ce disque rayé à force d’être joué et rejoué est le refrain emblématique de l’anticolonialisme dogmatique, du tiers-mondisme sans contenu et sans conviction; du socialisme vide et sans projet des tropiques qui camoufle bien souvent un ethno-nationalisme xénophobe et génocidaire. Cet anticolonialisme creux, ce discours émotionnel qui réveille les rancœurs des sévices passés du colonialisme occidental n’est ici, rien de plus qu’un fond de commerce que les anticolonialistes d’opérette mobilisent dans le but de mettre les foules de leur côté pour prendre le gouvernement des Etats afin de se ménager l’accès aux canaux divers d’enrichissement personnel.

A supposer que la structure secrète de la politique ivoirienne depuis les Indépendances se réduise au combat des multinationales pour mettre la main sur le tissu économique, financier, et pour finir la souveraineté politique de la Côte d’Ivoire avec le soutien actif d’un politicien local acquis à leurs intérêts particuliers, il conviendrait alors de mettre en exergue la remarquable fidélité avec laquelle, le régime prétendument anticolonialiste et nationaliste de Gbagbo a servi les intérêts étrangers comme en témoigne la cession à Bolloré du marché ivoirien du terminal à conteneur du port d’Abidjan dans des conditions qui avaient offusqué, en son temps, bien des opérateurs économiques . Un article du Monde daté du 15 février 2012, intitulé Gbagbo-retour-sur investissement, dévoile cette collusion entre le régime de Gbagbo et les entreprises françaises. « Gbagbo a toujours essayé d’acheter la complaisance de la France en favorisant Bolloré et Bouygues », explique un spécialiste des relations franco-ivoiriennes. « Pour preuve : des avantages donnés aux entreprises à la veille des élections présidentielles. » EuroRSCG Worldwide, société contrôlée par Bolloré n’a-t-elle pas dirigé la communication de M. Gbagbo pendant la campagne présidentielle, lui fournissant une série de sondages qui tous lui prédisaient une éclatante victoire ? Après que le Président français Nicolas Sarkozy s’est rangé résolument du côté de la défense de la démocratie en reconnaissant la victoire du candidat Alassane Dramane Ouattara et en exigeant le retrait de Gbagbo, la hargne destructrice, la colère de ce dernier contre les multinationales et la communauté internationale, sa campagne antifrançaise n’étaient que les réactions de dépit d’un complice en affaire qui estimait avoir été payé en monnaie de singe dans un marché de dupes [[Cf Le complot international contre Gbagbo. les raisons sécrètes de ce slogan. Dieth Alexis in Connectionivoirienne.net du 07-02-2011 ]] !

Il faut donc retourner la critique que les anticolonialistes d’opérette en fuite au Ghana adressent au Chef de l’Etat ivoirien pour découvrir qu’elle révèle en fait leur propre entreprise locale de prédation coloniale. Par une étrange ressemblance les méfaits que Don Mello impute à ce qu’il appelle le « système françafricain » se trouvent correspondre exactement aux déprédations perpétrées par le gouvernement Gbagbo sur le tissu social, économique, financier intellectuel et politique de la Côte d’Ivoire. Dans la complainte de Don Mello, la guerre réelle que le pouvoir illégitime du FPI a menée contre la Côte d’Ivoire afin de dépouiller le peuple de sa souveraineté après une gestion prédatrice sanctionnée dans les urnes va être escamotée par une fabrication imaginaire : la guerre de ceux qu’il appelle « les françafricains » contre la Côte d’Ivoire. A l’expropriation réelle de l’armée républicaine ivoirienne par les milices du pouvoir de Gbagbo et par ses gardes prétoriennes ethniques placées sous la direction de Dogbo Blé Brunot, Don Mello va substituer une fabrication fantasmatique de son cru : « l’expropriation de l’armée régulière au profit « de tirailleurs françafricains par la France et l’onuci », selon ses termes ! En lieu et place de la destruction réelle par le FPI de l’autonomie intellectuelle et de l’intégrité de conscience d’une université soumise au contrôle d’un syndicalisme enseignant dévoyé et livré au brigandage et au terrorisme d’étudiants enrôlés comme exécuteurs des basses œuvres d’un pouvoir prédateur, il va évoquer une imaginaire destruction de l’Université par « des forces françafricaines », selon son néologisme préféré. A la destruction réelle du tissu économique de la Côte d’ivoire par le régime Gbagbo dans un amok généralisé qui fut inachevé parce que les auteurs de cet amok tremblant devant la mort s’enfuirent hors des frontières de la Côte d’Ivoire pour échapper à leur funeste destin, il va substituer une réalité illusoire : la destruction des archives de l’Etat ivoirien et le sabotage imaginaire du tissu économique ivoirien par la France et l’ONU.

Il apparaît alors clairement que les spoliations coloniales et les crimes que Don Mello impute à la France et aux multinationales en soutenant qu’elles sont facilitées par la complicité du pouvoir actuel sont en réalité les déclinaisons diverses de la déprédation coloniale dont le pouvoir Gbagbo fut l’acteur endogène et le complice actif en Côte d’Ivoire. Un mécanisme de transfert psychanalytique opère donc assurément en cette désignation obsessionnelle d’un bouc émissaire sur lequel l’on projette ses propres tares. Une élite prédatrice locale qui a modelé sa propre domination ethnocoloniale endogène sur le colonialisme occidental, tente de se dissimuler dans une stratégie de camouflage qui consiste à rejeter en permanence la faute sur l’ancien colonisateur. Cette diversion justifie a posteriori toutes les dérives d’une certaine élite assoiffée de pouvoir. Elle installe alors au cœur des Etats une déchirure intérieure d’autant plus difficile à combattre qu’elle est perpétrée par ceux dont la fonction sociale est d’unifier le corps social autour de valeurs communes et d’élaborer un projet social émancipateur dont ils s’efforcent d’incarner l’exemplarité à travers leur conduite quotidienne. Expression emblématique de la colossale force d’inertie qui retarde le continent, cette criminelle diversion, que soutiennent bien souvent des entreprises concrètes de déstabilisation politique, empêche de mobiliser les énergies collectives sur la problématique urgente des projets de société et sur les réponses adéquates aux questions essentielles qu’elle requiert.

Le gouvernement Gbagbo fut l’illustration exemplaire de cet anti-modèle pernicieux qui sévit en Afrique. Le pouvoir Gbagbo a incarné l’amateurisme irresponsable d’une élite préoccupée de jouissances sensibles multiformes qui ne disposait d’aucun projet de société et qui n’avait rien à proposer au peuple de Côte d’Ivoire en politique intérieure si ce n’est un assemblage de slogans creux concocté a partir des lieux communs puisés au hasard dans un gauchisme rétrograde. Les longues tirades souverainistes de la complainte de Don Mello, directeur général de la BNETD de l’ex-gouvernement Gabgo dans une Côte d’Ivoire que les huiles du régime mettaient en coupe réglée ; ses vaines jérémiades contre « la France » « le système françafricain » les multinationales, révèlent l’incapacité consubstantielle de l’ex-gouvernement Gbagbo à défendre les intérêts de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale tout simplement parce qu’il ne disposait d’aucune conviction républicaine, d’aucun sens de l’intérêt souverain de l’Etat et d’aucun programme en politique étrangère ! Elles révèlent la naïveté d’un équipage hétéroclite d’aventuriers qui s’étaient emparés de la direction d’un Etat dans un moment de confusion en ignorant qu’il est de la prérogative des Etats ainsi que des firmes de défendre par les moyens les plus efficaces leurs intérêts souverains, de maximiser leur profit et de promouvoir leur expansion en dehors de leurs frontières. Cette ignorance coupable du principe de l’égoïsme sacré des Etats, des lois d’airain de la politique étrangère mondiale des Etats et des firmes en concurrence sur la scène du monde, ce manque de conviction politique, cette vacuité idéologique et économique, expliquent la tonalité particulière de la politique intérieure du FPI qui fut celle de la spoliation économique et de la domination politique du peuple ivoirien par une coterie soudée par un ethno- nationalisme moyenâgeux.

Dénoncer l’anticolonialisme fumeux et vide de la bande à Gbagbo et de ses complices tiers-mondistes internationaux, montrer qu’il est le mal le plus pernicieux que l’Afrique affronte depuis les Indépendances, dévoiler ses mystifications et ses intoxications, constitue en cela une indispensable œuvre de salubrité publique.

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