« L’Orient après l’amour »


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L’auteur algérien Mohamed Kacimi nous entraîne dans un voyage à l’intérieur de son crâne et dans ses péripéties arabo-musulmanes. Des tranches de vie arrachées à Beyrouth, Le Caire, Jérusalem, Djeddah ou Sanaa, non dénuées d’humour mais au cours desquelles il observe avec inquiétude (et rage, parfois), la montée de l’islamisme.

Par Edelweiss Vieira

Il y a le titre d’abord. « L’Orient après l’amour »…. Ça sonne comme un poème et c’est tout un programme. Il y a la signature, ensuite, Mohamed Kacimi, cette grande et belle plume algérienne, écrivain et auteur de théâtre. Il y a le livre, enfin, et autant le dire d’emblée : le titre et la signature tiennent leurs promesses ! C’est un récit court, enlevé, complètement prenant. Mohamed Kacimi part de son histoire personnelle pour nous donner sa vision (toujours juste) du monde arabo-musulman actuel. Au gré de ses voyages, il note impressions générales, réflexions, analyses, bribes de dialogues, rencontres… On aime quand il raconte son enfance dans la zaouïa d’El-Hamel, avec son cheikh de grand-père, l’école coranique, la langue française et les premiers jours de l’indépendance (il avait 6 ans). Puis le déménagement de la famille à Alger. « C’était blanc, c’était vide, c’était bleu. Je n’oublierais jamais la première vision de la mer, une sensation de vertige », se souvient l’enfant des hauts-plateaux. Le service militaire, douloureux, et le départ pour Paris, en 1982. Au fil des pages, se dessine une charge féroce contre l’islamisme. Le livre s’ouvre sur cette phrase de Rabbi Nahman : « Plus les temps sont durs, plus notre rire sera fort », et Mohamed Kacimi en a fait un adage.

« De tournées en périples, j’ai découvert Le Caire, Damas, Sanaa, Jérusalem, Fès, Tunis, Casablanca, Tel-Aviv et combien de fois Beyrouth. Au fil des ans, j’ai vu aussi comment les femmes et les hommes de ces pays, à force de manque de libertés, de répression, de prohibition de l’amour, ont fini par renoncer au bonheur pour faire de la catastrophe une religion et de la religion une catastrophe. » Il ne mâche pas ses mots contre le wahhabisme, « une hérésie de l’islam sunnite », et se souvient avec humour de sa visite à la grande librairie de Djeddah, « divisée en rayons thématiques précis : les bienfaits des sunnites, les calamités des chiites, les bonnes actions de Sa Majesté, gardien des lieux saints et la catastrophe du judaïsme ».

Voyages, voyages

Ils se fait plus dur pour évoquer son pays. « La guerre civile en Algérie a fait plus de deux cent mille morts, elle a montré le vrai visage de l’islamisme, une idéologie de l’extermination de l’homme par l’homme. Mais c’est à croire que personne n’en a tiré les leçons. Au contraire, la société s’est islamisée jusque dans ses tréfonds. Toute le monde prie dans ce pays parce que plus personne ne croit plus en rien. » Le livre ne parle pas que de religion. Il égrène les « spécialités » locales : « La police des frontières égyptiennes est à elle seule une leçon d’éternité. Elle vérifie les passeports avec autant de méticulosité qu’on fouillerait un site archéologique de Sakkara ou d’Alexandrie ». Il raconte ses coups de foudre urbains : « J’ai toujours aimé et j’aimerais toujours à la folie Beyrouth, pour sa rage à se détruire, pour sa démesure à se reconstruire, pour son art d’exacerber l’horreur et la beauté. » Ce n’est pas un mais des voyages que l’on fait en lisant ce livre : voyages géographiques mais aussi intérieurs. L’été est la saison des amours paraît-il. Profitez-en.

Commander le livre L’Orient après l’amour de Mohamed Kacimi, éditions Actes sud, 208 pages, 19 euros

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