Avoir 20 ans au Maroc : partir pour mieux revenir


Lecture 4 min.
Drapeau du Maroc
Drapeau du Maroc

Etre jeune au Maroc, c’est vouloir traverser la Méditerranée, que l’on soit riche ou pauvre, fille ou garçon. Mais c’est aussi, pour beaucoup, revenir pour participer au développement démocratique du pays. Portrait d’une jeunesse lucide et engagée.

Avoir 20 ans dans le royaume chérifien, c’est pour une grande majorité vouloir quitter le pays. Qu’on soit riche ou pauvre, fille ou garçon, l’ailleurs fait rêver. Pour Saad et Mahdi, 18 ans, internes au lycée français de Meknès, partir à l’étranger, c’est avoir la possibilité de faire des études poussées. « Je dois partir, je n’ai pas le choix car l’université ici ne me convient pas », explique Mahdi. Pour les filles, c’est repousser l’âge du mariage en poursuivant des études et découvrir une plus grande liberté.

Pour les classes plus défavorisées c’est l’espoir de trouver du travail. « Les jeunes veulent à tout prix franchir la Méditerranée. Malgré les difficultés, les problèmes de papiers, de racisme, la France reste un véritable rêve pour eux », note Saad. Pour tous, enfin, c’est l’assurance de profiter d’infrastructures (cinémas, salles de sport, de concert…) qui font défaut au Maroc.

Un pied en Méditerranée et l’autre au Maroc

Partir, oui. Mais rester, non. C’est du moins le cri du coeur de nos futurs bacheliers. Tous deux veulent revenir au Maroc à la fin de leurs études : « Je veux faire profiter mon pays de ma double-culture orientale et occidentale et participer à l’émergence de nouvelles mentalités, ici », explique Saad. Et Mahdi, de renchérir : « Il faut revenir au Maroc, notamment pour améliorer la situation politique du pays. »

Participer à l’ancrage de la démocratie semble être un voeu cher à ceux qui feront le Maroc de demain. Car si l’arrivée du nouveau Roi Mohammed VI a soulevé une vague d’espoir chez la frange la plus jeune de la population, les changements tardent à apparaître. « Mohammed VI a une mentalité différente de celle de son père, mais le gouvernement est toujours le même. Il y a des avancées du point de vue démocratique mais pas du point de vue social. Peu de jeunes sont engagés politiquement car ils attendent encore de vrais changements », explique Mahdi.

De plus, difficile d’avoir voix au chapître au Maroc, lorsqu’on n’est pas encore établi dans la vie active : « Nous sommes 75% de jeunes au Maroc, mais nous n’avons pas notre mot à dire. A 18-19 ans, les jeunes ne sont pas intégrés dans la société civile », regrette Saad. Il poursuit : « Les jeunes Marocains ne sont pas libres, qu’ils viennent de n’importe quel milieu. Ils ne sont pas autonomes car le poids des familles est énorme. Ici, même après le mariage, les gens vivent avec leurs parents, ça ne pose pas de problème. »

Le sexe est tabou

Si nos témoins viennent tous d’un milieu aisé qui leur permettra de reprendre l’entreprise familiale, ils cherchent véritablement à s’intégrer dans le reste de la société marocaine. « Nous sommes entourés de 99% de gens qui ne sont pas aussi aisés. J’ai des amis de milieux différents et on s’entend bien. La seule différence, c’est qu’ils veulent travailler et fonder une famille. Moi, je veux d’abord terminer mes études », explique Saad. De fait, le mariage se trouve de plus en plus retardé : à partir de 26 ans en moyenne pour les garçons.

S’ils louent le lien de solidarité très fort qui lie la société marocaine et son sens de l’hospitalité – qu’ils ne sont pas sûrs de trouver en Occident -, ils regrettent la complexité des relations filles-garçons. « Le sexe est tabou », affirme Mahdi. On n’en parle ni à l’école, sinon très évasivement, ni à la maison. Pas question d’évoquer non plus le sida ou les MST.

Entre eux, Saad, Mahdi et leur copine Mariame avouent qu’il n’y a pas de problème : ils ont des histoires de coeur comme tout le monde, mais au sein de leur petit cercle d’amis. En dehors, le regard de la société est pesant. Surtout pour les filles. « Ici, c’est paradoxal : les hommes regardent les femmes. Ils leur en veulent de s’habiller avec des jupes courtes mais en même temps ils sont attirés. Soit on se laisse draguer, soit on se fait insulter », rapporte Mariame.

Rêver de l’avenir, c’est bien. Mais le construire, c’est mieux. C’est ce que font ces jeunes Marocains, à la fois tournés vers l’Occident et attachés à leurs racines. Lucides et tenaces, Mariame, Saad, Mahdi et les autres le sont sans aucun doute. Prêts à faire entrer le Maroc dans la modernité.

Lire aussi :

Avoir 20 ans à Abidjan : le rêve américain

Avoir 20 ans à Kinshasa

Suivez Afrik.com sur Google News Newsletter