Le Maroc, 30 ans de démocratie selon Hassan II…


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Mohammed VI, Hassan II et Mohamed Mediouri
Mohammed VI, Hassan II et Mohamed Mediouri

Lors du déplacement du défunt roi Hassan II à Paris en 1981, le voici qui affirmait, dans une interview accordée à Paul Nahon, que le Maroc est le seul pays démocratique du Maghreb. Au programme : Abderrahim Bouabid, ancien leader de l’Union socialiste des forces populaires, les droits de l’homme, la démocratie… Et Montesquieu !

Feu Hassan II, juste pour les uns, tyran pour les autres, a gouverné d’une main de fer le Maroc durant 38 ans (1961-1999) avant de décéder en 1999 et de léguer la place à son fils Mohammed VI. Selon lui, le royaume chérifien est une démocratie, « l’une des seules du Maghreb ». C’est ce qu’il avait déclaré en 1981 au journaliste français Paul Nahon dans une interview enregistrée à Paris pour antenne 2 (France 2 aujourd’hui). Cette année-là, les prix des denrées de première nécessité ont excessivement augmenté au Maroc. Le 20 juin 1981, soit quelques jours avant la visite d’Hassan II à Paris, la CDT appelle à un mouvement de grève générale en réponse à cette hausse des prix. Le gouvernement rétorque en envoyant l’armée et la gendarmerie royale, le 22 juin, dans la capitale économique du Maroc, à Casablanca, pour calmer la colère des grévistes. Une répression sans précédent s’abat sur les manifestants, les membres de la CDT et les militants de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Les responsables des deux organisations, dont le leader de l’UFSP de l’époque Abderrahim Bouabid, sont arrêtés et leurs locaux assiégés.

« Vous savez, les droits de l’homme c’est une affaire subjective et une affaire climatologique. Montesquieu vous le dira », lance Hassan II au journaliste avant d’ajouter que « les droits de l’homme sont respectés chez nous ». Des déclarations qui interviennent peu après la répression durant laquelle des syndicalistes et des militants sont arrêtés puis emprisonnés et des civils tués. Pourtant, Nahon, d’origine marocaine, ne bronche pas et passe à la question suivante. Une réaction qui laisse perplexe sur les liens qu’entretient le journaliste avec le palais.

Mais revenons un instant sur la vision qu’avait Hassan II au sujet des droits de l’homme. Pour le côté « subjectif », libre à vous d’en faire une interprétation « objective ». Pour l’ « affaire climatologique », il faisait référence à cette fameuse théorie de Montesquieu, qui consiste à dire que le climat peut influencer substantiellement la nature de l’être humain et de la société. En clair, plus on se dirige vers le Nord, plus le climat est tempéré est les gens le sont aussi. Et plus on se dirige vers le sud, plus le climat se chauffe et les populations également. Une théorie rapidement balayée par la Révolution française, pays où le climat est censé être modéré…

Hassan II disait qu’Abderrahim Bouabid a été condamné pour un « délit d’expression qui tombe sous la loi pénale », sans préciser de quoi il s’agissait exactement. Mais en réalité, son tort a été de s’être opposé aux hausses exagérées des prix des denrées et au référendum d’autodétermination des Saharouis décidé par Hassan II en personne. Ajoutons à cela le refus de prêter allégeance à Sa Majesté. Le compte est bon. Dans un écrit resté célèbre dans les annales des critiques à l’encontre de la famille royale, Bouabid a « osé » insulté Hassan II en le qualifiant de « traitre ». « Les alaouites ont la traîtrise dans le sang », aurait-il déclaré, faisant ainsi référence aux sultans alaouites du XXe siècle qui ont permis aux colonisateurs d’occuper le pays. Abderrahim Bouabid est décédé le 8 janvier 1992

Si le Maroc est un pays démocratique depuis 1981, alors « vivement la dictature » comme dirait le quotidien satirique Demainonline.

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