Le vernis africain du Dakar s’écaille


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Le rallye-raid Paris-Dakar, qui se déroule cette année en Amérique du Sud, a perdu en trente ans son point d’arrivée et son lieu de départ. Le Dakar, nouvelle dénomination de la course automobile, se déroule… en Argentine et au Chili. Que reste-t-il d’africain à l’épreuve créée en 1978 par Thierry Sabine ? Son nom peut-être.

Le Dakar délocalisé en Amérique du Sud pour 2009 : cherchez l’erreur. La nouveauté constitue le dernier épisode de la vie d’une course automobile, qui bouscule ses fondamentaux. Surtout ses racines africaines. Partager sa passion pour l’Afrique et pour le sport automobile, telle était pourtant l’ambition de Thierry Sabine en créant en 1978 ce qui deviendra une course mythique. En 1977, alors qu’il participe à la course Abidjan-Nice en moto, il se perd dans le désert du Ténéré pendant trois jours. Cette mésaventure lui inspire l’itinéraire initial du Paris-Dakar : départ de Paris, puis arrivée à Dakar, au Sénégal, via Alger, en Algérie, et Agadez, au Niger. Le tracé va cependant évoluer au fil des éditions et les infidélités à l’intitulé de l’épreuve se multiplient. La première révolution arrive en 1992. Pour la première fois de son histoire, le rallye-raid Paris-Dakar finit sa course au Cap, en Afrique du Sud. La deuxième délocalisation survient trois ans plus tard. Le Dakar ne part pas de la France, mais de Grenade, en Espagne. En 2000, ce sont les pyramides de Gizeh, en Egypte, qui accueillent les participants en fin de parcours. Puis, c’est au tour de Lisbonne, au Portugal, d’abriter le départ de la course en 2007. L’avant-dernière incartade, en 2008, ne sera pas volontaire. La menace terroriste, notamment en Mauritanie où 4 touristes français sont assassinés fin décembre, conduit à l’annulation de l’épreuve.

Le Paris-Dakar, l’hommage de Sabine à l’Afrique

Le Dakar a donc décidé, pour son 30e anniversaire, de quitter l’Afrique pour les cieux, moins perturbés, de l’Amérique du Sud. Plébiscitée à son arrivée en Argentine, la course a été tout de suite adoptée par les Argentins dont la deuxième passion, après le foot, serait le rallye. Un nouveau départ, des fans sud-américains, mais il n’est toujours pas question de changer de nom à l’épreuve. Confirmation dans un entretien accordé à la chaîne française France Ô par Etienne Lavigne, le directeur du rallye. « Historiquement, il s’est appelé Paris-Dakar puis a changé pour simplement Dakar. Il a sillonné 30 pays, l’Algérie, l’Egypte, l’Afrique du Sud… Et comme on ne change pas le nom d’un bateau, le Dakar ne change pas de nom. Jamais je n’ai envisagé de changer le nom de l’épreuve. Je dirais même qu’il n’a jamais aussi bien porté son nom. C’est un événement extrême de sports mécaniques. Cette année, nous retrouvons même ce qui a fait son succès à savoir la découverte, l’aventure, l’inconnu. Tout est réuni pour qu’il s’appelle toujours comme cela.»

Le Dakar restera Le Dakar même s’il ne se déroule plus en Afrique.
« C’est vrai que cela peut surprendre, reconnaît néanmoins Daniel Bilalian, le responsable des Sports de France Télévisions, qui retransmet la course en France. Le Dakar, qui est une marque et une affaire commerciale, correspond à un type particulier de compétition. L’organisateur a décidé d’en conserver le nom. Et puis il n’est pas impossible que le rallye revienne un jour en Afrique, même si ce n’est pas demain la veille ». L’organisation se veut néanmoins rassurante sur la dimension africaine de la course en mettant en avant les actions caritatives menées sur le continent africain par l’organisation, notamment en partenariat avec l’ONG Sos Sahel. Elles devraient se poursuivre en 2009. « Les liens qui ont été tissés avec l’Afrique, au cours des 30 ans de son histoire, amèneront le rallye à venir se ressourcer dans les eaux du Lac Rose (à Dakar, ndlr) dès que la situation géopolitique le lui permettra », peut-on lire sur le site officiel du Dakar.

Le Dakar, une marque

L’essence du Dakar se dilue malgré lui, et comme un écho, la contestation monte. La cinquantaine de personnes disparues (Thierry Sabine en 86 et ses compagnons de voyage, une trentaine de concurrents et 9 victimes africaines à la suite d’accidents) durant l’histoire de l’épreuve et les conséquences de cette course sur l’environnement y sont pour beaucoup. Les anti-Dakar, qui se sont aussi manifestés en Argentine, sont regroupés depuis 2006 au sein du Collectif pour les victimes anonymes du Dakar (Cavad), né à la suite de la mort de deux enfants durant l’épreuve. Sur le Net, c’est une pétition lancée en 2008 par le magazine spécialisé dans le trekking, Trek Mag qui alimente l’opposition à l’épreuve. La pétition « Non au Dakar 2009 » a déjà recueilli 10 000 signatures. Elle s’oppose à l’organisation de l’épreuve en Afrique et en Amérique du Sud. Le Dakar doit en effet traverser le désert chilien de l’Atacama, un autre bijou de la nature.

Afin de combler le vide laissé par Le Dakar, une course qu’il a remportée trois fois (1981, 1983 et 1992), Hubert Auriol, surnommé « l’Africain », a lancé Africa Race. Mais la course, qui se déroule actuellement, est frappée du sceau de l’illégalité. Le nouveau rallye-raid africain, qui relie Marseille à Dakar, a été interdit par une décision de justice prononcée le 5 décembre par le tribunal de grande instance de Paris, indique L’Equipe.fr. Elle a été confirmée par un deuxième référé, une action dont est à l’origine l’organisateur du Dakar, Amaury sport organisation (ASO).

Le Dakar ne devrait donc pas être de sitôt remplacé alors même que le retour de la course en Afrique reste encore très hypothétique. Interrogé sur cette possibilité par l’AFP, Etienne Lavigne n’a pas mâché ses mots. « L’actualité africaine est malheureusement terriblement dramatique. Année après année, le territoire d’expression du Dakar s’est réduit. L’Algérie est fermé depuis 1993, le Niger est fermé… Alors on verra ». Pour l’heure, l’Amérique du Sud continue de faire la fête au Dakar qui en est, ce mardi, à sa 4e étape. L’aventure a commencé le 3 janvier à Buenos Aires et s’achèvera le 18 janvier dans la capitale argentine. Les nostalgiques du Dakar devront se contenter des images du site Dakar d’antan (1978-1985) pour se rappeler du bon vieux temps où, sous les hauspices de Thierry Sabine, Dakar rimait avec Afrique.

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