Grève Total au Burkina Faso


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En grève depuis dix jours, suite au licenciement d’un de leurs délégués syndicaux, les travailleurs de Total Burkina réclament une prime de résultat, la revalorisation de leur grille salariale et l’adoption d’un accord d’entreprise. Comme préalable à toute négociation, la direction de Total Burkina exige la reprise du travail sans condition. Pas avant la réintégration du délégué licencié rétorquent les travailleurs grévistes.

Notre correspondant au Burkina Faso

Le licenciement de Yacouba Ouédraogo, porte-parole des délégués du personnel de Total Burkina a jeté le pétrole sur le feu qui couvait déjà entre la société pétrolière française et ses employés burkinabè. En réaction, ces derniers ont depuis le 24 avril, cessé toute activité criant à un « licenciement abusif et discriminatoire ». Par solidarité et par mesure de sécurité, l’ensemble des gérants de stations-service Total du pays ont, eux aussi, cessé le travail.

Tout est parti d’un sit-in de 5 heures que les travailleurs ont observé le 27 mars, suite à la non-satisfaction de leur plate-forme revendicative, introduite auprès de leur direction, il y a un an. De l’avis des grévistes, le sit-in « d’avertissement » a déclenché l’ire de la direction de Total Burkina qui a décidé de sévir. Dans le viseur de la direction, Yacouba Ouédraogo, l’un des six délégués. Il aurait, selon ses propos, reçu le 23 avril sa lettre de licenciement, des mains de Stanislas Mittelman, le Président du Conseil d’Administration de Total Burkina, accouru à Ouagadougou deux jours plus tôt pour désamorcer la crise naissante.

La fin du silence total

Rompant le silence depuis début de la crise, le directeur général par intérim de Total Burkina, Thibault Flichy, a au cours d’une conférence de presse mercredi 29 avril, qualifié la grève d’illégale et a de ce fait considéré les grévistes comme ayant abandonné leurs postes. Réagissant au licenciement du porte-parole des délégués des travailleurs, il est, de l’avis de M. Flichy « conforme à la loi et à l’avis de l’inspection du travail ». Et son annulation réclamée par les travailleurs, semble improbable. En effet, M. Flichy prête au syndicaliste « des propos totalement diffamatoires et mensongers à l’égard de la société dans la presse, dégradant fortement, très fortement notre image ».

A l’occasion de cette sortie médiatique, le directeur général par intérim de Total Burkina a brandi à l’opinion les « engagements forts » de son groupe à l’endroit de ses travailleurs : l’augmentation des salaires de base (salaires catégoriels et sursalaires) de 16% en moyenne entre le 1er octobre 2008 et janvier 2009, la dotation mensuelle d’une bouteille de gaz à chaque employé et le maintien de la prime de résultat dite de 14e mois. Il a, en outre, annoncé que la direction générale serait prête à mener une étude comparative des salaires en vigueur dans d’autres sociétés comparables de la place et à ajuster si nécessaire les écarts éventuels constatés. Et suivant une grille salariale, il sera mis en place un recueil dit de « disposition ressources humaines » avant le 30 juin 2009, en conformité avec les normes du groupe Total en la matière.

Concernant spécifiquement le paiement d’une prime exceptionnelle de 3 mois de salaire, au titre des résultats 2008 du Groupe Total au niveau mondial des primes, il a été rejeté par la direction de Total Burkina. Aucune directive, affirme M.Flichy, n’a été donnée dans ce sens ni au niveau du siège ni au niveau des filiales sous-régionales.

Un dialogue de sourds qui pénalise les consommateurs

Obligés de parcourir de longues distances et contraints à d’ennuyeuses files d’attentes pour se procurer le précieux liquide, les consommateurs subissent les conséquences de la grève. Les autres stations-service du pays tentent difficilement de pallier le vide 40% de part du marché de la distribution des hydrocarbures au Burkina laissés par Total. Déjà confronté à un front social agité, le gouvernement burkinabè suit la crise de près. Dans un communiqué publié le 27 avril, il a « encouragé l’esprit de dialogue et de recherche de solutions afin d’éviter que les consommateurs soient les otages d’une telle situation. »

Pour l’heure, cet appel n’a pas été entendu. Deux tentatives de conciliation menées par la direction générale du travail ont toutes échoué. Chaque partie campe sur sa position. Avant toute négociation, les grévistes, fortement soutenus par les autres syndicats, exigent la réintégration de leur camarade licencié. La direction de Total ne semble pas y prêter une oreille attentive et appelle plutôt à une reprise immédiate du travail. En un demi-siècle de présence au Burkina, Total traverse là sa plus grave crise. De sa résolution diligente dépendent peut-être son action et son image dans les autres pays africains. La grogne des travailleurs burkinabè pourrait faire tache (de pétrole) ailleurs.

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