Moulay Hicham : le prince qui veut changer le Maroc


Lecture 5 min.
arton22118

Moulay Hicham, le cousin du roi Mohammed VI, a soutenu les manifestations de dimanche au Maroc. Très présent dans les médias, il critique la conduite des affaires dans le royaume chérifien. Il veut que son pays soit réformé et évolue vers une monarchie parlementaire.

L’exception marocaine? Dans les mouvements populaires, qui d’un pays à l’autre au Maghreb appellent au changement politique, le royaume chérifien pourrait prendre un chemin différent. Alors qu’en Tunisie, en Égypte et en Libye les membres des familles régnantes se sont montrés solidaires des dirigeants contestés, un prince marocain a choisi de joindre sa voix à celle des populations assoiffées de réformes : Moulay Hicham. Cousin du roi Mohamed VI et troisième dans la ligne de succession au trône alaouite, cet intellectuel de 46 ans, chercheur en sciences sociales à l’Université de Stanford aux Etats-Unis, avait fait clairement savoir qu’il soutiendrait les manifestations organisées dimanche dans le royaume chérifien, par le Mouvement dit «du 20 février ». « Personnellement j’adhère à toute initiative, à toute démarche qui appelle à la démocratisation de notre système politique. En prenant en compte, bien sûr, la nécessité qu’elle soit pacifique et tolérante. En l’occurrence, il semblerait que ce mouvement réunisse toutes ces conditions, donc j’y adhère », avait-il déclaré dans un entretien accordé, la semaine dernière, à la chaîne de télévision France 24.

YouTube video

Voix dissonante au sein de la famille royale

Dimanche, des milliers de Marocains sont descendus dans les rues. Les manifestations ont fait cinq morts et 128 blessés. Le prince Moulay Hicham n’était pas dans la rue avec ses compatriotes. Mais ceux-ci se savaient assurés de la caution morale de cet homme qui depuis plusieurs années appelle à la réforme de la monarchie marocaine. Selon le site [Diaspora Saharaui->
], feu le roi Hassan II avait déjà déclaré celui que l’on surnomme le « prince rouge » persona non grata au palais de Rabat. C’était en 1999 et il lui était déjà reproché d’entretenir des liens trop étroits avec des journalistes et intellectuels critiques vis-à-vis du régime marocain. C’est vrai que dans les faits, le décret royal ne s’est pas traduit par son bannissement du cercle familial qu’il a continué à fréquenter. Cependant, la sanction ne l’a pas empêché de poursuivre ses critiques. Il aurait ainsi grandement renseigné Mohammed VI, le grand malentendu.

Ce livre, qui dresse un bilan médiocre des dix ans de règne du successeur d’Hassan II, a été publié chez Calmann-Lévy par le journaliste Ali Amar, co-fondateur avec Aboubakr Jamaï du grand hebdo indépendant Le Journal Hebdomadaire. Il a été très peu apprécié à Rabat, de sorte que le prince Moulay Hicham a nié avoir renseigné son auteur sur la vie au palais royal, alors que dans l’ouvrage, Ali Amar le remercie de sa collaboration. Pour de nombreux observateurs, le démenti de Moulay Hicham était de pure forme. D’autant que deux ans plus tôt, dans une tribune publiée dans le quotidien espagnol El Pais, et consacrée au faible taux de participation aux élections législatives marocaines, il avait explicité les carences de la monarchie marocaine en matière de démocratie. A peu près sur le même ton que le livre.

Pour une monarchie parlementaire

S’il critique la gestion des affaires par son cousin le roi, Moulay Hicham ne souhaite cependant pas l’effondrement de la monarchie. Il voudrait seulement qu’elle soit réformée, pour se rapprocher du modèle de monarchie parlementaire en vigueur en Grande Bretagne, où le roi règne mais ne gouverne pas. « Sur le plan juridique et constitutionnel (le Maroc) c’est une monarchie absolue. Elle a de vastes pouvoirs constitutionnels et légaux. Cela ne veut pas dire que c’est un système politique fermé ou totalitaire. C’est un système autoritaire souple », a-t-il déclaré sur France 24. Il a ajouté : « le fossé entre classes sociales sape la légitimité du système politique et économique. Les diverses formes de clientélisme dans l’appareil d’Etat mettent en péril sa survie. Enfin, si la majorité des acteurs politiques reconnaissent la monarchie, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils sont mécontents de la vaste concentration du pouvoir dans l’exécutif». Pour lui, un système du type britannique arrangerait les choses, dans l’intérêt du roi lui-même: « A mon avis, c’est la meilleure manière de pérenniser la monarchie (…) A terme si la monarchie va se poursuivre, je pense que c’est inévitable ».

Moulay Hicham ne se sent pas uniquement concerné par le cas marocain. Il étend son analyse à l’ensemble du Maghreb. Observateur avisé, il a publié de nombreux articles sur le monde arabe et parraine un centre de recherches sur cette région à l’Université de Princeton. Selon lui, les révoltes qui secouent la région traduisent, comme chez tous les peuples, le souhait d’accéder à la démocratie. «Aujourd’hui dans le monde arabe, les peuples disent assez c’est assez ! Ils disent : nous ne voulons plus de cette exception arabe qui fait de nous des gens soumis. Nous voulons simplement nos droits et nous les voulons de manière responsable et constructive. Il n’y a rien qui nous sépare d’autres peuples. Je crois que c’est ça le point de départ », analyse-t-il.
Bien qu’il soit très écouté – près de 9000 personnes se sont inscrites sur sa page Facebook- Moulay Hicham ne se sent pas attiré par la politique. « Je suis content là ou je suis. Je veux garder mon autonomie intellectuelle, je veux garder mon indépendance critique, c’est la voie que j’ai choisi. L’aiguillage oui, le pilotage, cela ne me concerne pas », a-t-il déclaré sur France 24.

Lire aussi:

 Maroc : la monarchie remise en question

 Le Maroc à l’heure de la révolution arabe

 Marche du 20 février : pour un autre Maroc

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News