Viktor Lazlo : « Je me suis réconciliée avec mes origines »


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Viktor Lazlo
Viktor Lazlo

Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu rendez-vous avec Viktor Lazlo. On se souvient encore de ses titres à succès des années 80, « Pleurer des rivières », « Canoë rose » ou son interprétation dans Nord Plage, long métrage de José Hayot. Calme et détendue, elle a reçu notre partenaire Pilibo Mag pour parler des Antilles, de métissage, de son actualité télé et de la sortie de Begin the biguine (Polydor), son dixième opus.

Viktor, un nom bien masculin pour une femme si glamour. Née à Lorient en Bretagne, d’origine antillaise, elle grandit en Belgique. Elle choisit ce pseudonyme en référence à l’un des personnages de Casablanca (film de Michael Curtiz – 1942). Pour son nouvel album, Begin the biguine, elle avait envie de chanter les autres. Viktor voulait faire passer ainsi ses émotions. On retrouve donc Cole Porter, Billie Holiday « Begin the biguine », Tom Waits « Lowside of the road » dans un duo rauque avec Arno ou encore Shirley Horn dans « Je lève mon verre » adaptation du « Here’s to life ». Egalement de la partie, des musiciens de jazz : Mino Cinelu aux percussions, Marc Ducray ou Kevin Breit (Norah Jones) aux guitares.
Et puis, il y a Viktor à la voix caressante pour un album jazzy et cool. Rencontre.

Pilibo : Pouvez-vous nous présenter votre nouvel album ?

Viktor Lazlo : Cet album est à mon image. Il a des influences musicales, géographiques et culturelles. Un mélange de jazz, de musique antillaise, de folk, de blues et de chansons. Le premier titre « Begin the biguine » de Cole Porter débute par du ti Bois pour aller progressivement vers la biguine contemporaine. Cet album a été enregistré en live et est libéré de toutes contraintes.

Pilibo : Quelles ont été vos influences musicales ?

Viktor Lazlo : Par le passé, j’écoutais du rock des années 70, du rock alternatif, Bowie, Pink Floyd…Quant à la musique antillaise, j’adorais le groupe La Perfecta, c’est le premier disque que j’ai acheté ! J’aimais beaucoup Malavoi. Cependant, les écouter lorsque je vivais en Belgique, ne me donnait pas le même sentiment de plénitude que de les écouter aux Antilles où je suis allée pour la première fois à l’âge de neuf ans. Cette musique, correspondait, en effet, à des moments et à des lieux précis.

Pilibo : Vos origines sont diverses, pouvez-vous-nous en parler ?

Viktor Lazlo : Je me suis réconciliée avec mes origines lorsque j’ai rencontré Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant à l’époque du film Nord Plage. J’ai fait un travail sur moi et j’ai tenté de mieux connaître mes origines. Pendant longtemps, j’étais complexée. J’ai maintenant une grande force, une grande ténacité et suis solide comme …un rat (rires)
J’ai pris également la résolution de faire le voyage à Gorée. Je voulais faire face à l’horreur. On ne peut se laver véritablement des affronts du passé qu’en se confrontant à l’horreur. Quand vous êtes à Gorée, il y a une émotion très forte qui vous prend. Dans le dernier titre « Au final » j’aborde également le sujet *.

Pilibo : Reconnaissance de l’abolition de l’esclavage, certains pensent que l’on en fait trop. Quel est votre avis ?

Viktor Lazlo : Je ne m’explique pas vraiment cet état de fait. Pourquoi ne pourrait-on pas commémorer l’abolition de l’esclavage ? Personnellement, je suis d’ailleurs moins pour une reconnaissance de l’Etat que celle des individus. A l’école, cette période de l’histoire doit être enseignée. La mémoire doit être transmise. Je suis davantage choquée par le fait que les Français construisent de sublimes villas à Gorée, lieu de mémoire !

Pilibo : Votre actualité, c’est aussi votre rôle dans la série policière Navarro ?

Viktor Lazlo : « Brigade Navarro » est un 52 minutes avec Roger Hanin. Nous avons tourné deux épisodes pour le moment. La suite sera fonction de l’audimat. J’ai été choisie parmi 80 candidates et je trouve cela formidable de pouvoir gagner sa vie en jouant aux gendarmes et aux voleurs !

Pilibo : Vos origines sont diverses, parlez-nous de votre métissage ?

Viktor Lazlo : Le métissage est un joli costume, mais souvent difficile à porter ! De toutes façons on n’est jamais assez noire ou jamais assez blanche ! Je le vois notamment dans mon milieu professionnel, Je suis trop claire pour jouer une femme noire dans un film. Dès lors que l’on a un pourcentage minoritaire, on est attiré par ce pourcentage que l’on a en soi.

Ma mère était métisse, originaire de Grenade, mon grand –père blanc était un Anglais très roux. Mon père est un Chabin de la Martinique. Je ne comprends pas que l’on soit obligé de choisir. Je suis contente d’aller aux Antilles, car là-bas, je retrouve ma couleur.
Pour moi, je suis une femme noire. Avant j’étais mal à l’aise. Plus maintenant. J’ai travaillé sur moi. Je ne prête plus attention aux attentes de l’autre. Son regard a cessé de compter. L’autre c’est moi ! (rires)

Pilibo : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ?

Viktor Lazlo : Le conseil que je pourrais donner aux jeunes- j’ai moi-même un fils- c’est effectivement d’aller à la recherche de leurs origines. Cette recherche est cruciale dans la ré-appropriation de leur identité. Vous savez dans le café, on peut verser le sucre et le lait ! Il n’est pas nécessaire de choisir. Le métissage est aujourd’hui légitime et porteur d’espoir.

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