Des difficultés de l’enseignement du français en Afrique


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Les élèves africains maîtrisent-ils le français ? Tout dépendrait de l’école où ils l’ont appris. Les établissements privés seraient plus performants que ceux du secteur public, handicapés par la surpopulation des classes et des enseignants moyennement formés. Exemple au Sénégal et au Cameroun, en passant par le Tchad.

En matière d’enseignement du français, certains établissements africains doivent revoir leur copie. Dans plusieurs pays, les enfants sont familiarisés à la langue de Molière dès la maternelle. Une initiative destinée à les mettre tôt dans le bain, mais qui n’est pas toujours efficace. Et pour cause. Les cours dispensés dans les établissements publics sont de moindre qualité par rapport à ceux du privé. Une tendance qui serait vraie dans les collèges et lycées.

Dans les écoles privées, les enfants arrivent généralement avec un bon bagage de français. Ils peinent moins à s’adapter car ils entendent cette langue en classe et dans la plupart des cas, dans la cellule familiale. Les professeurs sont par ailleurs souvent d’un bon niveau et triés sur le volet : les parents paient, alors le service doit être le meilleur possible.

Français dans la classe, wolof dans la cour

Le scénario est souvent autre dans l’éducation publique. Les classes sont surchargées et peuvent compter une centaine d’élèves. Du coup, les enfants des milieux défavorisés qui les fréquentent ne parviennent pas toujours à s’approprier le français. Dans la cour de l’école, ils s’expriment ainsi dans la langue qu’ils entendent à la maison. Un luxe au Sénégal où, il y a quelques décennies, un tel écart de langage coûtait cher. « Il était complètement interdit de parler la langue nationale. Si on était surpris, on nous donnait un objet, que l’on appelait « symbole », pour marquer le fait que nous avions fait l’erreur de ne pas parler français », confie un instituteur de l’école privée franco-sénégalaise de Fann.

Cette stigmatisation, qui n’est pas sans rappeler celle du créole dans les écoles antillaises, n’a plus cours. Heureusement pour les élèves, mais aussi pour les instituteurs, qui donnent parfois des cours de géographie ou de grammaire en wolof… « C’est parce qu’ils parlent tellement wolof qu’ils ne sont pas très à l’aise avec le français, mais aussi pour bien se faire comprendre des élèves, qui passent les premières classes du primaires sans savoir lire », commente Youssou Touré, secrétaire général de l’Organisation des instituteurs du Sénégal (OIS).

Professeurs mal formés

Ce responsable, également directeur de l’école Pikine 3A, ajoute que le niveau de l’enseignement ne cesse de décroître dans le pays : « L’école est confrontée à trois problèmes majeurs : le niveau de recrutement très bas, la formation des enseignants qui dure entre cinq et sept mois et la motivation en baisse à cause des petits salaires ». Le Syndicat des enseignants du Tchad confirme une baisse de la qualité du français enseigné.

« Que ce soit dans le secteur public ou privé, c’est la même chose. Les enfants parlent de moins en moins bien français, certainement parce que les professeurs recrutés n’ont pas le niveau. Il peut aussi y avoir le manque de matériel, comme les livres. Le résultat est que nous avons des étudiants en université qui ne sont pas capables d’écrire quelque chose de correct », commente Ganda Souleymane Malato, secrétaire général de l’organisation, qui juge que la guerre qu’a connu le pays en 1979 n’est pas étrangère à cette situation.

Mauvaise maitrise de l’enseignement par les maitres

Ces problèmes, qui concernent plusieurs pays africains, ont de graves conséquences. Les instituteurs ne maîtrisent pas très bien la langue française qu’ils doivent enseigner. « Quand ils parlent et quand ils écrivent, ils font beaucoup de fautes », constate Urbain Yondoh, directeur de l’école tchadienne privée Ecole de l’avenir. « Aujourd’hui, nous avons dans nos écoles des instituteurs qui ne savent pas conjuguer au futur simple de l’indicatif un verbe du premier groupe. C’est inquiétant et à la limite alarmant. Comment un maître qui n’a pas le minimum peut-il enseigner ? » interroge Youssou Touré. Résultat, les élèves du public ne parlent qu’un français approximatif, contrairement à leurs camarades plus aisés du privé.

« Qu’est-ce que tu me tell-là ? »

Au Cameroun, le Syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles normales (Snuipen) assure que, dans le privé ou le public, il n’y a pas trop de différence. Il estime que les instituteurs du public sont même mieux formés que leurs homologues du privé. « La plupart des enseignants sont allés dans les écoles formant les instituteurs, c’est donc un avantage », souligne Jean-Pierre Ateba, secrétaire général du Snuipen. Ce professeur des écoles normales considère d’ailleurs que l’enseignement du français est au point.

En revanche, il met en lumière des problèmes qui ne facilitent pas la maîtrise du français par les enfants. « Les Bamilékés, nombreux dans les grandes métropoles, ne maîtrisent pas très bien le français mais les enfants répètent ce qu’ils disent. L’autre souci est que les enfants mélangent de plus en plus le français et l’anglais quand ils sont dans la rue ou à la maison. Cela donne par exemple : « Qu’est-ce que tu me tell-là ? » ou encore « Est-ce que tu see tel ? »[[« Qu’est-ce que tu me dis-là ? » et « Est-ce que tu vois untel ? »]]. Ce n’est pas facile pour les enseignants de gérer cela », poursuit Jean-Pierre Ateba.

Il faut compter aussi avec les problèmes de dyslexie, qui seraient de plus en plus fréquents, selon ce syndicaliste. « Les enfants confondent la diphtongue « cr » et « tr ». Pour eux, c’est le même son et ils ont donc du mal à prononcer correctement les mots « crois » et « trois ». Ils confondent aussi le F et le V. C’est pour cela que nous disons aux maîtresses et maîtres, dès la maternelle, de passer plus de temps à répéter et faire faire répéter les mots pour aiguiser l’oreille des enfants ». Rien de tel que les bonnes vieilles méthodes.

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